Imprimer la page - J'ai rêvé ou bien ?

Les plus beaux vols sont souvent les plus inattendus. Et pour inattendu, celui-ci débute ni plus ni moins par cette moquerie d’un pilote pliant derrière la dune : « c’est trop tard, y’a plus de vent ! »

Qu’importe, je compte seulement gonfler un peu dans le sable rose de cette si belle soirée. Soleil couchant, horizon scintillant : c’est dans une ambiance de fin de journée de vol que je déballe parmi les pilotes qui partent, et les estivants qui viennent admirer les couleurs du soir après manger. Sans grande conviction, je me sens un peu obligé, pour une raison inconnue, de tirer au moins une fois dans cette journée les élévateurs. Sentir ces deux ficelles au bout de mes index, entendre les petits craquèlements du tissu et sentir sous mes cuisses au moins un peu de cette force contre-nature. Le vent est frais, mais doux : on ne peut pas dire si c’est froid ou bien chaud tant il est régulier et modéré. La voile, elle, s’en contente et n’a pas de difficulté à rejoindre la verticale. Et moi, après quelques pas et constatant ce que j’avais voulu me cacher : l’homme que j’ai croisé en arrivant n’avait pas eu tort. Alors je profite des derniers souffle du bassin d’Arcachon en m’asseyant, l’aile toujours en l’air, devant le spectacle que tous sont venus voir ici : le coucher de Soleil. Après tout, dans cette position et devant ce paysage, seuls quelques mètres sous mes pieds manquent pour constituer un vrai vol !

Et c’est parti pour une petite course en direction de la plage avant de plier, histoire de décoller les pieds. Je m’efforce de la faire durer le plus longtemps possible en visant la pente la plus raide et la mieux exposée au vent venant du phare du Cap Ferret. L’essai est assez concluant : j’ai de quoi faire un demi-tour au niveau des souches pour revenir ensuite vers le bas de la plate forme de décollage. Sitôt les pieds à nouveau au sol, je mets la voile de coté et, sans m’arrêter, je cours en ligne droite vers le haut de la pente. Me revoilà à mon exact point de départ ! Même pas de question à me poser, je suis de nouveau bras hauts en train de redécoller. Et cette fois-ci, je part d’un tout petit peu plus haut, j’écarte un peu moins les bras, et je rase un peu plus les pins là où c’est raide !

Je renouvelle ce petit ballet quelques fois de suite : petit plané, virage à taux de chute minimal, je reviens le plus haut possible, je touche les pieds, voile en kite, et je remonte en courant, sans jamais fermer la voile. Il commence à y avoir pas mal de personnes au sol, assises sous les pins, des familles, des couples, des groupes d’amis venu voir la mer. En vol, j’aperçois quelques regards admiratifs, voire envieux dans ma direction. C’est par exemple quelqu’un qui s’arrête de marcher pour me regarder, pensif, et laissant continuer devant lui les personnes avec qui il marchait.

Alors je m’efforce de piloter le plus proprement possible, pour ne pas rompre le silence qui s’est établi. Ou comme pour ne pas tacher le tableau du coucher de soleil dans lequel je suis. Un tableau auquel viennent s’ajouter le bleu ciel de ma petite voile, ainsi que son liseré orange et jaune qui viennent s’accoler à l’horizon lors de mes virages. Car maintenant, le vent a imperceptiblement tourné à gauche et je n’ai plus à remonter la pente les pieds au sol ! Avec une minutie extrême, j’approche mes bouts d’aile de la cime des pins pour me positionner au mieux dans la zone la plus raide. Je dessine mes huits le long de cette toute petite crête qui joint le bas du camping et le pin qui forme le bout de la plateforme de décollage. Bientôt ce n’est plus mon bout d’aile mais moi-même qui est au niveau du haut des arbres. Je reproduis ces huits patiemment, en faisant toujours les mêmes virages : l’un au niveau d’un tronc mort, et l’autre juste en face de l’arbre près du décollage. A un passage, je peu presque toucher ses branches. Je n’ose rien faire d’autre que ces petits huits, de peur de redescendre et de ne pas pouvoir remonter à nouveau ! Mais je m’en contenterais bien pour toute la soirée, c’est si beau ! Le Soleil touche l’horizon et je suis maintenant à deux ou trois hauteurs d’arbres. C’est bon, je vais pouvoir me libérer un peu et m’amuser. Je traverse la plateforme de décollage et vise la petite butte tout au bout pour démarrer les waggas. Un couple est assis juste là et semble apprécier. J’arrive à poser quelquefois la main, mais toujours pas l’aile ! Quelquefois je me rate et la sellette frotte le sol, mais toujours avec douceur et je repars en kite.

Une petite pensée à celui qui m’avait fièrement dit que ça ne volerait pas : il doit être bien étonné. D’ailleurs, un pilote quitte un cercle de personnes assises dans le sable et se met dans sa sellette. Il a beau essayer, lui ne tient pas. La dune restera à moi tout seul ce soir.

Les wingovers et waggas à rallonge se succèdent dans ces couleurs chaudes, malgré le froid qui commence à me faire greloter. Mais le spectacle est si beau que ça en vaut la peine. A l’occasion, des flashs d’appareil photo se déclenchent au sol et je ne sais plus si je suis spectateur ou acteur du spectacle de ce soir.

Le vent et la lumière faiblissante m’autorisent même quelques allers-retours dans la grande pente en face du camping. Je me décide à poser lorsque la nuit m’empêche de voir correctement. Mais c’est bon, j’ai désormais assez d’images dans la tête pour patienter pendant les trop nombreuses journées non volables !

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+ Le chant du vario +

Vols (parapente) => histoire => Discussion démarrée par: Robou le 11 Août 2009 - 01:25:55