Jeune alpiniste, je rêvais comme les autres à une voile qui permettrait de redescendre dans la vallée sans se casser les genoux et les vertèbres dans des descentes infernales.
C'était dans les années 1968-1988 et si le parapente fut inventé "officiellement" en 1978 ce n'est que récemment que ses applications à l'alpinisme sont devenues opérationnelles.
Un alpiniste et parapentiste de très haut niveau comme Julien Irilli nous montre l'exemple.
Mais avant lui ?
C'est là que l'expérience de paralpiniste de Marc est fondamentale, la mienne venant bien après parce que je ne décollerai probablement jamais de l'Aiguille Verte, ce qui était mon projet à moyen-terme quand j'ai débuté en 2007.
Il y a surtout l'âge qui me rattrape, bien plus que les difficulté techniques qui pourraient me faire douter.
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Avant de se lancer dans le paralpinisme, il faut faire du vol-rando en moyenne montagne pour apprendre à décoller de n'importe où, quitte à redescendre un peu pour trouver un endroit décollable, avec un terrain pas trop épouvantable et surtout une aérologie favorable.
Et quand cela ne fait pas, apprendre à renoncer et à descendre à pied sans perdre de temps.
Il faut aussi être capable de se poser en sécurité à peu près n'importe où, sans infrastructures au sol, c'est un pré-requis important quand on fait du cross et indispensable en paralpinisme.
Autant dire qu'il faut déjà une solide expérience.
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Je me suis rompue à cela dans les Aravis alors que je n'avais pas encore beaucoup de vols au compteur (moins de 100), au début avec ma Joy et ma sellette Altirando, qui pesaient un âne mort, puis avec une Ultralite 19 et une sellette-string. L'apothéose fut et reste le vol du Mont Blanc en septembre 2009, mon compteur était alors à 250 vols.
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Savoir décoller à peu près partout, savoir se poser à peu près partout, c'est bien... mais entre les deux il faut aussi savoir voler, et donc avoir acquis une bonne expérience de l'air. Cela ne s'apprend pas dans un stage en école, il faut pratiquer et élever son niveau de vol. Si en moyenne montagne on a presque toujours en vue un endroit où atterrir quand l'aérologie devient agressive, ce n'est pas forcément le cas en haute montagne et je n'aimerais pas du tout devoir me poser sur un glacier ou une moraine.
En vol-rando, on marche tôt et on décolle tôt, l'aérologie est le plus souvent relativement calme. En haute montagne, après une rude escalade, on est dans l'après-midi et l'aérologie est compliquée, le relief la rend encore plus difficile à gérer, c'est une affaire de pilotes TRES expérimentés.
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Cependant on peut quand même être optimiste : après un bon stage d'initiation et quelques vols en autonomie, on va faire un stage perf et d'autres vols en autonomie, puis un autre stage d'un niveau plus élevé, après quoi on volera le plus possible.
La saison suivante on vole, on vole, on marche et on vole, puis on ira décoller à l'Aiguille du Midi. C'est facile... quand les conditions sont bonnes, beaucoup moins facile dès qu'il y a de l'air ou de la poudreuse, ou des nuages qui traînent... voire impossible, alors on attend et si cela s'éternise on remonte pour prendre la benne.
En paralpinisme comme en alpinisme, il faut savoir marquer un but.
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Il y a très peu de parapentistes qui se risquent en haute montagne et c'est tant mieux, il y a déjà assez de monde comme ça sur les sites décollables. Sur d'autres sommets, éventuellement décollables, il n'y a personne.
Être capable de décoller sur un sommet quand on est seul, c'est quelque chose ! C'est déjà très chargé en émotionnel en moyenne montagne, je ne raconte pas en haute montagne.
Je l'ai vécu et je peux dire qu'il faut un mental très structuré et beaucoup de sang-froid, un peu comme quand on grimpe en solo dans une voie difficile et qu'on arrive à un passage de VI en rocher "moyen". Une fois en l'air, cela va mieux... en général. Quand les conditions météo sont limites, le vol n'est pas plus confortable psychologiquement que la phase qui précède le décollage, la concentration reste extrême.
Ce sont des conditions qu'on ne rencontre pas en vol-rando, le paralpinisme fait passer un degré au-dessus.
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En tout cas je reste disponible toute la saison, de mars à novembre, pour emmener au col des Frêtes des débutants en sortie d'init qui se sentent aptes à faire leur 1er vol-rando, quitte à leur prêter du matériel si besoin est (sellette-string, bâtons de marche etc). Je le fais depuis des années et c'est toujours un vrai plaisir.
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Quand on a acquis une bonne expérience du vol, on peut investir dans une voile montagne, petite et légère, et il ne faut pas mégoter sur la légèreté. Comme il se doit ce sont des voiles faciles à décoller, faciles à piloter mais pas forcément faciles à poser. Les petites surfaces induisent des charges alaires importantes, donc de la vitesse... mais pour avoir une bonne facilité de décollage on privilégie les profils A ou B, ce qui modère la vitesse induite par la charge alaire.
Ce n'est pas Marc qui me contredira : l'Ultralite d'Ozone est probablement le meilleur compromis.
La mienne est une 19m² qui pèse 2,5 kg.
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Il y a depuis 2015 deux voiles hyper-légères sur le marché : la Skin (Niviuk) et l'UFO (Air Design), des mono-surfaces avec des demi-caissons. La Skin pèse 1,6kg et tient dans un grand sac à main si on la plie bien. Avec une sellette Ozone (qui pèse moins de 100g) ou une Néo à peine plus lourde, on met tout ça au fond du sac et on peut aller grimper.
Evidentes à décoller par vent faible et à piloter au sol, ce ne sont quand même pas des voiles faciles en l'air, réservées à des pilotes très aguerris.
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Une vraie voile haute montagne doit être munie sur l'extrados de petits passants de tissu qui permettent de la fixer au sol pour l'empêcher de glisser (pentes fortes ou enneigées) ou de battre dans le vent quand le tissu est très léger.
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On est très loin du stage d'initiation, n'est-ce pas..? Mais quel bonheur de voler en haute montagne !