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Rampant
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Aile: Blacklight, Kagoo2
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"Foutez-moi la paix"
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« le: 08 Septembre 2012 - 13:41:01 » |
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PREMIER PAS EN PARAPENTE
Je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, je vous parle d’un temps où les parapentes étaient surnommés « râpe la pente » (surtout par les deltistes jaloux), tellement les performances de nos chiffons étaient risibles au regard des finesses (capacité à planer) de nos machines actuelles. C’était un peu le rêve d’Icare qui se concrétisait là, et de surplus, une manière élégante d’envisager les descentes du randonneur que j’étais et suis toujours d’ailleurs. Je fais en effet partie de ces barjots qui ont toujours préféré la montée à la descente (le dos me dol). Je rentrais donc dans ma phase d’approche, en achetant toutes les revues concernant ce sport nouveau, à une époque où, pour des raisons professionnelles dans un premier temps, je troquais la douceur du climat atlantique pour les rigueurs du climat continental. Puis, vint la phase apprentissage théorique avec l’achat de l’équivalent actuel du « parapente pour les nuls » où je potassais toutes les phases du vol (toutes primordiales, quoiqu’ une fois qu’on est en l’air, il n’est exemple de voiles qui n’aient pas atterries par quelque moyen que ce soit et en quelque état que ce soit aussi) et en appris par cœur les phases les plus essentielles (à savoir, toutes). Il y eut ensuite la case « économies » (c’est pas donné ces bestioles), ceci afin de mettre la charrue avant les bœufs, à savoir acheter ma voile avant de savoir m’en servir. J’achèterais donc la « bâche » la plus « perfo » du moment, car c’est forcement la meilleure voile pour moi (mais oui bien sûr !). Je décidais toutefois qu’il était raisonnable d’effectuer un stage d’apprentissage dans un centre agrée. Entre le temps, mon patron a décidé, pôvre de moi, de m’envoyer 2 mois en Nouvelle calédonie. A mon retour le 14 juillet 1988, sous un orage parisien (où il fait plus froid qu’à Nouméa), naturellement il n’y a plus de place dans les centres école de vol libre, et c’est ainsi que je promènerai ma voile pendant plusieurs mois dans le coffre de ma vieille 504. C’est ainsi que je me retrouve, pas loin d’un an après avoir acquis mon parapente à Grenoble, où, pour les « besoins du service », nous passions chaque jours devant le site de St-Hil pour les connaisseurs dont je fais partie (déjà), Saint-Hilaire du Touvet pour les rampants, dont vous faites presque tous partie. Voir tous ces parapentes en l’air, tous les jours, m’a démangé pendant la semaine du stage, et c’est donc tout naturellement que je me retrouve le vendredi à avoir du temps libre avant de rentrer chez moi. C’est ainsi que commence vraiment mes
PREMIER PAS EN PARAPENTE.
Or donc, je me retrouve sur le parking de l’attéro de St-Hil, ne pouvant prendre le funiculaire, en maintenance à l’époque. Qu’à cela ne tienne, je profiterais donc des navettes de parapentistes (dont je fais déjà parti avant mon premier vol) qui se mettent en place. Sac sur le dos, je m’approche d’un groupe et demande d’une voie assurée « s’il n’y aurait pas une place pour moi ?» On s’entasse donc à 5 dans une voiture genre Clio, et roule. Pendant le voyage, je la joue discret, genre « je vous écoute mais j’ai besoin de rien », en ayant toutefois le cerveau à 150% et enregistrant toutes les nouvelles pouvant m’être utiles, à savoir toutes. Je retiendrai néanmoins l’essentiel, à savoir que les conditions hésitent entre « fortes » et « limites fortes », à tel point que certains hésitent à revoler…en même temps, c’est pas comme si je volais pour la première fois sous une voile typée « compétition ». Arrivé en haut et déjà échauffé (la route « tournicote » fort en montant à St-Hil.) je commence par faire le tour du propriétaire. Belle pente en herbe (elle a été refaite depuis en synthétique), 3 manches à air, ok, je m’approche de la fin de la piste…ah ! Quand même ! Ouf et même fichtre…250 m de vide abrupt jusqu’au prochain arrêt. Ouais ! Bin, faudra faire avec de toute façon. Je décide de me concentrer tout d’abord sur le commencement, à savoir l’endroit du déco, c'est-à-dire l’endroit où je vais étaler ma voile. Je regarde tout déjà les « biroutes » (manches à air). Pour moi, c’est pas net. Du tout. Celle de derrière m’indique un vent…de derrière. Déjà, pas bon, sachant que je sais quand même que l’on doit décoller vent debout (de face et non de fesses). Celle de gauche ? Bof, elle est comme moi, hésitante. Celle de droite ? Je dirais pareil, elle a pas franchement l’air de savoir ce qu’elle veut. Et moi, je sais ce