Partie 5 (19-10-2016)
Bords d’attaque programmés – Shark Nose, Air Scoop, Hit Valves, Ram Air & consorts
Les prémisses et les frontales modernes
Avant-dernier chapitre que j’espère maintenant bien en phase avec vos préoccupations (
pilotes confirmés <-> matériels performants) et vos matériels
Il éclairera peut-être d’un autre jour le chemin tortueux que je vous ai proposé de suivre avec moi, avec de nombreux retours dans le passé qui permettaient je l’espère de mieux comprendre tout le chemin parcouru par les concepteurs de nos parapentes en une vingtaine d’années, la résolution de certaines problématiques mais aussi l’apparition de nouvelles avec la progression fantastique de leurs performances.
Ici c'est du concret et du moderne (il en sera de même pour le dernier chapitre)
Pour ceux qui me font le plaisir d’être encore avec nous, attention donc aux secousses !
Pour ceux qui nous rejoignent, permettez-moi de vous demander de relire mes mises en garde exprimées en début de ce fil et répétées au milieu de celui-ci :
http://www.parapentiste.info/forum/techniques-de-base-du-pilotage/la-relation-incidence-ressenti-pilote-t45756.0.html;msg574027#msg574027Je ne prétends en aucune manière me substituer au formateur que je ne suis pas, ni créer un schisme.
Je fais des hypothèses, formule des analyses et exprime des opinions qui peuvent avoir été déjà exprimées, partagées ou contredites par ailleurs. Elles constituent un extrait des convictions qui ont construite mon expérience de « vieux conducteur » de parapente.
Elles m’ont aidé pendant ces années à savoir ce que j’attendais de mon matériel mais aussi ce que je ne voulais pas.
Comme toute expérience elle est personnelle et ne prétend en aucune manière se substituer aux enseignements de qualité et aux remarquables fonds documentaires reconnus par leurs pairs dont nous bénéficions en France - e.g.
https://www.pilotage-parapente.com/,
https://www.pilotage-parapente.com/, etc.
Merci une nouvelle fois de votre attention
Le début des années 2000 a vu l’arrivée sur des ailes de loisir EN-B++ et des ailes de performance EN-C d'allongement "contenus" (aux alentours de 5.7-6) des dispositifs aérodynamiques visant à amortir les variations de pression dans un parapente, et par là limiter ses déformations en commençant par le bord d’attaque
Ce faisant, Shark Nose, Air Scoop, Hit Valves, Ram Air & consorts ont notablement modifiée la relation incidence / ressenti pilote, ce dernier n’ayant qu’ « à s’adapter »
Les inflexions du ressenti qu’il était possible d’observer à leurs commandes avaient déjà été observées
Je reprendrais ici l’exemple de la Simba, puis – il y a prescription - de la TIGRA 2000 qui a achevé de sceller mon « divorce » avec Apco
Sortant de la Bagheera L, je m’intéressai naturellement à la Simba L.
Dès les premiers vols en thermique, je perçu une transmission d’information faussée par des plumes conditionnées pour obtenir une bonne homologation. Pour décrire schématiquement le ressenti en thermique, il y avait dans cette relation (incidence - effort ressenti) une inflexion aux incidences élevées : suivant la vitesse de l’ascendance rencontrée, je ressentais dans la commande maintenue « au contact » soit une élévation de l’effort, soit une baisse de celui-ci si l’ascendance devenait plus forte (incidence plus élevée). Cela était préjudiciable non seulement à ce que soit capable de tirer le meilleur rendement de cette aile mais aussi à ma lecture de la masse d’air, donc de ma vitesse de montée en thermique.
Si je comprenais bien qu’il m’aurait été possible de m’adapter à cette nouvelle « synthaxe » pour « parler » avec mon aile, un bébé venait de naître et je n’avais pas de temps à perdre => EXIT la Simba L !
Mais chasser le naturel… Par référence à mes expériences passées (1ères Advance –Cf. chapitre précédent, mais aussi Zen’s du même constructeur Apco), je ne m’arrêtai pas là. L’importateur Air Bulle me fis l’amitié de me prêter une aile de taille S (deux tailles en dessous!) que je chargeais à 4.4 kg/m².
Il suffit d’un vol pour confirmer le diagnostic initial : volant sensiblement plus vite, le plumes de la Simba S retrouvaient leur rendement et moi mon équilibre. Par contre, je « plombais » en petites conditions – normal – Intellectuellement satisfait, je passais mon chemin et acquis -avec les mêmes critères- une voile remarquable de mon point de vue d’une marque peu connue alors : la Brontes de chez Sky qui me donna complète satisfaction.
