C’est super quand ceux qui me lisent en lisent une ligne sur deux. J’écris :
Je vois bien des critiques venir. Oui mais L. Bettencourt n’a pas travaillé de sa vie, c’est pas normal qu’elle ait gagné tant d'argent juste avec du capital. Oui mais les mal logés n’ont pas moyen de payer des loyers astronomiques, c’est pas normal qu’ils vivent dans des endroits à la limite de l’insalubre et qu’ils y paient en loyer presque tout ce qu’ils y gagnent. Oui mais c’est pas normal que lorsque l’état actionnaire met à disposition une grosse somme d’argent à une entreprise (typiquement en temps de crise pour éviter sa faillite) celle-ci utilise une grande partie de cet argent pour virer plein d’employés et délocaliser une grande partie de sa production.
J’ai oublié les … mais Willow s’est empressé de compléter mes « oui mais » :
Et bien entendu, tout cet argent redistribué au actionnaires est créé ex nihilo??
Et bien entendu, la répartition de la création de richesse est tout à fait équitable, à la fois en France, et encore plus envers les pays sous-développés où sont installés tous les grands groupes cotés en bourse (c'est bien connu, tout le monde rève de devenir employé de Zara au Bengladesh).
Et bien entendu, on se fout complètement que ce qui rémunère l'actionnaire, ça soit polluant, peut respectueux de l'environnement (doux euphémisme) et souvent basé sur l'exploitation de populations pauvres.
Et bien entendu, il vaut mieux rémunérer les actionnaires que de participer au bien commun par l'impôt.
Et bien entendu, spéculer à la nanoseconde, sur tout et rien, notamment sur des matières premières alimentaires, quitte à créer des famines, on s'en fout tant que ça rentre de l'oseille.
Mais ma première réponse, tiens toujours, je la remets en gras, on ne la ratera peut-être pas cette fois-ci :
C’est vrai, tous sont des points qui peuvent se discuter et, si problème il y a, des solutions spécifiques peuvent à chaque fois être apportés (par exemple taxes plus importantes sur les successions, des plans logement à la hauteur du défi, des conditions explicites pour l’aide l’état etc). Mais je ne vois rien là-dedans qui puisse remettre fondamentalement en cause le fait que mettre quelque chose qui a de la valeur à la disposition de quelqu’un qui en a besoin, ben ça a de la valeur justement, donc ça rapporte. C’est normal que le capital puisse rapporter.
Une fois que ça c’est fait je tiens aussi à corriger certains autres points.
Que veux-tu, nous n'avons pas la même vision du monde, tu rêves de billets, je rêve d'harmonie et de sobriété.
Ce n’est pas vraiment exact, je ne rêve pas de billets, je rêve d’un monde meilleur et je pense qu’une part importante d’un monde meilleur (attention, je n’ai pas dit la seule part) viendra d’un monde plus riche. Notamment parce qu’un monde plus riche a, par définition, plus de moyen qu’il peut mettre en oeuvre pour résoudre différents problèmes auxquels il est confronté. Il peut mettre en ouvre plus de moyens pour trouver des sources d’énergie propre, pour trouver plus de médicaments et de vaccins pour combattre des maladies et même pour aider les moins bien lotis. Pour ceux qui doutent de ce dernier point je les invite à se renseigner sur le sort des moins bien lotis d’une société il y a un ou deux siècles et les comparer à aujourd’hui.
Quant au rêve de Willow, rêver d’harmonie je ne sais pas ce que ça veut dire. J’en connais plein au cours de l’histoire qui ont rêvé d’une société harmonieuse à leur sauce, avec des résultats, comment dire, qui ne me donnent pas trop envie.
