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Vols (parapente) => Récits => Discussion démarrée par: Le Plantigrade le 11 Avril 2021 - 10:34:38



Titre: Vol au dessus d'un nid d'ours...
Posté par: Le Plantigrade le 11 Avril 2021 - 10:34:38
Ça s'est passé jeudi dernier, mais ça a commencé bien avant...

Je vis dans un délicieux village du sud de la France, encadré par deux falaises de calcaire et surplombé par une petite chapelle moyenâgeuse sur l'une d'elles. J'avais moins d'une dizaine d'année et je rêvais déjà de survoler ces falaises, de voir ma maison de là haut... me mettre au parapente n'a pas arrangé les choses.

Bref, depuis quelques temps que j'ai gagné en autonomie, que je vol sur site inconnus et affronte les thermiques sans désarmer (mais pas encore sans vomir, hélas...), depuis que j'ai commencé avec une joie certaine (et une pointe d'inquiétude tout de même) a faire mes premiers Cross, l'envie d'aller voir au dessus de mon jardin si l'air y était plus frais c'est fait de plus en plus prégnante. Mais pour ce faire, il me fallait un plan!

la première étape était théorique! Carte IGN étalée sur la table de la cuisine, j'ai passé quelques heures à étudier les reliefs entourant mon domicile. Je connaissais très bien le petit déco situé à 4km au sud de mon chez moi pour y voler souvent en soirée et j'avais appris que, faute de mieux, certains farfelus s'en était déjà servi de départ de Cross.
Le vol en soi n'est pas très ambitieux, un peu moins de 4km entre le déco et mon jardin, comptez 8 de plus si je décide de pousser à la ville voisine. Chance, les reliefs sont bien orientés et le massif calcaire va sûrement donner si les conditions sont bonnes. Sur le papier, ça doit pouvoir se faire.
Seuls vrais soucis, la TMA de Montpellier qui passe au dessus de ma tête et m'oblige à rester bas (un poil plus de 1000m) et une transition à faire en début de Cross où aucun atterro de secours ne se présente et où la fuite peut s'avérer problématique...

Seconde étape, étudier le terrain en vrais! Bon, j'y habite, on va dire que je connais bien les lieux. Quelques Randos pour reconnaître la nature de certaines zones et les possibilités de plans de secours auront raison de mes derniers doutes sur le sujet. Dès qu'un créneau se présente, je tente ma chance...

Et Justement, en début de semaine, la météo et les prévisions semblent vouloir aller dans le bon sens. Du coup, une autre idée me viens... Pourquoi ne pas rejoindre le site de départ à pied? Une petite rando en pleine nature sur les crêtes et, si Éole le veux, zou, on rentre en volant? Le problème de ce genre d'idée, c'est qu'elles sont très attirantes...

Jeudi matin, mon sac est prêt, 3l d'eau, un sandouiche, un carré de chocolat pour le moral, une petite veste, mon casque, ma voile et ma sellette, me voilà prêt pour, au moins, une petite randonnée sympa sur une journée. Drôle de sensation que de partir à pied de chez-soi avec son parapente sur le dos. Il est 10h30 du matin, je devrais arriver sur place vers 12h00 au plus tard si je me paume un peu. Tout en grimpant le sentier entre les falaises, je lève le nez pour observer le ciel qui, pour le moment est d'un bleu pur. Je suis déjà mentalement prêt à ne faire que marcher, mais si ça le fait...

En un peu moins d'une demi-heure de marche, me voilà sur la crête, première petite pause afin de savoir où je suis précisément et de repérer la suite de l'itinéraire. C'est que cette partie du terrain m'est inconnue encore. Le ciel est toujours dégagé, les balises des différents site sont en train de se tourner dans le bon sens ce qui tend à confirmer les prévisions. Je commence doucement à me dire que ça va le faire.

Encore une petite heure de marche et le voilà sur le décollage de Claret (enfin, techniquement, il s'agit du village des Embruscales...) et je pause mon cul dans la minuscule pente pour savourer mon petit repas. La manche à air semble bien mais les cycles sont long, rafaleux et ne m'inspirent que moyennement confiance. Et puis, je suis seul sur le site et mes réflexes de pioupiou me dise que ce n'est jamais bon signe... Qu'a cela ne tienne, je profite d'une petite heure de sieste en plein soleil en guettant les balises le nez au vent.

