Et même largement plus,il y en a minimum quatre qui n'ont pas encore encodé de distance,Wim,Ivan,Christophe et Ben.
Voilààààààà, c'est fait !
Pour mon anniversaire cette année, le jour de mes 49 ans je reçois le plus beau cadeau d’anniversaire qu’il soit pour un parapentiste : non seulement je suis sur un déco avec mes deux amis, Geert et Dan, mais en plus depuis une semaine on annonce la journée comme « canon ».
Me voilà donc vautré dans ma sellette, mon aile en boule à coté de moi. Je regarde Fred s’extraire avec conviction et Vincent tricoter ses suspentes derrière le thermique. Olivier S est assis à coté de moi, Eric un peu plus loin, David se refait un raccord maquillage, Bertrand, Xtof et Ivan débarquent, Olivier M déplie. Aujourd’hui la Belgique envahi la France.
Il y a une demi-heure j’ai vu nos cadors s’extraire dans un thermique couché et turbulent dont le sommet se trouvait au-dessus de Yoncq. La journée ne va-t-elle pas être moins canon que boulet pour nous, parapentistes du dimanche ? Il se dit que Paul va à la mer.
Ivan qui en veut un peu plus que les autres se met en l’air après une période de doute et d’observation qui n’a pas du dépasser les 10 minutes. El Predator le suit, puis Eric, puis Bertrand et Olivier M qui ont bien failli faire de l’élagage plutôt que du parapente et je décide de suivre le mouvement. Beêêêêêbêêêêêê, assis dans l’herbe on devient vite grégaire.
Nous nous retrouvons en vol dans des conditions hachées. Pas évident de se maintenir à la crête, certains en font les frais. Le déco commence à cracher des ailes dans un flot continu, il est grand temps de trouver un petit quelque chose qui me permette de m’arracher du merdier. Trois ou quatre buses qui se chamaillent bas, loin devant, m’appellent sur le chemin de la sortie. Après 300m, mon thermique rejoint celui que David, Yvan, Christophe et les deux XC3 brothers enroulent un peu plus haut que moi. En dessous ça suit aussi : le thermique est balisé par une vingtaine d’aile. En quelques minutes nous nous retrouvons aux barbules, certains bien avant que je n’y arrive, mais aucun ne veut prendre le risque de mener la danse, ça tourne même dans du négatif … pourtant franchement … perso si j’avais une aile de champion je ne laisserais aucun mécréant me montrer le chemin, affaire d’amour propre sans doute.
Bref, je switche en mode lonesome Ben, vent cul, commandes en butée et banzai. Je jette un œil derrière et … comme c’est étrange … ça suit. A part une XC3 qui brasse la masse d’air un peu sur ma gauche, ça suit même pile poil derrière moi. Je vise un cum qui s’assombrissait sur la grande forêt à l’Est de Stone lors de ma montée dans le thermique, mais plus je m’en rapproche, plus il se défait.
Arrivé sous les reliques du nuage je zone un peu dans du zéro turbulent et pas franchement porteur. Au dessus de moi Oli, Eric, David et Ivan semblent avoir trouvé quelque chose. Je me concentre à localiser les bips les plus sérieux alors que Christophe vient chercher son bonheur 100m plus bas. En haut le nuage semble s’épaissir du coté de Sommauthe, je le laisse m’y emporter et il me récompense par un beau +3 jusqu’aux barbules. Là-haut, rebelote, la règle semble ne pas avoir changé : le premier qui bouge a perdu.
Je me lance vers l’Ouest en zérotant sous les barbules les plus franches. Une des Avax suit le mouvement un peu sur la gauche. Lors de la montée dans le thermique suivant je reconnais la doudoune jaune-vert : le pilote à l’esprit sportif c’est Olivier S. Ensemble nous jouons à saut-de-nuage plein Ouest. Depuis l’étang de Bairon je suis en plein inconnu : pas de GPS, pas de carte, pas de radio, simplement le vario sur ma cuisse, le plan c’est plein Ouest dans le lit du vent.
Une Ice-peak mauve nous ratrappe, plein pot au nuage, entrainant dans son sillage Ivan et Christophe. Max et Laurent sont un peu à la traine. Plus de trace de Eric, ni de David. Devant les nuages semblent se déliter dans l’azur, c’est le moment de mettre sur pose, de se trouver un coin sympa histoire de passer l’heure creuse.
