Je suis une des rares à voler en parapente avec en amont 50ans de moto dont 10 saisons de compète sur circuit.
J'ai retrouvé sur les décollages des sensations que j'avais il y a 40ans sur les grilles de départ.
Ma moto était toujours parfaitement au point et réglée au petit poil, idem mes parapentes. Je n'ai jamais eu de soucis avec le matériel.
Mon pilotage était au point lui aussi.
En moto, faute de fric, j'étais larguée par des pilotes moins bons mais qui avaient des chevaux dans la poignée... et je les mettais minables sur le mouillé, c'était LE PIED. Mes motos - avec une partie cycle "maison" - avaient une tenue de route fabuleuse qui, avec des pneus de course, autorisait des angles complètement aberrants.
Rien de tel en parapente. Ce n'est pas un manque de moyens qui me limite mais une faculté amoindrie d'exposer la viande, bref l'âge venu je ne m'engage plus comme jadis. Mon pilotage reste très propre mais je ne suis plus capable de me dépouiller ni d'aller chercher les extrêmes.
Il y a un âge pour tout.
Je n'ai jamais eu de stress sur une grille de départ, j'aurais pu faire une sieste. Quand je directeur de course traversait la piste avec le drapeau, j'étais dans les starting-blocks comme les copains et vroum ! dès le départ, j'étais en action. Pas de stress, concentration intense durant toute la course.
Question cardiaque, je bats toujours à 55 au réveil, 65-70 dans la journée et 90 lors d'un effort raisonnable comme une montée à Planfait. A 25ans, je battais à 120 à l'arrivée d'un 200m ou d'un 4x100m, mes distances préférées, et je dénivelais 1200m/h sans forcer avec un sac de 12kg (marche de l'aspi).
Autant dire qu'il y avait de la marge pour progresser.
Je faisais encore 700m/h à 66ans.
C'est un grand avantage d'avoir un coeur gros et lent. Des athlètes comme Louis Lachenal, Michel Jazy, Eddy Merckx ou Johann Cruyff battaient au repos à moins de 40.
Sur un déco, je suis complètement détendue et, paradoxalement, je ne ressens un début de stress que quand je me mets dans la sellette, stress qui disparaît quand je suis face à la voile pour amorcer le gonflage, exercice toujours délicat pour lequel je suis très concentrée mais complètement détendue nerveusement, à l'écoute de la voile et des sensations qu'elle me transmet.
Je la pilote calmement et je n'engage le décollage que quand je sens qu'elle porte, sinon je l'affale et rebelote.
Je ne fais jamais de décollage "à l'arrache".
En octobre 2007, j'ai failli me tuer sur la Tournette avec un décollage merdé en aérologie moisie, la Montagne et le parapente se sont limités à me donner un conseil : travailler pour apprendre.
C'est long 8 mois sur des béquilles.
Depuis, j'ai peu à peu acquis une assez bonne maîtrise du décollage, assez pour aider ceux qui sont stressés et / ou peu aguerris à bien se placer sur un déco et à décoller au bon moment.
Cela fait maintenant 7 ans que je "régule" le décollage de Planfait et j'ai une assez grande expérience dans ce genre d'activité.
J'en vois pas mal des gens qui décollent comme des cochons, même des compétiteurs (j'interviens sur le RedBull Elements et sur toutes les compètes qui ont lieu à Annecy). Il y a même des compétiteurs qui disposent mal leurs voiles, lesquelles gonflent en crevettes et partent en digue-digue, ils les pilotent à la va-comme-je-te-pousse et hardi petit, ils se jettent dans le trou.
C'est aberrant. Les débutants des écoles de Talloires décollent bien mieux que ça.
J'ai aussi des copains un peu âgés (plus de 75ans) qui ont perdu en mobilité et qui, malgré plus de 30 ans de parapente, risquent leurs os à chaque décollage, du moins c'est l'impression qu'ils me donnent et je tremble pour eux. Certes ils décollent et ils le "sentent" bien, mais leur marge de sécurité est assez réduite.
Ils le savent très bien mais voler est une passion, n'est-ce pas ?
Le défaut le plus fréquent, à la limite de la tare, apparaît dans la gestuelle au sol. Un grand nombre de pilotes, qui volent souvent bien mieux que moi, sont incapables de piloter leurs voiles au sol faute de s'intéresser à cette activité à la fois ludique et fondamentale pour la sécurité. Ils gonflent comme des cochons, "pilotent" comme des porcs et décollent comme des ch'alloufs (le ch' en breton se prononce comme la jota en espagnol), le mot arabe exprimant dans mon langage l'archétype du cochon honni.
La tare la plus fréquente c'est le "pilote" qui "contre" quand il sent que la voile l'embarque, aggravant le problème quand au contraire il devrait se replacer dessous, ce qu'on apprend en stage init. Ce défaut naturel de débutant, qui persiste chez des gens déjà expérimentés, est assez déprimant à observer. Oh certes cela finit avec la voile par terre, plus ou moins dans les kékés, parfois par un décollage "à l'arrache" à la limite du décrochage, c'est pitoyable.
Une autre tare, c'est l'incapacité du pilote à donner de la vitesse à sa voile, ce qui finit au mieux par une frontale avant le décollage (avec la voile dans les kékés), le plus souvent par un décollage dangereux à la limite du décrochage, en s'exposant à tous les pièges aérologiques.
Et là aussi on tremble pour eux.
Et puis on voit arriver Elisa, ou Seïko, on les observe et on est émerveillé par la perfection de leurs mouvements, toutes de maîtrise simple et efficace, ce sont des artistes là où les tout bons ne sont que d'excellents techniciens.
Les artistes donnent toujours une impression de facilité.
Elles sont certainement très concentrées mais cela ne se voit pas tant leurs gestes sont fluides et précis.
Il y a toujours beaucoup à apprendre en observant les autres.