Le pendant de la confusion entre STABILITÉ et AMORTISSEMENT se trouve dans les différents types de ressenti que le pilote peut, à travers son aile, avoir de l’aérologie qu’il traverse.
C’est ce qui distingue la TRANSMISSION de signaux conduits vers le pilote, par sa voile, ses commandes (volet, accélérateur et maintenant poignées aux AR) et son harnais, de la COMMUNICATION utile et interprétable par le pilote (nous n'avons pas tous les mêmes capacités sensorielles ni la même éducation de celles-ci).
La communication utile en parapente, c’est par essence même « les 400 gr » de PPM : un effort dilué dans l’amplitude des déplacements des commandes et qui varie plus ou moins continument avec l’incidence de l’aile pour s’effacer à l’approche du décrochage (du moins pour des architectures « classiques » qui ont été jusqu’il y a peu celles des voiles d’écolage et de progression).
A l’autre bout de la palette, une aile de performance et de haut rendement est une voute tendue de grand allongement maintenant fermement ensemble des profils raidis autant que faire se peut pour exploiter tout ce que les structures peuvent capter d’impulsions ascendantes dans la masse d’air, selon une complexe construction en équilibre pour laquelle les variations d’incidence ne sont que des perturbations.
Ces perturbations doivent être réduites au minimum pour préserver l’intégrité de ses caractéristiques et en optimiser le rendement, notamment en gommant complétement les effets des variations d’incidence (d'où l’intérêt des SN).
C’est un karting, un petit bolide qui se pilote tout en impulsions et en accélérations, où il faut veiller constamment sur les chocs et vibrations transmises par la piste pour en tirer un maximum de traction et quelques retours d’informations sur les conditions d’adhérence de la piste et la dégradation des pneumatiques quand ceux-ci décrochent.
Voler performant impose aujourd’hui de ne rien négliger. Et donc de sommer tous les gains aussi minimes soient-ils qui pourront suffire à gagner des places en compétition (ou à augmenter la distance parcourable dans la journée) en relevant le potentiel de vitesse exploitable tout au long du vol et/ou pour un rush final.
Les actions sur les commandes étant minimisées pour altérer le moins possible les écoulements, la perception de l’état de la masse d’air traversée impose de savoir interpréter les chocs, les oscillations et les coups de lacets encaissés, et de traduire en niveau d’agitation et risque de fermeture l’intensité de ceux-ci.
Et là, ce n’est pas tout à fait la même « bande passante » et le même « rapport signal utile / bruit » que ceux dans lesquels opèrent les 400 gr de PPM !
Ainsi, si pour le commun des mortels conducteurs il peut être rigolo de faire quelques « tours de piste » dans un cadre sécurisé, il est bien évident ce n’est pas un kart qu’il choisirait pour faire 1.500 kms de route dans la journée.
De la même façon, le commun des volants sait qu’il ne doit pas choisir une aile de compétition, une balle de guerre homologuée CCC –la formule 1 des airs- pour faire ses petits cross de fin de semaine en père de famille... même si celle-ci est la plus rapide et la plus stable des ailes.
Mais là où le discours se trouble pour l’acheteur, c’est quand on en vient sous la pression du marché à homologuer EN-B des ailes à 61 cellules et plus de 5.5 d’allongement, ou EN-A des ailes aptes au cross performant.
Il ne s’agit pas ici à mettre dos à dos deux types de conception de ce que doit être un parapente « grand public ».
Les choses sont infiniment plus ténues pour concevoir le « je-veux-tout » qui est un modèle de parapente réussi, c’est-à-dire performant mais aussi en adéquation avec les pilotes et les aérologies auxquels son concepteur le destine. C’est un compromis, un savant dosage entre de multiples caractéristiques, en commençant par la recherche et la sélection des matériaux employés, les façons de les assembler et de les mettre en tension au sein de l’architecture globale d’un parapente.
Ce savoir-faire conditionne non seulement les performances intrinsèques, la sécurité passive et l’amortissement (au détriment –oui- de la performance dans certaines attitudes de vol, il faut l’admettre) mais aussi la qualité de la communication entre l’aile et son pilote.
Une qualité de COMMUNICATION qui détermine avec l’amortissement une part importante de la sécurité ACTIVE que pourra assurer le pilote sous son aile, en accord avec ses capacités et ses connaissances qui lui permettront d’anticiper ce qui peut l’être.
Un savoir-faire parmi les moins visibles mais qui sera –je l’espère- le plus fort gisement de progrès en terme d’accessibilité de ce sport dans les années à venir : la gestion fine du juste nécessaire de déformations génératrices d'amortissement aux limites du domaine de vol (dont la préhistoire fut la "stabilité bouledogue") pour rendre l'aile suffisamment accessible au type de pilote visé.
Soit un nécessaire proche de zéro pour les compétiteurs "burnés" habitués à jongler avec les seules stabilités pendulaires et aérodynamiques de leurs ailes comme avec des bilboquets... tout en état en équilibre sur une slack line
).
Si cela fait sens pour vous, alors vous êtes à même de comprendre pourquoi Alexandre P. peut tenir un discours qui semble bien à contre-courant du marketing et des tendances du marché en parlant d’une de ses dernières créations (la Stelvia) dans l’article consacré à la Stubai Cup 2018 par Parapente+ N° 458.