Il est presque 14h00, les cycles sont plus régulier et semblent plus doux. Je pense pouvoir tenter ma chance. Je fais ma prévol, prépare mon matériel et, couvert comme pour l’ascension de l'Evrest, j'attends la petite bouffe salutaire. Elle tarde à se manifester mais, enfin, ma voile gonfle! Je l'accompagne, me retourne, temporise, charge et me laisse partir dans la pente. Je suis en vol! Le vario m'indique que ça ne monte pas, mais que ça ne tombe pas non-plus... Je bascule dans ma sellette et tente de m'installer dans mon cocon maison...

Et là... C'est le drame...

Un truc bizarre dans mon cocon, impossible de tendre les jambes! Et puis j'ai mieux à faire, là! je dois piloter, le reliefs et les pins sont pas assez loin pour que je puisse me concentrer sur autre chose! Cap sur la plaine, je farfouille et identifie le problème! La planchette s'est mise de travers, va savoir pourquoi! Bon, je cale mes pieds par dessus tant bien que mal et vérifie que je peux piloter sans soucis. je peux accéder à l'accélérateur, plus ou moins... Bon on va dire que ça va le faire, je vais pouvoir voler.

Sauf que cette péripétie m'a fait perdre de l'altitude. A 50m/sol, la masse d'air est moins généreuse et les bulles, si elles existent, ne sont pas suffisamment organisées pour me permettre de reprendre le gaz perdu. Tant-pis! Il faut rester lucide et aller poser, on fera un nouvel essai plus tard.

Poser dans une cuvette de pierre, sur un terrain étroit engoncé dans les arbres n'est pas très confortable, mais je commence à avoir l'habitude. Le retour sur le plancher des vaches se fait tout en douceur. Je replie ma voile et en profite pour analyser l'incident matériel de ma sellette... Le scratch de maintiens haut de ma planchette en carbone s'est décollé... Allons-bon, je l'avais pas vu venir ce coup-là...
Je fini de replier, me jette le sac sur le dos et repart à l'assaut de la pente, je ne sais pas encore si je vais ré-essayer ou rentrer, mais dans tous les cas, le chemin de rando est en haut.

Une petite heure de crapahut plus tard (quelle idée de vouloir couper aussi...) me voilà sur le déco à nouveau. Le nez en l'air, j'analyse à nouveau les conditions. les cycles sont plus fréquents et moins rafaleux. Un bon point. Mais la force moyenne à, elle, augmenté. C'est plus laminaire, mais aussi plus fort. Pas de nuage au dessus du site, mais une armée de petits cums à l'horizon avance doucement depuis le littoral. Je suis dans le doute quand deux autres pilotes arrivent. Quelques banalités d'usages et mes premières impressions sur mon premier plouf échangé, voilà que l'un des deux décide de décoller. A tout hasard, je me prépare aussi, si je dois tenter de rentrer en volant, je ne vais pas pouvoir tergiverser beaucoup plus...

Le premier décolle et rate le petit courant d'air qui l'aurait fait tenir et passer au dessus du décollage. Le second, lui y arrive et à l'évidence, ça tiens! Bon... y'a plus qu'a!

J'ai amputé mon cocon de sa planchette et me voilà à nouveau dans la pente. La petite bouffe gonfle ma voile qui en frétille d'impatience, retournement, contrôle, charge, me voilà ne l'air. J'ai décollé presque à la verticale. Je me laisse glisser doucement vers la pointe du relief où je sais trouver un p'tit ascenseur gentil et j'enfile mon cocon dans le même temps (c'est vachement plus confortable sans la planchette d'ailleurs... va falloir que je modifie ça!). Le petit ascenseur est là et...

Ah non! Pas petit en fait!!!

Je me fais littéralement satelliser! Mais curieusement, pas secoué! Un petit tours, un autre, ça monte toujours... Et ça monte vite en plus! Je commence à y croire, je vais sans doute y arriver. je guette mes instruments et quand j'arrive à 700, je commence à m'engager vers mon itinéraire choisi. Sauf que ça dégueule et pas qu'un peu : Faux départ.
C'est pas grave, on recommence, Je reprend ma pompe et retour en altitude. Arrivé à presque 900m, je constate que les petits cums sont arrivés pile à l'heure. C'est parti pour le surf!

