Voila qui fera écho au message de Gilles...
Ça commence l'année dernière, face nord du Pelvoux. La voie est engagée, séracs raides et couloir, austérité du Glacier Noir. Dés le début et malgré les températures basses, de petites pierres nous passent plus ou moins près.
Au milieu des séracs ça ne rate pas, un pavé de la taille d'un dictionnaire me vient droit dessus, petit crochet pour sauver les meubles, il tape le bras au lieu de la tête. Pas moyen de faire demi-tour, il faut sortir en haut coûte que coûte.
3 heures et quelques doliprane plus tard, me voilà au sommet, heureux mais mal en point. C'est là que je me dis, vraiment le parapente ça doit être top, et j'entame ma descente de 2400m de dénivelée....
2 mois plus tard, un stage initiation et c'est la révélation, le parapente c'est vraiment le pied, et pas simplement pour redescendre des montagnes... Un peu de pente-école et ma copine est convertie elle aussi, l'hiver on engrange ploufs et pente-école enneigée.
Le printemps passe, puis l'été, toutes les occasions sont bonnes pour voler, mais on essaye de concilier ça avec le reste.
Samedi dernier, on se tâte, que faire en montagne ? Une voie rocheuse près du Pelvoux nous tente, et on se dit qu'il y a ptêt' moyen...
La météo est bonne. Finalement, on oublie la voie rocheuse pour mettre autre chose dans le sac...
Mardi matin, 9h, sommet du Pelvoux, 3943m, un léger souffle du nord-est sur mon visage, qui remonte de la "pente de glace centrale". Après un début d'ascension un peu inquiet, j'ai grimpé les 100 derniers mètres hilare en me disant "c'est bon, ça va le faire, on va le faire". Agnès est plus stressée, 42 vols au compteur seulement.
Les deux voiles sont étalées au sommet même, les deux cordées d'alpinistes nous ont rejoint, leur guide qui a décollé souvent de là nous rassure. Le sac de la sellette est lourd, lourd du matériel dont nous aurions eu besoin pour redescendre à pied...
9h10, toute le monde est silencieux, grande inspiration et Agnès s'élance ; la pente est raide (30°), sa Muse plonge un peu beaucoup, je redoute la frontale mais ça passe, elle décolle ; j'enchaîne aussitôt, et mon Ultralite rejoint Agnès dans l'air léger des Ecrins. Nos cris de joie troublent à peine la splendeur minérale des lieux.
Traversée du plateau du Pelvoux en filant vers l'est, c'est l'itinéraire qu'on aurait suivi en cas d'échec. Le glacier des Violettes est superbe, nous voilà au-dessus de la cassure et là, d'un coup, c'est 2000 mètres de gaz qui s'ouvrent sous les pieds, sensation indescriptible, j'ai les larmes aux yeux, tous les commets du glacier blanc devant moi et le camping d'Ailefroide, loin, loin sous mes pieds.
Je fais quelques tours devant la langue du glacier et le pilier du grand Laus, orné de petits nuages où, cerise sur le gâteau, je vois mon "spectre" se dessiner dans un halo arc en ciel.
Immense euphorie, nous descendons lentement, arpentant les parois souvent explorées d'autres manières, guettant les casques des grimpeurs, d'éventuels chamois, ou d'hypothétiques bulles qui me feraient remonter là-haut mais il est un peu tôt.
Ça se précise, je vois la voiture, le pré fauché deux jours avant. Agnès, moins chargée est un peu plus haut que moi. Enfin la rubalise accrochée au mélèze, qui détermine mon approche. Ce sera donc au-dessus des tentes du camping que je ferais ma finale, crampons au pied il va falloir assurer, RCA ou pas ! C'est l'heure du petit déjeuner et bien des têtes sont tournées vers nous... Dernière ligne droite, arrondi, et me voilà sur terre, 2400 mètres sous le sommet. Dans ma tête pourtant je suis encore haut dans les nuages et pour longtemps !
Agnès arrive à son tour, évite de peu le sureau qui devait être sa cible
et me rejoint, tout aussi heureuse que moi, arborant un sourire aussi large que le mien j'imagine.
La neige du sommet encore accrochée aux chaussures, nous plions, incapables de nous remettre de ce moment. L'herbe est mouillée, qu'importe, ce sera l'occasion de nous faire un vol du soir à Rabou pour sécher les voiles, puisque ce Pelvoux ne nous a même pas fatigués...
Je souhaite le même bonheur à tout le monde
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