Je trouve que l'idée de l'échange est plutôt bonne !
j'aimerai rebondir sur une idée introduite quelques pages avant : Celui qui se croit à l'abri d'une erreur commet de base, une grosse erreur.
Je pense que chacun fonctionne différemment, et que chacun doit construire sa pratique en fonction du niveau de risque acceptable et du type de vol recherché (bouh les drapeaux !)
Mon objectif est d'arriver à définir, pour ma pratique, ce que je met derrière ces 3 définitions :
1/ Précaution : comment décider si je fonce, ou si je n'y vais pas ?
2/ Prévention : le risque est avéré et je décide de le prendre, mais comment le minimiser ?
3/ Protection : limiter la casse en cas de catastrophe (voir plus loin pour la définition de la catastrophe).
Ensuite chacun peut définir son 1/, 2/ et 3/ et le valider en étudiant des retour d'expérience concrets.
Beaucoup se plaignent du manque de retour lors des accidents mortels. Il est important de noter qu'au final, un presque accident, c'est encore plus intéressant qu'un accident mortel ! C'est ainsi que je définis la catastrophe :
une configuration ou le contrôle de la situation m'échappe entièrement ou en partie. Ou alors plus simplement : franchir ses limites.
Donc pour construire ma sécurité, le retour d'exp d'un pilote qui a eu beaucoup de chance suite à un vrac à ras les falaises est aussi voir encore plus pertinent que celui qui s'est tué ou blessé dans une situation similaire. C'est pourquoi quand j'en ai l'occasion, je demande aux pilotes de me raconter leur pire souvenir de vol. Et je suis effrayé de constater que le nombre de gens qui ont vécu un accident ou presque accident est très grand ! C'est la face caché de l'iceberg que l'on mentionnait plus tôt, et c'est pour ça qu'il faut agir pour la sécurité, et vite !
Je constate que beaucoup de pilotes confondent Faute et Erreur. La faute est lié à une prise de risque avérée : ex "je fonce sous le vent même si je sais que ça va être très turbulent". Alors que l'erreur est liée à une inconscience, une maladresse : ex "Je pensais pas que ça serait si turbulent à cet endroit"
Alors que les pilotes prudents pourront aisément éviter les fautes, TOUS les pilotes peuvent faire des erreurs, car en terme de connaissances et compétences, chaque volant, même champion du monde, a des limites, qu'il risque de franchir sans forcément sans rendre compte (c'est ça une erreur !)
Premier élément qui a été déja longuement été évoqué : c'est la formation qui permet de transformer beaucoup d'erreurs potentielles en fautes évitables. (ex un moniteur m'a expliqué pourquoi cette zone est turbulente, je sais maintenant qu'il faut l'éviter). mais ça rien de conceptuellement difficile. Le problème c'est qu'avec toute la formation du monde, l'erreur est toujours possible, sinon comment expliquer que certains accidents concernent d'excellents pilotes ?
Bon, comment faire pour éviter les erreurs si je ne peux pas me faire confiance ? La question est ouverte ! voila mon début de réponse qui n'engage que moi.
D'abord j'essaie de constater quels sont les constantes des catastrophes (selon la définition précédente) :
- Le Déni : Je suis prudent et compétent donc je n'ai pas de soucis à me faire
- La Pression externe : Je suis fatigué à cause du boulot, je n'ai pas volé pendant un mois et j'ai faim, mes potes me regardent, ...
- La Routine : Paul en parle très bien avec sa définition de "conscience statistique". En un mot, on s'habitue vite au succès : après 1000 vols sans problèmes, c'est que tout va bien. (pour moi le dicton "vieux pilote bon pilote" ------> poubelle)
- Optimisme illusoire : je sais que c'est chaud, mais ça va le faire !
Application à la
1/ prévention : Avant le décollage (ou avant d'envoyer mon run, dans mon cas en acro) je prends ma décision basée sur mes connaissances techniques. (aérologie, connaissance de mon niveau, etc ... ) décision que je remet ensuite en question avec ma checklist DROP. Imaginons le cas concret de la figure que j'apprends en ce moment : l'hélico.
D : ai-je toujours bien dans un coin de la tête les conséquences catastrophiques si jamais je me foire? (selon la définition au dessus : un vrac twisté, pour moi, même si ça finit par revoler c'est une catastrophe)
R : Je n'ai plus du tout peur car après avoir répété 100 fois la figure, je n'ai jamais eu de problèmes = danger ! (c'est d'ailleurs le mal de beaucoup de pilotes d'acro. Le sentiment d'invulnérabilité de l'acrobate qui maitrise avec facilité un large panel de figures est très dangereux !)
O : Ma hauteur sol est limite mais c'est pas grave encore un dernier essai ... non !
P : C'est mon 5eme run. Suis-je encore en capacité de continuer malgré la fatigue?
Application à la
2/ précaution : je décide en conscience de cause d'envoyer quand même mon hélico. J'essaie de limiter la probabilité d' occurrence de la catastrophe, de la même façon. Un risque c'est = une catastrophe plus ou moins grave * une probabilité d'occurrence
(sans détailler : je limite le nombre de tour car ma relative faible expérience me rends plus vulnérable à la désorientation spatiale, je ne force pas un dés-axage trop important, etc ... )
Enfin quelques mots pour la
3/ Protection : la catastrophe (dans mon cas, je l'ai définie comme un vrac twisté) est à envisager. C'est pour ça que je fais tout au dessus de 400m/sol (hauteur définie justement par le retour d'expérience), j'ai deux secours, je n'envoie que si le box est propre, sans trop de dérive, etc ..
Pour terminer concernant le retour d'expérience, j'encourage tous les pilotes sur le forum à raconter leurs erreurs, car ce sont elles qui sont intéressantes ! et j'encourage les lecteurs à être plus indulgents vis à vis de ceux qui ont la force de s'ouvrir publiquement, en se rappelant que, chacun à son niveau, personne n'est pas à l'abri d'une erreur !
Voila mon chantier à l'heure actuelle. Il est assez pessimiste car je pars de l'axiome que l'on aura jamais la certitude d'être protégé des erreurs. Pour résumer en un dicton : "pilote prudent pilote vivant. mais c'est pas sûr!", "pilote pas con, maitrise en tout temps la situation"
Tom