Je pars donc confiant dans ma première transition vers mes falaises bien-aimées. Une lecture de mes instrument et un rapide coup d’œil autour de moi me confirme un certain nombre de voie de replis possible, de fuite ou, dans le pire des cas, d'atterrissage d'urgence peu confortable mais sécure. Je suis confiant, je peux voler en paix!

Je m'applique à passer d'une zone d'influence de Cum à l'autre, toujours sur le même cap. Je constate quand-même que je suis bien contré, je n'avance pas vite là-haut, mais j'avance tout de même. le nez à l'horizon, c'est avec une certaine excitation que je vois doucement la perspective s'ouvrir. Mes falaises se rapprochent lentement mais sûrement. Voir la perspective changer progressivement, l'espace entre les deux parois se matérialiser au fur et à mesure que je progresse à quelque chose de magique. Je survol mon village, Corconne j'en profite pour voir ma petite maison et celle de mes parents depuis mon petit aéronef de tissus. A ce moment là, je glousse tout seul comme un gland, trop heureux de profiter du point de vu des Choucas qui peuples d'ordinaire cet espace.

Bon, une alerte me rappel à la réalité... Croiser un Choucas, ça va! Mais un Airbus... On va descendre un peu, j'ai pas percé la TMA de beaucoup mais tout de même...

Le vol m'aura pris jusqu'ici un bon quart d'heure. Tant qu'a être là, on va rejoindre Quissac, ce sera plus facile de se faire récupérer là bas et puis, j'ai pas envie de poser tout de suite à dire vrais. Je suis si bien là-haut.

Je m'engage donc dans une seconde transition en suivant la route au fond de la vallée : il y a des vaches possible partout. Par contre, ma vitesse a sensiblement augmenté. Je suis vent de dos maintenant, certes, mais les conditions semblent aussi s'être renforcée. Encore une fois, c'est cohérent avec les prévisions. Je me mets donc en devoir de chercher un coin ou poser.
Un petit champ près d'un Lidl en abord du village me tend les bras. Un rapide coup d'oeil autour de moi me permets d'identifier le sens du vent (merci la concession automobile et ses bannières publicitaire) Je me présente donc depuis mon altitude actuelle dans une espèce de longue finale (oui, je suis complètement seul en l'air, pas de PTU, je veux poser et si possible pas dans un arbre). Je suis contré là tout de même. Oui, je suis bien contré! Ça risque même d'être court. Je pousse l'accélérateur à fond, les mains sur les arrières, mon point d'aboutissement est bon, mais je dois rester vigilant. Plus je descend, moins je suis contré! ouf! Je vais pouvoir me concentré sur ce posé et cesser d'envisager des solutions de replis.
Je m'applique, laisse plonger la voile pour une dernière prise de vitesse et un bel arrondi et pause tout en douceur, affale proprement entre deux arbustes et laisse exploser ma joie!

Je l'ai fais! J'ai échafaudé une route, définis un objectif et ai réalisé mon vol tout seul! Je suis au paradis...

Mon petit parcourt! (https://ayvri.com/scene/r7j0gol25y/ckn90zk4d0001246g57kt7uth)

Et pour le retour, ma charmante épouse s'est fait un plaisir de venir me récupérer en voiture... Une journée parfaite je vous dis!


Titre: Re : Vol au-dessus d'un nid d'ours...
Posté par: Lassalle le 11 Avril 2021 - 11:04:57
Merci pour ce récit vraiment sympa !  :pouce:  :lol:

 :trinq:

Marc


Titre: Re : Vol au dessus d'un nid d'ours...
Posté par: Buck Danny le 11 Avril 2021 - 11:15:15
"je glousse comme un gland ..."  :+1:  :mdr:
 :bravo:


Titre: Re : Vol au dessus d'un nid d'ours...
Posté par: piwaille le 11 Avril 2021 - 12:17:19
 :+1: Pareil, j'ai ri avec toi :pouce:


Titre: Re : Vol au dessus d'un nid d'ours...
Posté par: airsinge le 11 Avril 2021 - 13:41:25
Et te voilà qui fais du vol libre (en composant agréablement avec toutes contraintes) !

