Je pense que Tripleseven pourrait ici nous raconter son expérience de passage à la machine à laver la confiance dans un vallon d'Arbas.
Bon alors, à la demande de Paul, je vais encore radoter... Je vais essayer de faire court.
La turbulence de sillage n'est pas forcément là où on l'attend.2 crêtes basses (on est en piémont) parallèles et séparées d'environ 1,5 kilomètre. Je vole en Oméga 4. Je fais un premier (petit) plafond sur la crête 1, assez pour transiter sur la crête 2 que je remonte petit à petit (conditions faibles et plafond bas). Je suis vers le fond de la crête 2, environ 200m au-dessus, lorsque je vois passer un jet militaire un peu en avant de moi (au vent) et un peu en-dessous.
Je crains fortement de me prendre le sillage du chasseur si je redescend. Je suis très motivé pour faire un plafond plus haut. Mais en zonant 5 minutes je ne parviens qu'à perdre 50 m et la masse d'air ici semble s'affaisser doucement. Tant que je suis assez haut, je décide de rebasculer sur la crête 1. Je fais ma transition et je commence à oublier le passage de l'avion. Sur la crête 1, je me remets en prospection.
Ça monte ! La sensation transmise par l'aile est bizarre et lorsque je veux enrouler, c'est comme si la voile refuser de tourner. D'ailleurs je n'ai pas le temps de tourner que je vis un léger moment d'apesanteur. Et là, ça descend ! L'aile est sans consistance, elle "tombe" avec les commandes molles et entame un mouvement de lacet qui me ramène vers le relief. Je n'ai rien dans les freins et y toucher semble empirer la situation. A ce moment ma priorité est de retrouver du contrôle et je parviens par un appui massif à la sellette à reprendre une trajectoire hors relief. La voile reste extrêmement sensible sur le lacet et j'ai l'impression de ne pas avancer. Puis l'aile mords à nouveau et je retrouve en même temps que la sensation de poids dans la sellette, la tension dans les freins. Et ça monte ! Et tout recommence. Apesanteur, ça tombe, tentative d'échappement sur le lacet, etc.
Je flippe.
Je ne comprends pas. Je me demande comment ça va évoluer. Je me demande si je vais pouvoir continuer à garder un semblant de contrôle pour ne pas finir dans les arbres.
En même temps, c'est doux, ce n'est pas cisaillé, il n'y a aucun mouvement brutal ou désordonné, il n'y a pas de tangage. Lorsque l'aile est tendue rien ne menace de fermer, lorsqu'elle mollit c'est tout l'ensemble qui semble ne plus se tenir.
Le temps s'est arrêté.
Je ne suis plus capable de dire combien de fois j'ai recommencé le cycle. Au moins 3 fois, mais 5 je ne suis pas sûr.
A un moment j'ai compris : le sillage du chasseur, je suis dans le vortex ! Il a dérivé dans la brise selon le chemin logique qui coupe ces deux crêtes. Dans cette aérologie plutôt stable, le sillage est en expansion lente mais ne se disperse pas et reste à la même altitude. Et moi qui vient de plus haut j'ai cramé dans la transition le gaz qui me fait raccrocher pile à son niveau !
Et tout à coup, comme si je m'éveillais d'un rêve, à force de maintenir tant bien que mal une trajectoire dos au relief, je suis sorti !
Immédiatement je retrouve ma voile, mes commandes, le poids habituel à la sellette, tout est redevenu normal.
La chance dans tout ça, c'est d'avoir rencontré le sillage déjà quelques minutes après sa naissance, alors qu'il avait eu le temps de commencer à croitre et d'être en train d'épuiser son énergie...