Salut à tous,
Je partage ce magnifique vol via un petit récit avec quelques photos, en espérant que ça vous plaise
bonne lecture
Tout commence dans une soirée déguisée à thème des années 90 un samedi soir… J’avais choisi un déguisement “engagé” avec une kalachnikov à eau, une cagoule et une tenue vaguement militaire. Certains avaient reconnu le sous-commandant Marcos (qui vient d’ailleurs de se retirer de “la lutte”). Bref je me suis trahi à cette soirée, en effet ma cagoule est sponsorisée par Advance et ma radio qui pend le long du fusil est agrée FFVL. Du coup j’engage la conversation avec un parapentiste. Entre 2 verres tout en canardant les Spice Girls j’apprends que mon compère s’est posé au Mont-Blanc, a déjà fait le tour du massif etc etc.
Bon ben bravo, j’attends avec impatience les canicules de juillet-août pour des vols de haute montagne. On s’échange nos coordonnées et après une saturation musicale on quitte les années 90.
Le lendemain en scrutant la météo je tombe sur: Masse d’air sub-saharienne, forte chaleur, stable et venteux dimanche avec une instabilité et baisse du vent lundi de pentecôte.
Pas d’hésitations pour moi, j’épluche la CFD, étudie quelques traces et appelle mon nouveau parapote tahitien. Il paraît plutôt pessimiste, le vent souffle, pas sûr que la tendance à la baisse se produise... On refait le point lundi matin et je finis par le récupérer à Cluses pour monter à Chamonix et au plan de l’aiguille, le seul téléphérique ouvert à cette période. Au déco nous sommes une petite quinzaine, c’est déjà bien saturé tellement le déco est petit. On murmure par ci par là que certains sont montés à 4200m la veille dans les Aiguilles Rouges. Olivier hésite pour ces intentions, pour moi c’est clair, quelques cadors sont là pour le tour du massif et ce type de vol en haute montagne me fait rêver depuis que je vole.
On se branche sur la fréquence radio locale et on attend patiemment le créneau car l’aérologie est capricieuse avec une brise catabatique encore bien présente à cause de l’enneigement encore important sur les aiguilles de Chamonix. Lorsque les premiers décollent vers 10h30 je m’empresse de manger vérifier mes instruments de vol et on entend déjà les cris de joie qui résonnent à la radio des premiers en haut du thermique dans les Aiguilles Rouges.
Motivé je décolle juste après Olivier et on perd 400m dans la transition, nous voilà donc à chercher le thermique vers 1800m légèrement plus au sud pour lui et au niveau des câbles du Brévent pour moi. Les premiers sont perchés beaucoup plus haut, Olivier ne tarde pas à les rejoindre, pour ma part je galère 20 min avant de trouver un thermique bien installé qui m’amène au plafond. Malheureusement j’ai pris pas mal de retard et je les vois au nord du massif prêt à transiter. Je n’hésite pas à appuyer sur le barreau et garde bien en vue ce petit groupe de 4 pilotes, le plaf est à 3400m et cela me paraît suffisant pour se lancer. Les aiguilles rouges sont magnifiques à cette hauteur, les petits lacs encore gelés et les névés épars ont une couleur d’un éclat turquoise, le contraste s’accentue avec des couleurs variant du rouge au rose à cause d’une algue alpine qui se développe sur les névés la chlamydomonas nivalis (trouvé sur wikipédia par curiosité). Heureusement le petit groupe hésite à transiter, ce qui me permet de les rattraper et de faire le plaf à 3800m pour transiter sereinement vers le col de Balme.
Je suis placé idéalement à 500m derrière le groupe, étant donné la hauteur on se permet de viser plus à droite. Avec des pointes à 65 km/h on est poussés par de l’ouest, se qui nous inquiète et remet en cause les prévisions pour la traversée du massif. Malgré ce vent de dos la masse d’air ne porte pas et notre finesse est autour de 7 durant la traversée, devant je vois le groupe dégueuler et j’opte donc pour une trajectoire encore plus à droite au plus près du glacier du Trient et d’un éventuel appui dynamique, je contourne l’aiguille du Tour par le nord et tente de passer par la fenêtre d’Arpette pour chercher les faces est en Suisse.
