Je pensais (à tort) que le déco du top était plus simple que celui du plan. Connaissant assez bien la descente de l'arête et ayant l'habitude d'être encorder et de cramponner cela nous semblait simple d'accéder au déco.
Non ce n'est pas simple du tout, même si c'est spacieux : il y a le vent à gérer, la voile qui peut glisser sur la neige et une énorme rimaye sous le déco est prête à engloutir le parapentiste trop optimiste.
Cela fait beaucoup.
Le matin, c'est souvent très calme mais s'il y a un stratus en fond de vallée il y aura des gros soucis. Donc on ne descend l'arête que si c'est bon en bas.
Une fois qu'on a décollé (en sud), on vole au-dessus des glaciers et le taux de chute est important, on n'a pas des masses de gaz sous les pieds mais cela passe bien, même avec une mini-voile. Il est très intéressant d'aller gratter sur la Dent du Requin, où on trouve souvent un petit thermique bien sympa, on en trouve plus loin un autre devant le Grépon et on passe au-dessus du Montenvers avec beaucoup de gaz.
Attention à l'atterro : on ne voit pas les biroutes depuis le haut et le matin on a souvent une brise descendante... poser vent de cul n'est jamais agréable.
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L'après-midi, il y a du vent en haut, souvent fort. cela exige un face voile parfaitement maîtrisé et une fois qu'on a viré la Dent du Requin on est à l'ombre et on prend un plomb, il faut traverser pour aller chercher du thermique sous le Moine et les Flammes de Pierre. L'idée de vacher sur la Mer de Glace ne sourira à personne.
En bas, il y a souvent une bonne brise de vallée bien velue, et pire un petit thermique en entrée de terrain, ce n'est pas forcément de la rigolade mais cela fait bien, l'atterro est vaste.
Ne pas poser sur le grand atterro de secours, aérologie moisie pleine de rouleaux.
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A l'Aiguille, il y a aussi le décollage nord. C'est extrêmement engagé parce qu'on est sur une pente de neige dure, sans crampons, et qu'en cas de souci on ne peut pas s'arrêter. On décolle en 4 ou 5 pas, face voile parfaitement maîtrisé de rigueur. De toute manière, on ne va pas décoller là quand on est novice, sauf si on a envie de se faire très peur ou pire de faire de la spéléo en costume de bois.
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Je n'ai décollé que 4 fois à l'Aiguille du Midi, 2 fois en sud et 2 fois en nord, avec des conditions toujours différentes, j'avais autour de 250 vols au compteur et il m'est arrivé de devoir remonter à l'Aiguille parce que le vent était trop fort, même avec ma petite Ultralite de 19m². Être alpiniste ne suffit pas, il faut surtout avoir une maîtrise parfaite et savoir attendre pour décoller en sécurité dans le bon créneau, et savoir renoncer si ce n'est pas bon.
Un déco avenant donne envie d'y aller, c'est évident, mais il n'y a pas que le site de décollage, il y a tout le reste.
400 vols plus loin, je reste sur cette position.
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La montagne sera encore là quand vous aurez acquis l'expérience qui vous permettra d'aller faire ces vols magiques sans risquer votre peau. Vous avez bien le temps.
Salut et fraternité*
2 octobre 2007. A l'heure où je tape ce post, j'étais sur le billard à l'hôpital d'Annecy avec le genou gauche explosé en 7 morceaux. La raison : j'avais voulu décoller sur la Tournette sans maîtriser mon sujet (25 vols au compteur dont seulement 10 en autonomie). 3 mois d'invalidité, 8 mois sur des béquilles dont 6 de rééducation, 10 mois et 8 jours sans pouvoir voler et à l'horizon une prothèse de genou quand j'aurai 70 ans.
Ce jour-là, la montagne et le parapente s'étaient limités à me donner un conseil.