Ouaip. Monter aux Frêtes depuis le parking de Planfait, cela ne fait que 685m et on peut porter un matos lourd.
Quand on y monte tous les jours, la question se pose autrement.
Il y a aussi l'âge qui intervient et la testostérone, qui entretient les muscles chez les jeunes athlètes, est complètement absente chez les vieilles dames.
Une autre manière de voir n'est pas absurde.
J'avais trop souffert en 2008 sur les sentiers des Aravis, avec mon matos lourd (Altirando + Joy) et de la ferraille dans le genou gauche, j'ai trop souffert en fin de saison dans le Raid Chamois, m'équiper en matériel léger s'imposait.
Ce furent la sellette Radicale et l'Ultralite 19.
A l'époque je ne montais pas tous les jours à pied, c'était trop éprouvant. 5 ans plus tard, avec plein de kilos de gras superflus mais un moral trempé, je marche tous les matins quand il ne pleut pas, que les sols soient secs ou gras. Ce serait impossible à mon âge (née en 1948) avec du matos lourd.
J'ai dénivelé 70 000m en 2014 et je vise les 100 000 pour 2015, toujours avec une voile sur le dos, évidemment, même en montant à skis avec les peaux.
Ma problématique est donc différente de ceux qui font du vol-rando de temps en temps, sur des dénivelés relativement modestes.
Je fais plusieurs fois le vol de l'Aiguille du Midi chaque saison et je vois très rarement là-haut des gens avec du matériel lourd. En cause : la descente de l'arête est délicate et ce serait très dangereux avec un sac lourd, même en étant habitué au maniement du piolet et des crampons.
On n'est plus vraiment dans le vol-rando, c'est déjà du paralpinisme.
Je suis de l'ancienne génération, celle qui encensa des gens comme Franz Lochmatter, puis Lionel Terray, Louis Lachenal et Hermann Bühl, Walter Bonatti, René Desmaison et Reinhold Messner. Plus près de ma génération mais plus jeunes, je pense à Marc Batard et Christophe Profit.
Ces gars-là n'étaient pas des adeptes du portage, ils allaient très vite et donc en sécurité.
Parmi les jeunes, je voue une très grande admiration à Julien Irilli (
Julien si tu me lis).
Bref j'ai 50 ans d'alpinisme derrière moi et une vision de la montagne qui fut forgée par ces grands maîtres, que je n'ai pas tous connus évidemment, par leurs réussites et leurs échecs, par leurs écrits et par leur éthique.
On a le droit d'avoir des bases culturelles différentes mais ce sont les miennes.
Lachenal disait : "aller vite impose d'être léger, aller vite c'est la sécurité, d'ailleurs il faut être capable d'aller vite".
Entre 22 et 26 ans, je montais à 1200m/h avec 12kg sur le dos et je m'attaquais aux "horaires Lachenal" sur les montées en refuge. J'ai toujours échoué. J'ai fait aussi des portages énormes, pas loin de 40kg quand j'en pesais 65.
Mes vertèbres me le rappellent chaque jour.
40 ans plus tard, avec des performances réduites de moitié, j'ai gardé cet esprit incisif et l'oeil sur le chronomètre. Les Frêtes depuis Planfait ou la montée au Surcou en moins d'une heure, c'est banal pour les bons marcheurs mais pas du tout pour une vieille dame.
Corinne se moque de moi. Elle, c'est un vrai tracteur, pas très rapide mais increvable, elle adore monter et se shoote à l'effort physique, avec une grosse charge parce qu'elle vole avec son chien, une grosse bêbête de 35kg.
Sa problématique est différente de la mienne.
Bons vols à tous et faites l'essai de matos léger, vous comprendrez plein de choses.