Ma finesse chute et je vois le col monter, j’abandonne assez vite et retrouve le groupe sur la crête en face sud ouest vers 2700m.
Le Génépi nous domine à 2882m et on se maintient en dessous de la crête. Point bas assez stressant étant donné que la vallée est sauvage, et que le vent météo rencontré pendant la transition freine nos ardeurs pour franchir le col. Olivier nous ouvre la voie et passe la fenêtre d’Arpette au radada. Du coup il nous matérialise la catapulte des faces sud est bien allumées! J’effectue le même radada pour prendre le ticket au même parc d’attraction. Mais on en est presque à demander un remboursement, c’est turbulent, mal organisé, un vrai yoyo dans des thermiques étroits et péteux, on finit par longer la crête vers l’est pour traverser et aller chercher une face plus à l’est. J’ai l’impression de faire un énorme point bas et je vois le lac de Champex se rapprocher, pourtant je suis encore à 2400m. Heureusement sur La Breya j’entre dans un vrai thermique organisé qui me monte à 3200m, suivi pas Olivier on poursuit vers le sud et à l’est de l’Aiguille du Chardonnay on termine notre montée à 4300m. Nous sommes entourés d’un paysage austère et glacier. Les cumulus sont encore petits et le ciel bleu domine largement. La vue est grandiose entre les glaciers et les énormes parois rocheuses on plane en douceur, de temps en temps un grondement sourd nous parvient, une seule fois j’ai pu voir l’origine et observer après coup la chute de sérac avec la longue cascade de glace et neige mêlées dévaler la falaise.
Nous avons opté pour un itinéraire au plus près du massif et les quelques autres parapentistes se placent surtout à quelques centaines de mètres plus en vallée, en effet les thermiques ont l’air plus organisés. Après notre plaf on ne cherche plus à enrouler et on transite à la base du cumulus. Mais une fois passé le Mont Dolent et le glacier du pré de Bard on se fait dégueuler sur l’arête qui mène à l’Aiguille de Triolet, juste de quoi passer la crête pour chercher le côté sud. Je vois Olivier se faire sacrément secouer, sa sigma 7 serpente sur tous les axes et je m’attend à la même chose. Ce fut l’endroit le plus turbulent du parcours, sûrement sous le vent d’une brise ou d’un catabatique d’un glacier, on comprend rien à l’aérologie et on se maintient difficilement autour de 2900m, un bon point bas vu la topographie des alentours, je vois Olivier descendre encore plus et ne cherche plus à rester dans cet endroit malsain, je m’enfuis vers le sud et prends le risque de chercher la crête suivante encore plus bas.
Bingo! Je monte en douceur et quitte malheureusement Olivier en mauvaise posture, ma radio m’a lâchée et j’espère franchement éviter une navette en Italie au find fond du Val Ferret. Je patiente un peu mais le perd de vue et continue donc seul vers le sud rejoindre le petit cumulus qui se forme sur les faces sud des Grandes Jorasses. Un parapentiste me rejoint et me quitte aussitôt en rentrant à Chamonix par le col entre l’Aiguille du Géant et le Grandes Jorasses pour rejoindre la mer de Glace. Je poursuis et retrouve quelques compères aux Aiguilles de Peuteray sur le versant sud du Mont Blanc. On patiente ensemble avec un planeur à 3500m pour poursuivre la montée. Entre l’aiguille Noire de Peuteray et la Pointe Innomée le paysage est splendide et austère. Je suis rassuré lorsque j’aperçois Olivier au loin et enroule un thermique tout doux de la pointe de l’Innomée vers le Mont du Brouillard pour arriver à 4453m largement en finesse du col infranchissable et du retour à Chamonix.
La fatigue et le froid se fait ressentir et je ne cherche plus à monter encore, je ne vois pas d’ailes plus haut et poursuit le vol vers Bionnassay et son impressionnante crête, je rentre en France tout en plannant calmement le long des séracs en équilibre.
Je tente de monter à l’aiguille du midi mais abandonne assez rapidement pour rejoindre l’attéro. Olivier me rejoint 10 min plus tard et confirme avoir vu 2 pilotes se poser au sommet. On s’arrête boire une bonne bière fraîche dans un pub tout en visionnant le parcours sur une carte IGN, quel cross magnifique et inoubliable! C’est pour des vols comme cela que la passion du vol est intarissable.