que je veux : rester en vie ! Pourtant, maintenant que je suis là, pas question de reculer. Je connais le manuel par cœur (ou presque) ça serait ballot de craquer à 2 m du buffet. Le premier parapentiste est déjà prêt et il s’élance, courre, son aile se place au dessus de lui, un coup d’œil, un grand pas, il passe le point de non-retour, se trouve au dessus du vide…et là, monte, monte, monte à la verticale, 50 m en 10’’. Whaaa ! La classe ! Mon enthousiasme est tempéré par un autre collègue qui lui dit « putain, ça pousse !!! » De fait, la pompe de service alimente 2 ou 3 parapentes, au dessus des deltistes et encore au dessus, un planeur. Je me sens de moins en moins faraud et ne sais plus comment me défiler, d’autant que je viens d’étaler mon chiffon. Je me prépare bien tout comme il faut, saisis mes élévateurs avants, commence à courir en les tirant, ça monte…et se casse la gueule sur le coté. Raté. 2 essais plus tard, idem. Y’a un truc qui doit me manquer. Je regarde donc d’un peu plus prés comment font les autres…bien m’en prend, je me débrouille comme un manche. -1èrement, on attend le bon moment. En effet, et sans vouloir donner un cours d’aérologie, il faut attendre le bon cycle, et ici, à cette heure, il y a un bon créneau de décollage d’environ 45’’ toutes les 5 mn. -2èment, on prend bien les avants en main, mais AUSSI les commandes, les freins qui servent à se diriger en même temps que l’aile. Et ça, je l’avais passé à l’as. DONC, on reprend tout à zéro, et on fait tout bien comme il faut. -je repositionne bien mon aile. -je saisis TOUTES mes commandes. -j’attends le bon cycle. Qui arrive : le bon faux vent de face, mais qui va bien quand même. Je tire mes avants, commence à courir, contrôle mon aile au dessus de moi, continue à courir, vais franchir le pas, le franchis presque, un dernier coup d’œil au dessus de moi : il me manque ¼ de l’aile qui s’est repliée…plus le temps de m’arrêter, je me lance dans le vide. Whooo ! Quelques mètres de perdus me regonflent la voile. Et me dirigent vers la forêt à droite du déco. Un grand coup de commande gauche me remet dans l’axe...de fuite. Une seule chose pour moi maintenant, atterrir vivant. Et entier. Si possible. D’abord, m’installer dans ma sellette. A l’époque, il n’y avait que les A et les B, donc, deux sangles larges comme le pouce qui vous séparent des 300m de vide que vous avez sous les fesses. Je lâche mes commandes, et glisse la planchette sous mes antérieurs. Ça va tout de suite mieux. Je suis assis, vivant pour le moment, et commence par étudier la réaction de mon aile aux commandes. On tire à droite, ça va à droite, on tire à gauche, ça va à gauche : facile. Toutefois, je ne cherche pas à rejoindre mes camarades de jeux qui s’amusent au dessus. Heu ! Qui s’amusaient au dessus. Il n’y a plus personne là-haut. Pas grave. Je repère mon attéro, me remémore le manuel. PTS. Prise de Terrain en S. Ne pas dépasser le terrain. Je perds de l’altitude, évalue correctement mon ratio altitude/distance…prise de vitesse bras haut, je m’approche 10 m puis 5, 4, 3,2 m, j’enfonce mes commandes, arrondi, et me pose comme une fleur. Pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître. Sitôt posé, un des gars avec qui je suis monté vient me voir : -« Alors, beau vol ? » -« Bin oui, mais pour un premier vol, c’était limite hard ! » -« Ah bon ! C’était ton premier grand vol ? Bravo ! » -« Non, non, c’était mon premier vol tout court » -« Oui, non, je veux dire après la pente école, les gonflages et tout ça ! » -« j’entends bien, mais j’en ai jamais fait, c’est la première fois que je vole, haut ou pas haut ! » -« … ». « Xavier, viens voir, j’en ai trouvé un ! » Et là, il me présente Xavier Ledoux, docteur qui écrivait à l’époque dans « Parapente Mag » et qui avait fait une étude sur l’accidentologie en parapente, Qui, Quand, Où, Pourquoi, Voile… -« Salut ! Alors, c’était ton premier grand vol ? » -« Non, premier vol tout court » -re « … ? », « Ah oui ? » « Rien de rien, vraiment ?» -« Non, m’sieur » -« Et, t’as quoi comme voile ? Qui te l’a vendue ? » -« Une Adamski, achetée par correspondance ! » -« en plus ! Tu sais que c’est très délicat à piloter ça ? » -« Ben, en fait, non, elle a une belle couleur en tout cas ! » -« … » Et là, il m’a expliqué plein de chose sur le parapente, demandé si je voyais encore des voiles en l’air et sur ma négative m’a expliqué que les conditions sont devenues trop dures, que lui-même, pilote expérimenté a préféré aller se poser et que de toute façon j’ai été le dernier à partir. Il m’a serré la main en me félicitant mais en me conseillant tout de même de faire un stage…ce que j’ai promis…mais mon second vol s’est fait en conditions encore plus dures et je n’ai toujours pas fait ce stage. Et 25 ans que ça dure !
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