Quant au rêve de sobriété, de mon point de vue médiocrité serait le terme plus adapté. Je ne suis pas du tout étonné que le mouvement communisto-égalitariste et le mouvement de la décroissance se trouvent, puisqu’ils se complètent et se renforcent l’un l’autre. Le communisme avait la médiocrité déjà gravé dans ses gènes et au vu des expériences historiques du dernier siècle avait perdu un peu de son attrait. Mais voila que le mouvement de la décroissance vient lui apporter un nouveau souffle puisque maintenant la croissance est l’ennemi numéro un pour sauver la terre. Il faut donc baisser la production vite et bien. Qu’est ce qui les prends cette couturière, cette ingénieure et ces maçons à vouloir travailler de 5h du mat à minuit. Ils pourraient pas travailler de 9h à 17h comme tout le monde ? Au moins comme ça les machines à coudre de la couturière emmétraient plus de deux fois moins de CO2, comme les ordinateurs et le modem 4G de l’ingénieure (eh oui elle vit à la campagne, elle a besoin de la 4G pour se connecter à internet puisqu’il y pas d’ADSL par là où elle vit) et comme les camions, bétonnières et parpaings des maçons. Ben oui, comme il faut sauver la planète par la décroissance, interdiction de travailler au-delà de 9h-17h et entre 17h et 9h c’est méditation zen obligatoire pour tout le monde. Ben oui reste plus que ça puisque c’est en méditant qu’on émet le moins de CO2. Le parapente, même pas en rêve, ça fait des années que c’est interdit puisque c’est fait à partir de pétrole, le pire truc qui existe. Le sport sans matériel spécifique c’est autorisé pour garder la santé. Mais c’est rationné à 3 fois par semaine, car quand on fait du sport on surventile donc on émet plus de CO2. De même pour le sexe pour les mêmes raisons. En gros de 17h à 9h c’est méditation zen obligatoire pour tout le monde, et surtout pour ces gens qui ne pensent qu’à bosser jusqu’à minuit, pour qu’ils prennent le temps de réfléchir au VRAI sens de la vie et qu’ils comprennent enfin qu’elle est pas faite pour ça et qu’on peut mener une belle vie sans augmenter la production du pays. J’ai quand même peur que ce ne soit pas suffisant, parce que ces pauvres gens vont être tellement contents que 9h arrive et qu’ils puissent faire enfin c’est qu’ils aiment qu’ils vont se donner tellement à fond entre 9h et 17h qu’ils vont exploser tous les compteurs de productivité et arriver à mettre la décroissance à mal. Pour leur rappeler qu’ils doivent activement participer à la décroissance de l’économie il faudrait plutôt leur mettre un petit bracelet qui leur fait une décharge électrique proportionnelle en durée et intensité aux sur-bénéfices de leur société par rapport à la moyenne des sociétés. Paf, deux problèmes résolus d’un seul coup, plus de problème d’inégalités de richesse et plus de problème de destruction disproportionné de l’environnement. Un monde harmonieux et sobre. Et puis tant pis pour ceux qui n’arrivent pas à saisir le VRAI sens de la vie pendant leur séance de méditation. Ils sont en nombre négligeable de toute façon. S’il y en a trop qui se laissent tenter par le diable américain, on construira un rideau de titane à la frontière et des goulags, ça leur apprendra le VRAI sens de la vie mieux que toute méditation.
Bref, je n’ai aucun doute qu’en suivant la philosophie de l’égalitarisme et de la décroissance on trouvera une sortie par le bas aux problèmes économiques, sociétaux et environnementaux actuels. Je préfèrerais quand même chercher plutôt une sortie par le haut. Et une sortie par le haut se fait par l’innovation (par exemple celle qui trouve des moyens de production d’énergie propres, ou qui cherche à réduire le coût et l’impact des moyens de production actuels (panneaux solaires par exemple) …). Et jusqu’à présent, historiquement, on n’a pas trouvé de système meilleur que le capitalisme pour stimuler une innovation à large spectre…
Pour conclure et puisque je les vois bien venir, voici des choses
que je n’ai pas dites :
Je n’ai pas dit que le système actuel, basé en grandes partie sur le capitalisme, est un système parfait et qu’il n’y a rien à améliorer. Je pense au contraire, qu’il y a encore beaucoup de choses à améliorer.
Je n’ai pas dit que je suis pour un capitalisme dérégulé. Au contraire, je pense que le capitalisme doit être régulé, bien plus qu’il ne l’est actuellement.
Je n’ai pas dit qu’il n’y a aucun problème environnemental à résoudre. Au contraire je suis conscient que c’est un problème majeur qui aura besoin de mesures de grande ampleur pour être traité.
Je n’ai pas dit qu’il ne faut rien changer à la production et la consommation et qu’il faut tout miser sur une éventuelle solution technologique au problème environnemental. Je pense que ce serait trop risqué et qu’il faut en même temps des mesures de grande ampleur pour éviter une destruction disproportionnée de l’environnement en attendant.
Je n’ai pas dit qu’un monde qui cherche à être un monde plus riche, sous contraintes sociétales et environnementales, est un monde qui doit s’en foutre du sort des moins bien lotis. Au contraire, je pense, que la société a un devoir de prendre en compte le sort des moins bien lotis, mais je pense qu’avec une bonne gouvernance le sort des moins bien lotis peut être énormément amélioré par rapport à l’état actuel malgré des inégalités de richesses qui s’accroissent.