https://www.facebook.com/maxmixpinot/?locale=fr_FRle récit par Maxime Pinot
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Récit du record de France | 463 kilomètres du 23/04/24
Mi avril, le froid polaire et la neige s’acharnent sur les Alpes. Où sont donc passées les traditionnelles et magnifiques journées de cross de ce mois béni ?
Je me mets donc en veille météo sur la plaine, les bonnes situations étant récurrentes dans ces descentes d’air froid polaire.
Le vendredi, j’ai le sentiment que ça pourrait fumer fort en début de semaine suivante. J’en parle à Julien, puis à Jon. Je commence mon manège pré-cross sous les yeux amusés de Salomé. Sauf que celui-ci, logistique oblige, est un peu plus long et exotique que d’habitude. Dimanche tout commence à se confirmer et j'entreprends la récolte de quelques infos auprès des locaux (merci Roland et Denis !). Puis branle bas de combat lundi avec Ju qui nous organise tout ça de main de maître. 18h, nous quittons les Alpes avec un convoi de 15 pilotes surmotivés et 2 chauffeurs dévoués !
Les modèles météo ne vont quasi qu’en s’améliorant jusqu’au matin. Les activations de zones aériennes sont plutôt clémentes avec nous. Le groupe comporte quelques-unes des meilleures têtes chercheuses de thermique de la planète: ça devrait bien se passer !
Le matin, je ressens une certaine pression à avoir lancé cette idée en voyant toute l’équipée sur le parking du petit hôtel qui nous a servi de refuge pour une courte nuit. Ce serait bien que ça marche !
Affluence des grands jours sur ce décollage de Notre Dame de la Mer qui m’est inconnu. J’écoute les conversations d’une oreille tout en me préparant: ça tourne beaucoup autour de la sempiternelle et amusante opposition plaine/montagne dont notre sport raffole et que je n’ai jamais bien comprise, assez convaincu que le terrain de jeu ne change absolument rien à l’histoire de la recherche de performance dans notre activité.
J’en profite aussi pour revoir les zones aériennes, me rappeler que mon objectif c’est de passer les 400 kilomètres et de prendre le bonus derrière.
Dernier briefing, le site s’allume rapidement et tout le monde se retrouve dans le ciel !
Extraction aisée en groupe et à 10h45 nous voilà déjà en route, juste sous la TMA de Paris. Plafond confortable !
Mon début de vol est un peu trop agressif, et je me retrouve dangereusement bas au kilomètre 30. Point bas à 200m/sol, je fonce sous le vent d’un bout de forêt et sors le missile du vol qui me remet avec le groupe qui l’avait joué un peu plus safe. Je prends ma place dans le wagon, compartiment première classe avec du Hono, du Jon, du Mitch, du Justin et j’arrêterai ici l’énumération des locomotives.
On sent que la machine s’est rodée la première heure, il est temps de passer un peu aux choses sérieuses.
D’ailleurs, les deux heures suivantes sont un pur régal. Bonnes vz, bonne dérive, des nuages actifs. Je trouve même qu’on envoie pas assez de régime de vol malgré le 50 km/h de vitesse moyenne qui commence à se manifester sur l’instrument.
La suite, après Vendôme, est un peu plus complexe à cause de grandes zones d’ombre. Mais le groupe est fort, et malgré le petit ralentissement, nous restons hauts et groupés.
C’est finalement l'assèchement de la masse d’air autour de la Loire qui nous fait plus de mal. Amboise n’est pas si simple à négocier, et la suite se poursuit sur une tout autre dynamique: là où nous avions connu une haute fréquence thermique les premières heures, la montée des plafonds fait tomber cette fréquence. Le plaf max sous chaque nuage devient quasi non négociable pour traverser de longues zones d’un calme inquiétant.
La traversée de la Creuse à hauteur du bourg de Le Blanc nous fait bien transpirer, subtilise notre Justin qui ne peut accrocher la bulle de sortie, et fait spliter le groupe. Le bon plaf suivant nous permet de souffler un coup après ce petit coup de chaud.
Le paysage défile, assez uniforme. Pas de montagne iconique pour marquer le passage des kilomètres. Heureusement qu’il y a le gps et les zones aériennes, et le soleil, pour se repérer. Autant, nous sommes rompus à la plaine sur nos compétitions (ainsi que dans mes jeunes années de pilote), autant le cross pur laisse une sensation de douce monotonie: bien monter en thermique, bien s’axer dans le vent sur une double analyse aéro/axe de la prochaine zone aérienne, et ainsi de suite. Du cross débarrassé des nombreuses analyses parfois difficiles d’écoulement (et de rencontre) des flux au travers des montagnes, débarrassé aussi en partie de la turbulence. Oui, douce monotonie dans ce qu’elle a de positif, quelque chose d’assez paisible.
Notre groupe de six se forme définitivement près de Puy Pinot, pure coïncidence, et ne se lâchera plus. Chacun conscient que la perte d’un élément peut influer sur la suite du vol. Parce que les thermiques ont une structure assez mobiles et les grandes qualités de recentrage des pilotes présents est une arme majeure. Surtout lorsque les minutes tournent et que le soleil descend sur l’horizon.
Un point dur nous met presque tapis près de St Junien, mais la prospection dans la R49 inactive à cette heure nous permet de nous en sortir, lentement, sûrement. Puis c’est un thermique totalement déstructuré qui nous met à la peine au kilomètre 375. Mais une fois encore, il ne nous résistera pas.
C’est au-dessus du Parc du Périgord-Limousin que nous franchissons la barre des 400 kilomètres. Tout le monde exulte dans la grappe, le symbole est beau ! Mais vite, nous nous concentrons pour aller chercher le record de France, alors que la lumière devient dingue. Soudainement, la douce monotonie rompt sous la couleur orangée qui inonde le ciel. Mais la masse d’air semble pouvoir encore offrir un dernier cadeau.
Le vent nous pousse généreusement et allonge follement nos finesses. Un dernier cumulus sur la ligne, une ville et quelques vallons: il n’en faut pas plus pour un dernier thermique alors que le soleil se couche à l’ouest. Moment rare.
La colonne s’éteint et nous entamons un dernier plané qui semble infini et au cours duquel nous convenons d’un posé tous ensemble, pour respecter l’esprit du vol.
Enfin, l’ombre de la plaine finit par nous accueillir, presque chaleureusement, tous transis de froid que nous sommes, perdus quelque part entre Périgueux et Bergerac, heureux de partager ce record: Tim, Julien, Hono, Jon, Mitch et moi. Sur le GPS clignotent les 463 kilomètres de cette longue ligne à travers la France, sur mon portable des dizaines et des dizaines de messages des personnes qui ont suivi ce périple. Accolades et joie mêlées nous permettent d’attendre notre navette de luxe qui arrive tout juste après notre pliage. Alexandra et Alexis, nos chauffeurs courageux, ont plus de mérite que nous dans cette histoire !
Nous partageons un verre à Périgueux, avant de prendre la route du retour de nuit. Impossible de trouver le sommeil. Je repense au vol, à cette nouvelle démonstration de la puissance d’un groupe bien formé. La journée était belle, certainement pas parfaite. Mais à force de chasser les belles journées, je sais que l’alignement de tous les paramètres météo est une chimère. C’est pour cela que pour aller plus loin, plus vite, il faut compenser sur tous les autres paramètres dépendants de notre contrôle.
La barrière des 500 kilomètres, quant à elle, n'en est plus une, de chimère...
Photos: Mitch Cervelin et Alexis Reverchon
La trace:
https://parapente.ffvl.fr/cfd/liste/vol/20358019