J'ai descendu l'arête non équipée des dizaines de fois, que ce soit pour aller grimper à la journée ou depuis les refuges des Cosmiques / Torino / la Fourche, et depuis 2009 pour voler, quand arrivent septembre et la fin de l'interdiction.
Je la descends le plus souvent en solo, sauf quand j'emmène un débutant qui ne sait pas cramponner. On apprend vite mais c'est assez vertigineux et cela impressionne souvent des novices.
En septembre 2014, j'y suis allée avec des copains qui n'y étaient jamais allés mais qui ont le pied alpin, la corde resta dans le sac.
Descendre l'arête n'est un problème que quand il y a devant un sarpé qui dégouline de trouille et qui bloque tout le monde.
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Par contre, quand elle est équipée pour les skieurs, c'est souvent assez inconfortable en grolles de ski, sans crampons avec les skis sur l'épaule.
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Le déco nord est engagé mais très facile si :
- la neige est dure ;
- il y a assez de vent de face pour gonfler face voile (pouvoir faire du soaring au-dessus de l'arête Midi-Plan est assez fabuleux).
Si c'est pétole j'attends la brise.
Si on enfonce, il faut préparer d'abord une trace, la damer le mieux possible pour pouvoir courir dedans sans se planter. C'est trop con de se tuer quand on peut faire autrement.
Le matin, il y a souvent une petite brise de nord mais il est fréquent qu'elle s'inverse quand le soleil chauffe l'immense cuvette glaciaire et dilate l'air, cela passe alors cul et il faut décoller en sud.
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Le problème est le même si la neige ne porte pas. Si elle porte, on décolle facilement en dos voile, sans crampons. Les soucis viennent après parce qu'il y a une gigantesque rimaye, très profonde et qu'il ne faudrait pas se vautrer et tomber dedans.
Le déco sud n'est pas forcément de tout repos quand il y a de l'air parce que c'est toujours turbulent du fait du relief. Il faut maîtriser parfaitement le gonflage par vent soutenu et le pilotage au sol.
Il y a un petit thalweg un peu avant d'atteindre le déco, qui canalise le vent, décoller là est assez confortable.
Par conditions parfaites, c'est tout facile à l'Aiguille, mais par conditions différentes ce n'est pas forcément de la tarte et il ne faut pas se forcer sous prétexte que la montée coûte une fortune. Avec plus de 25km/h il est prudent de marquer le but.
(à ce propos : l'altitude fait diminuer la pression atmosphérique, donc l'énergie que le vent communique à la voile. 25km/h à 3700m c'est en gros comme 20 à 1500m, il n'y a rien de tragique a priori... sauf que le terrain n'est pas du tout le même).
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Une fois en l'air, ce n'est pas forcément la sérénité parce qu'on est assez bas au-dessus des glaciers, terriblement crevassés, il ne faudrait pas poser dessus parce que cela finirait sans doute au sous-sol. Le remède est un petit rognon rocheux entre la Vallée Blanche et l'Envers du Plan, qui déclenche un petit thermique salvateur très sympa. Mais cela passe parfaitement avec une Ultralite 19 ou une Spiruline 18.
Dans tous les cas on tourne la Dent du Requin au niveau de l'Epaule voire au-dessus, il y a toujours un thermique.
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Le matin, les versants E du Grépon déclenchent mais pas assez pour aller examiner les prises de la fissure Knübel. Le retrait glaciaire induit aussi du thermique sur les dalles au pied de l'Envers de Blaitière. On passe l'arête qui descend sur le Montenvers un peu au-dessous de l'M et on va facilement raccrocher Planpraz pour allonger le vol, même avec une Spiruline.
L'après-midi c'est tout à l'ombre et on descend assez vite, pas glop du tout avec un glacier sous les pieds. Pour aggraver le problème, la brise de vallée fait un gros rouleau sur l'arête du Montenvers et on descend encore plus vite. La solution est de traverser la Mer de Glace après avoir passé le refuge du Requin afin d'attraper les thermiques sur les moraines et les clapiers au soleil situés sous le Moine et les Flammes de pierre, voire même si c'est bon d'aller aux Drus, là c'est du thermique costaud + de la brise... mais cela chahute et en configuration "rando" (sellette string / pas de secours etc, le moral a tendance à descendre comme un caillou.
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A Chamonix, l'antenne météo emploie les qualificatifs "faible", "faible à modéré", modéré à fort", "fort". Pour l'Aiguille, il faut du vent faible. "Modéré" c'est de 25 à 40 et on court un grand risque de ne pas pouvoir voler... et de toute manière les prévisions sont aléatoires.
En septembre, j'ai mis un but au Mont Blanc avec des prévisions parfaites. Sur place, l'âne se formait (le classique lenticulaire) à 4300m et il y avait un zef à déplumer les choucas. Nous avons quand même pu décoller vers 4000m, dans une zone abritée sous le vent de l'arête des Bosses.
Quelques jours plus tôt, je n'avais pas pu faire un 2ème vol à l'Aiguille à cause d'un vent trop fort pour la Diamir (avec la U-Turn il n'y aurait eu aucun souci) et j'étais remontée pour descendre décoller au Plan de l'Aiguille.
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Je ne descends plus à skis maintenant, à cause des interminables et épuisants escaliers qu'il faut prendre pour remonter au Montenvers. Dans les années 70-90, je descendais toujours à skis jusqu'en bas, parfois au prix d'un petit rappel sur champignon de glace. Il y a bien longtemps que cela ne passe plus. Maintenant, il y a le parapente pour descendre et c'est GENIAL.
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J'ai hâte de revenir vers mes chères montagnes.