Mais en étant parti de la maison à pied je ne comprends pas comment te priver de l'idée de poser suffisamment près pour faire ton retour en aventurier solitaire aussi... (ou alors la jalousie peut-être, même si je ne connais pas la grâce de madame ours).

Bien joué !


Titre: Re : Vol au dessus d'un nid d'ours...
Posté par: Chris224 le 11 Avril 2021 - 15:40:53
Super récit :pouce:
Merci :)


Titre: Re : Vol au dessus d'un nid d'ours...
Posté par: Michou le 11 Avril 2021 - 15:51:45
Excellent !  :pouce:


Titre: Re : Vol au dessus d'un nid d'ours...
Posté par: Petit Toro le 11 Avril 2021 - 17:46:14
 :pouce:

Gopro a dit: Be a Hérault !


Titre: Re : Vol au dessus d'un nid d'ours...
Posté par: bipbip le 11 Avril 2021 - 18:05:32
Récit sympa  :trinq:  :pouce:


Titre: Re : Vol au dessus d'un nid d'ours...
Posté par: wowo le 11 Avril 2021 - 18:53:15
 :bravo:  Félicitations !

Beau vol et récit très sympathique, bravo !

Un bémol tout de même dans ton récit (tans pis pour mon côté "pépé la morale") Le passage où tu avoues, enquiller la TMA, même si ce n'est que pour peu de temps, de + de 50 mètres (cf, ta trace) alors qu'il aurait été souhaitable de plutôt garder 50 mètres de marge.

Un signalement par l'équipage de l'Airbus peut vite amener de gros soucis pour la pérennité du site. Là, les autorités compétentes n'auraient même pas de mal à confirmer l'incident et à... trouver son responsable.

Il faut bien comprendre que s'aventurer en parapente dans une TMA ou toute autres espaces ou zones aériennes interdites pour raison de trafic IFR revient à prendre l'autoroute à contre-sens en vélo. Et n'est pas du tout de nature à recueillir la compréhension des pilotes de lignes et de leurs autorités de tutelle.

Mon idée ici n'est pas de dire qu'il faudrait faire ceci ou cela mais peut-être qu'un modo peut scratcher le passage dans ton post et toi purger ta traces de quelques hectomètres.

 :trinq: 


Titre: Re : Vol au dessus d'un nid d'ours...
Posté par: airsinge le 11 Avril 2021 - 19:36:30
Tu cherches vraiment les poux, wowo ! Certes quelques passagers de l'Airbus ont vomi pendant le décrochage pour évitement mais ma soeur qui pilotait ne fera pas le moindre signalement, c'est promis (elle n'avait encore jamais eu le droit d'essayer le décrochage face à un obstacle volant, et là elle a bien pu profiter de l'occasion. Et puis de toutes façons, Le Plantigrade te l'a dit, il n'y avait que des fanions de concession automobile en dessous, c'est pas ce que ça coûte à remplacer).

Si j'ai bien compris le ton du récit sur ce passage là : il n'y a jamais eu le moindre Airbus en vue.


Titre: Re : Vol au dessus d'un nid d'ours...
Posté par: Le Plantigrade le 12 Avril 2021 - 10:03:05
Merci pour ces retours!
Et pour ce qui est du retour en voiture plutôt qu'a pied... Ben j'avais pas du tout envie de poser en fait... Et le retour n'étais pas envisageable au vu de l'évolution des conditions ^ ^'


Titre: Re : Vol au dessus d'un nid d'ours...
Posté par: DimitriM le 12 Avril 2021 - 10:36:01
Salut le Plantigrade

Récit super sympa, merci, je l'ai déjà dit, mais je le redis, je trouve que ça manque un peu de récits de ce genre... Ca rappelle pourquoi on vole !


Titre: Re : Vol au dessus d'un nid d'ours...
Posté par: XavDk le 12 Avril 2021 - 21:10:57
 :+1:  c'est joliment raconté et ça donne envie de s'élancer à son tour  :bravo:


Titre: Re : Vol au dessus d'un nid d'ours...
Posté par: Gillesf le 13 Avril 2021 - 18:05:59
 :bravo:  :bravo: Un joli petit bonheur, tout simple et tellement sympa !  :trinq: