Archiane ! Un des plus beaux endroits du monde, un cirque de falaises extraordinaire dans la lumière du sud, un village tranquille, assoupi dans un Eden qu'il faut préserver des foules.
J'y ai grimpé dans ma jeunesse, sur cette paroi appelée "jardin du Roy", et quand on sort sur le plateau, en juin, c'est un océan de fleurs, c'est un des lieux les plus merveilleux du monde.
Pilier Livanos, voie du Levant, pilier NE, Tête du Jardin, que de belles escalades !
Je n'y suis plus allée depuis 1982 et j'espère que le village d'Archiane est toujours aussi mignon, avec ses vieilles pierres et ses toits de tuiles romaines.
Pour ceux qui ne connaissent pas, je ne dirai pas où c'est.
Séquence nostalgie.
Pauvreté n'est pas vice et il arrive souvent que les gens pauvres - ou qui savent ce que c'est - soient beaucoup plus généreux que les gens "à l'aise", et ma référence à Fritz Kasparek allait dans ce sens, mon admiration pour Louise Michel et François d'Assise aussi.
C'est une question de dignité que les égoïstes plus ou moins cupides ne comprendront jamais.
Dans le film "Porte des Lilas", il y a au début une scène de picole (du gros rouge qui tache) dans laquelle Pierre Brasseur, qui joue un ivrogne, renverse son verre. Brassens lui donne le sien en lui disant "tu as plus soif que moi". C'était tout lui, ce geste et cette réplique.
Sur le bateau qui l'emmenait en déportation, il faisait très froid et Louise Michel était pieds nus. Un officier s'en émut et lui fit tenir des chaussons... mais une heure plus tard elle était à nouveau pieds nus dans le froid : elle les avait déjà donnés à une personne qui avait aussi froid qu'elle.
J'ai une vieille veste en duvet d'alpiniste que je ne porte plus depuis des années et que je ne mettrai jamais à la poubelle parce qu'elle peut encore réchauffer un clochard en hiver, mon problème est que je ne trouve pas de clochard quand je vais au marché. Il y a bien des Manouches qui font la mendicité (je les connais, ce sont des familles de faux pauvres pleins aux as) et je ne leur donnerai jamais un moindre fifrelin.
Je rentre donc chez moi chaque dimanche matin avec ma doudoune.
C'est dommage.
J'ai vieilli et pris du poids, ma vaste garde-robe est devenue obsolète. Le Secours Populaire la recycle et les Pauvres ont parfaitement le droit de porter des belles robes et des beaux tailleurs, voire de les revendre pour se faire un peu de blé.
J'ai bien écrit dans mes précédents articles ma définition de la différence entre "fauché" et "pauvre" : les pauvres n'ont pas le choix.
Quand un mendiant fume, je ne lui donnerai jamais un maravédis : au lieu de
fumer brûler son fric, il ferait mieux de manger un peu mieux ou de s'acheter un vêtement propre chez un fripier.
Mon sens de la charité a des limites.
C'est aussi le souci de venir en aide à des gens fauchés qui me fait donner mes voiles déjà anciennes mais loin d'être rincées à Certika (qui les contrôle) après quoi elles seront exportées et donneront du bonheur à des gens qui n'ont pas les moyens de s'offrir du matériel récent.
C'est ce que fait notre copain "AZAZA", qui rachète de telles voiles pour une poignée de cerises et les exporte en Kabylie pour faire voler les jeunes du club qu'il a monté là-bas.
Hassen si tu me lis.
On ne peut pas prendre en charge toute la misère du monde, disait fort justement Michel Rocard, mais il traduisit en français les "oeuvres" de milton friedman (je ne mets pas de majuscules aux salopards), auteur de l'ignoble doctrine économique appelée "néo-libéralisme" qui n'a évidemment rien de libérale, la perversion des mots était déjà dans les habitudes des dictatures totalitaires stalinienne et hitlérienne.
Il faut lier ou relire Naomi Klein : "la stratégie du choc / montée d'un capitalisme du désastre".
L'application de cette théorie fumeuse et criminelle, depuis plus d'un demi-siècle, a ruiné tous les pays pour le plus grand profit des gros actionnaires des multinationales, démantelé les services publics, puis les services sociaux, toujours sous le prétexte érigé en dogme : il faut moins d'Etat, moins de fonctionnaires, "rien à foutre des pauvres et tout pour ma gueule".
Les damnés de la terre n'ont plus les moyens de se lever et de prendre les armes, ni même de se révolter, ils ont la télé et le foot pour rêver et s'occuper l'esprit... et des flics bien gras pour leur taper dessus s'ils ne sont pas contents.
L'Internationale est un chant magnifique mais nos lendemains ne chantent pas. Les conservateurs et les réactionnaires ne sont plus les tigres de papier dont se moquait Mao, et les peuples ont été dépossédés de leurs facultés de résistance.
Il reste encore ici ou là quelques anars comme moi, tout à fait inoffensifs, et notre planète est en train de crever.
La tentation de Candide n'a pas pris une ride mais elle est pernicieuse et elle conforte les ploutocrates dans leur asservissement des populations, alors on cultive son jardin en essayant de ne pas fermer les yeux devant la misère du monde.
Mon jardin, c'est le ciel et l'air frais de nos montagnes, c'est mon petit égoïsme à moi... tout en régulant Planfait pour rendre service à tous.
C'était le quart d'heure de la folle d'une espérance désespérée.
Note : l'oxymore "folle d'une espérance désespérée" vient du poème de Paul Fort sur l'enterrement de Verlaine, dit par Brassens dans son 4ème disque, qu'il chanta aussi sur l'air de la Marche nuptiale", une chanson qui arrache les tripes.