Je n'irai certainement pas plus en SIV au printemps prochain, que je n'irai faire un stage nivologie cet hiver. Je continuerais à appréhender l'activité avec prudence, et en gardant une marge importante.
Pas envie d'aller me faire peur en SIV. Ou alors, ce serait un SIV sur une journée avec un cahier des charges d'exercice qui sont pas flippant.
Il y a comme ça des "alpinistes" qui se limitent à faire des voies normales derrière des guides. C'est leur droit et ils peuvent aimer ainsi la montagne, mais question alpinisme c'est quand même un peu limité.
Il y a aussi des parapentistes qui ont peur de progresser, parce qu'ils ont tout simplement peur quand ils sont en l'air. Ils entretiennent alors souvent l'illusion que faire des ploufs du matin ou du soir leur donnera de l'expérience et que, graduellement, ils décolleront chaque mois une minute plus tôt le soir, ou plus tard le matin.
C'est leur droit et du moment qu'ils se font plaisir il n'y a vraiment rien à critiquer.
Cette manière prudentissime - voire pusillanime - d'envisager la progression n'a aucun sens, pas plus que les "alpinistes" sus-mentionnés ne progresseront dans leur apprentissage de la montagne tant qu'ils se limiteront à des voies normales.
Il est naturel d'avoir peur quand on évolue dans un milieu qui n'est pas le nôtre, mais il est naturel aussi de dominer sa peur et de reculer le moment où elle apparaît.
J'ai un copain qui a toujours eu peur des femmes et qui n'est même pas homo. Il a 43ans et il est toujours puceau, cela le regarde mais quelque part on peut penser qu'il a loupé quelque chose dans sa vie.
Je ne sais pas si je me fais bien comprendre.
Je vais alors comparer le 1er SIV à la première femme. Pour beaucoup de garçons, "ce ne fut pas Waterloo mais ce ne fut pas Arcole", comme chantait Brel.
Il y a dans la communion du pilote avec son aile une relation qui n'est évidemment pas sexuelle (bien que dans les deux cas on s'envoie en l'air) mais dont les mécanismes psychologiques sont d'une nature comparable.
Le pilote qui a peur de progresser est comme le garçon amoureux qui a peur d'aller vers sa belle, les deux n'arriveront qu'à des frustrations. Il y a un moment où il faut vraiment se lancer, quitte à prendre le risque d'une "claque" si on est vraiment trop maladroit. Avoir peur ne sert à rien quand il n'y a aucun danger.
On peut aussi se prendre un gros vrac méchant par temps calme sous une voile tranquille, il ne faut pas imaginer que cela se passera toujours bien, même en faisant tout ce qu'on peut pour qu'il ne se passe jamais rien. A partir du moment où on est en l'air, il peut se passer des tas de trucs, plus ou moins probables mais jamais impossibles. Autant apprendre à les gérer pour faire reculer la peur et voler avec davantage de plaisir, sans faire de l'huile en permanence.
Il est vrai que certaines manoeuvres de SIV tirebouchonnent le mental. Personnellement je trouve toujours l'autorot terrifiante, bien que l'ayant faite 4 fois. Cela a quand même abouti à un contrôle parfait en temps réel de toutes les fermetures asymétriques qu'il m'a été donné d'encaisser, ce n'est pas à négliger. Comme tout le monde, il peut m'arriver de prendre une grosse claque, cela ne me terrifie pas.
Idem les frontales. J'en ai encaissé quelques unes et j'en encaisserai d'autres, comme tout le monde, je fais ce qu'il faut pour les éviter mais c'est parfois inévitable en périphérie d'un thermique puissant. Et alors ? C'est parce qu'on a peur de prendre une frontale qu'on va se priver du vol en thermique ? Ce serait vraiment très con.
Le décrochage est une manoeuvre un peu spéciale, nécessaire pour sortir une cravate mais les voiles de classes A et B ne cravatent pas. Si on ne vole pas avec trop de frein, on ne risque pas de décrocher. Savoir gérer cet incident peut quand même être utile, ne serait-ce que pour savoir que cela se pilote et qu'il n'est pas nécessaire de sortir le secours.
Aux niveaux A et B, le décrochage est toujours la conséquence d'un pilotage aberrant.
On peut aussi parfois, suite à un incident, encaisser une très grosse abattée. C'est terrifiant la première fois mais quand on a appris à temporiser une abattée c'est presque de la rigolade.
J'avais des crampes fessières lorsque je suis montée pour mon premier vol SIV, j'imaginais des trucs épouvantables... et en réalité c'est du pilotage comme en stage perf, mais amplifié pour approcher la limite du domaine de vol. Cela passe tout seul et on se prend vite au jeu.
Ce fut exactement la même chose pour Corinne, qui a une audace fantastique et le sang-froid qui va avec.
Cela n'a rien à voir avec de l'acro, c'est même presque banal mais on affine beaucoup toute la gestuelle et on fignole les mouvements, donc on pilote mieux.
Bon, il y a l'autorot... certains en adorent les sensations, moi pas du tout mais c'est peut-être à cause de l'âge.
Il y a toujours un briefing le matin, pour déterminer le programme de la journée, et souvent après chaque vol pour vérifier le programme du suivant. Celui qui a merdé un exercice le refera, c'est quand ce sera réussi qu'il pourra passer au suivant.
Celui qui a peur a le droit de se dégonfler - cela m'est arrivé, je me chiais dessus à l'idée de faire l'autorot et j'ai dit "non" avant d'y aller, ce qui m'a valu de faire le 360 aux grandes oreilles. Le lendemain, je me chiais toujours dessus mais je me suis botté le cul, j'y suis allée et j'ai fait 4 tours en autorot, sortie évidente mais c'était toujours aussi terrifiant.
Le départ en autorot peut arriver à n'importe quel pilote qui encaisse une fermeture et qui ne sait pas la gérer en temps utile. Comme il ne sait pas non plus en sortir, il n'y a plus qu'à sortir le secours.
Quand le départ en autorot a lieu en sortie de déco, c'est le retour au relief immédiat avec des conséquences qui peuvent être tragiques. Un coup de sellette et on a contré mais si on met aussi du frein cela peut se passer très mal.
Quand on a fait du SIV, tout ça est d'une banalité à faire pleurer un veau de 3 semaines.
Croire qu'en "volant pépère" il n'arrivera aucun incident est une illusion dangereuse, bien plus dangereuse que ce qu'on peut faire en SIV puisqu'un SIV se fait en milieu sécurisé, danger nul.
Il reste les croyances qui échappent à toute forme de rationalité, là je n'ai aucune expertise pour traiter ce genre de blocage psychologique.
Salut et fraternité*