Je me mets à la traine et attends pour voir. Laurent passe sur ma gauche et file sur un village ou il semble tourner sans monter. En chassant la barbule je trouve une pompe ou vient me rejoindre Max. Nous refaisons le plaf ensemble à l’Est d’une grande ville (Rethel) et devant une longue plaine ou certains champs blanchissent au soleil, mais elle est à peine parsemée de-ci de-là de fermes isolées : bon pour l’attente, pas bon pour la récup.
Je perds Max pendant la transition suivante.
Me voilà à 1.300 dans du zéro, en plein trou bleu à attendre que soit ça se rallume, soit ça me vautre. J’ai l’attention de plus en plus rivée au sol, plus portée aux routes, aux villages qu’à ce qui se passe dans mon aile ou plus haut. Il est 15H30 ça commence à puire la fin de cross. J’essaie de me reprendre en main, de me concentrer sur la masse d’air et plus sur le sol, et la magie de la journée fait le reste : 1.600 mais quasiment sans dérive lorsque je regarde le sol, ça fait une demi-heure que je suis dans le même bled.
16H00 c’est le moment de me montrer de quoi tu es capable ma cocote : détrimée à fond je la laisse m’emmener dans la direction que m’indiquent les éoliennes, je fonce, toujours dans le lit du vent ... enfin je fonce … à cette allure là les R11 se trainent. Je me fais cueillir par un bon gros thermique au-dessus d’une zone de marais qui m’amène la tête dans la ouate légère à 1.800
16H30 au rythme d’un thermique et d’une transition toutes les demi-heures je dois avancer à 20 à l’heure et ce depuis midi, les 100 bornes ne doivent plus être loin, mon Graal, le club des pilotes belges à plus de 100 bornes. Quand j’ai commencé à voler, le record de Belgique, c’était 105 km, Didier et son Apco Xtra en 96, Prayon - Thieu.
Par contre je commence à fatiguer grave, j’ai froid quand je suis haut, j’ai les doigts gelés, j’ai soif, j’ai faim, je suis perdu je ne sais ou dans un pays hostile ou les autochtones parlent fort et ne lisent pas les chiffres comme moi, je dois faire pipi, je veux mon doudou et ma maman.
Les toits d’une ville plus importante brillent sur ma gauche, on recommence à voir des routes. Je passe devant le seuil de piste d’un aérodrome militaire désaffecté (on reconnait ça aux longueurs de tarmac en mauvais état et à la corolle de parkings de dispersion délabrés). Sous mes pieds une route à 4 voies sur laquelle il y a un sacré flux de camions. La civilisation !
500m sol, je viens de faire la plus longue transition de la journée … en fait ça ressemble plus à un glide final qu’à une transition. Je commence à chercher LA bonne vache. Un village. Pas trop près des lignes électriques. Un carrefour avec des panneaux routiers pour savoir rapidement où je me suis posé. Une longue finale à 200m sol pour estimer la force du vent et bipbipbipbip que j’enroule machinalement.
Me voilà de l’autre coté du village avec 500m de plus, mais je commence vraiment à bugger, plus rien ne va, je le lâche et vise un parking le long de la route à 4 voies … bon ce que je n’avais pas vu tout de suite c’est que c’est une autoroute française à péage, je remarque ça une fois que j’ai le nez dessus, des autoroutes clôturées il n’y a pas pire pour la récup.
Je grille mes 200 derniers mètres vers la prairie la plus proche en bordure du village sur la droite et au dernier moment je vois qu’il y a des clôtures en travers, je continue vers les champs un peu plus loin, demi-tour vent face, finale je n’avance quasiment pas mains hautes, ça plombe à -3, la ressource et je pose comme une fleur sur la pointe des pieds. Je neutralise l’aile. Il y a un thermique qui repart sur la butte (que je n’avais même pas vue) derrière le village.
Je sonne à Dan pour avertir que je suis posé. Le son sort à peine de ma gorge, j’ai perdu la voix. Je trébuche de mon calle-pieds à mon accéléro jusqu’à la plaque à l’entrée du village : Remies.
112 km au compteur, presque 200 par la route. Je fais du stop pour me rapprocher un peu. Merci à Dan et Geert qui assurent la récup et que je retrouve au nord de Reims. Posé à 17H00 et rentré à 22H00. Ne le dites pas trop à ma famille, mais … taper les 100 bornes le jour de son anniversaire ça vaut plus que son pesant de gâteau et je pèse plus d’un quintal.
Avec plus de conviction, de courage et d’énergie j’aurais pu me refaire et, au vu des déclarations de cross, voler encore une heure, voir deux, mais là je crois que dimanche j’étais arrivé à mes limites physiques.
Le club des +100 ! Un but qui tombe et pour faire mieux, il me faudra voler plus vite et plus tôt.