CQFD
AVERTISSEMENT = Je m’adresse ici plus particulièrement à ceux qui volent sous des ailes de performances homologuéesLes autres, sous VNH et CCC de 7.9 d'allongement, je veux même pas imaginer en rêve…
Pas encore chargé de famille, plein de confiance, j’avais quelques temps auparavant atteint les limites de mon incompétence sous l’éphémère TIGRA 2000 (surnommé immédiatement « proto de la mort par 777 – il n’avait pas tort…).
Cette voile exprimait selon Apco la quintessence de la performance maîtrisable.
Bien chargée, elle présentait un équilibre correct et cette quasi-absence de communication aux freins qui allait devenir la signature de ce que j’ai appelé les bords d’attaque « programmés ».
Je n’ai connu qu’un incident sous elle que j’ai déjà évoqué sur un autre fil.
Les leçons que j’en ai retenues après analyse et que j’ai attribuées à cette nouvelle conception sont assez simples :
La première est qu’une fermeture frontale en atmosphère réelle (ici une forte descendance) avec ce type d’aile à fort allongement avec un bord d’attaque très structuré n’a rien à voir avec la même fermeture frontale en air calme (comme dans le cadre d’une homologation ou d’un SIV où l’on vous conseille de rester bras haut pour ne pas amplifier l’abattée – ce que je comprends et ai expliqué précédemment sur ce fil).
Mon analyse tient en plusieurs points :
- le bord d’attaque se referme comme une porte de garage contre le suspentage, formant un véritable « mur » quand il se ferme et stoppe l’aile, mettant en tension près de 9 mètres de suspentes relativement élastiques ;
- quand cette fermeture intervient alors que pilote et aile « tombent » déjà dans une descendance, la vitesse verticale croit rapidement en quelques secondes du fait que l’aile repliée dans l’envergure n’offre pas grande traînée à opposer à la chute ;
- lorsque l’aile se ré-ouvre (seule), cette énergie cinétique s’additionne avec l’énergie élastique emmagasinée dans le suspentage pour surcharger instantanément l’aile sous plusieurs G => départ à partir de la verticale d’une abattée comme je n’en avais jamais vu, l’aile volant devant moi plusieurs secondes en piqué avant que je ne la rattrape et ne la dépasse ;
- à se stade, j’avais déjà perdu plus de 150 m avec des sensations très proches de la chute libre (ça je pratiquais à l’époque) - à peine croyable –
- quand je suis repassé dessous j’avais les mains au niveau de la planchette et j’ai tout décroché (la meilleure chose qui pouvait m’arrivait car je pense que bras hauts je serais reparti aussi sec en abattée et cascade jusqu’au sol) ;
- il n’est pas facile de contrôler la symétrie quand on a un serpent de mer qui s’agite au dessus de la tête (j’ai un demi tour en restructurant l’aile au freins) ;
- à ce deuxième stade, j’ai l’impression de maîtriser : je suis en parachutal -ça je connais- et ma vitesse de chute me semble étonnamment… faible (je me souviens avoir pensé un instant que je pouvais poser comme ça – véridique !) ;
- mais c’est sans compter avec ce foutu bord d’attaque qui « motrice » les plumes qui semble vouloir s’embrasser à chaque fois que je leur lâche la bride (j’ai l’esprit ouvert,… mais pas de ça ici mes cocottes !) ;
- je me convaincs que la meilleure façon de sortir du parachutal sera de maintenir une certaine tension dans les commandes tout en enfonçant l’accélérateur… près une tentative trop timide, je vois surgir la falaise à coté de moi… au… Secours !
Moralité : je suis resté bien calme... mais insconscient car je n’ai eu que quelques secondes sous coupole avant d’impacter dans les arbres sur une rive rocheuse dont il m'a fallu demi-heure de petite varappe pour sortir et aller à la rencontre des sympathiques pompiers qui montaient dare-dare
Rideau
Ma conclusion est que :
- sous une aile de performance moderne équipée d’un « bord d’attaque programmé » (je n’accuse personne en particulier), une frontale n’a rien d’anodin et peu très rapidement dégénérer en une chute verticale rapide avec l’aile en « porte-feuille » dont la sortie sera immanquablement une cascade d’incidents ;
- si cela devait m’arriver à nouveau, j’enfoncerais dès le début les commandes à fond en espérant que l’aile ré-ouvre tout de suite (afin qu’elle offre plus de freinage en chute et ne parte pas en quasi-chute-libre comme cela m’est arrivé, avec le bord d’attaque replié verticalement dans le sens de l’envergure) ;
- je ne relèverais jamais complètement les mains ;
- au pire, j’aurais à négocier une sortie de parachutal que je négocierais à l’accélérateur en surveillant attentivement les plumes si elles font les coquines.
A suivre (dernier chapitre) : le pilotage en transition - Les nouveaux médium de communications -