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Forum de parapente

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Auteur Fil de discussion: Dolomiti Superfly 2020, un peu de lecture ^^  (Lu 4139 fois)
0 Membres et 1 Invité sur ce fil de discussion.
Flyin Matmute
Invité
« le: 08 Février 2021 - 13:04:18 »

en espérant vous raconter une belle X-Alps aussi : )

DOLOMITI SUPERFLY DAY 1. Le jour où tout a commencé

Levico Terme, Trentino, Italia. Nous y sommes. J’ai du mal à y croire mais nous y sommes. Je reconnais la rue dans laquelle va-t'être donné le départ de la course. J’y étais déjà en 2017 pour encourager des copains qui sont de nouveau de la partie cette année. À l’époque Andrea Conci volait en Mentor3, il est désormais sous Alpina3. Et puis il y a Moreno Parmesan qui comme il y 3 ans me dit qu’il n’est pas suffisamment entraîné ^^ Le soleil est au rendez-vous mais on sait que cela ne va pas durer. Hier on a volé depuis le décollage de Vetriolo juste au-dessus de Levico et Damien a fait des tests pour transiter de l’autre côté de la vallée de la Valsugana, mais il faudrait énormément de plaf et aujourd’hui même Maurer le dit, il va plutôt falloir crapahuter jusqu’au Cornetto, la montagne qui donnera accès à la vallée de l’Adige. Chaque athlète est présenté, invité à signer le panneau du départ (le premier d’une longue série) et applaudi. Il y a les têtes d’affiche comme Maurer ou Van Kanel, les locaux dont Diego Basso qui a un fan-club surexcité (Luca Jezoo Gallinaro e il Monte Grappa en force !) et les habitués : je reconnais Fabio Zappa, Ivan Centa (le King of Feltre), David Lazzeri... Avec Solène, on commente chaque athlète, sans filtre. Rencontrée la veille, je sens qu’on va bien s’entendre toutes les deux. Bien sûr on se met à hurler comme des cheerleaders quand se présente notre chouchou : Damien Lacaze, et on fait preuve d’une solidarité toute franco-française quand c’est le tour d’Edouard Potel. Des woohouu girls en puissance. Tandis que le speaker s’égosille avec la BO de Pirates des Caraïbes en fond sonore, je sens poindre en moi une excitation difficilement descriptible. Passionnée de marche et vol depuis ma plus tendre enfance parapentistique, je n’en reviens toujours pas que Damien m’ait demandé d’être son assistante. La tension monte encore d’un cran lorsque les pilotes sont invités à s’aligner sur la ligne du départ, le speaker semble possédé : « this is not a race, this a war! you’re at war! you’re not athletes, you’re warriors and you gonna win that war! » . Le fou-rire n’est pas loin mais la chair de poule, elle, est bien au rendez-vous.

Ils sont partis ! Solène me propose de filer au camion, première galère : une voiture nous empêche de sortir de notre place de parking. Solène a le compas dans l’œil et je joue les radars à détection d’obstacle. Après bien des manœuvres, on sort de Levico et on se met en route pour rejoindre Damien et le reste de la course le long de la piste cyclable qui va les emmener sur le Monte Cornetto d’où ils décolleront. Solène conduit, j’allume le live-track. Nouveau frisson d’excitation. On y est. Pour de vrai. Punaise ! Je suis assistante du haut de mon mètre soixante-cinq. Ça me parait tout bonnement incroyable et pourtant c’est vrai. Damien m’a même préparé une fiche de poste : mon rôle est de surveiller le live-tracking, aiguiller le pilote dans ses décisions au sol et en vol, regarder les prévisions météo et décider de la meilleure stratégie au jour le jour ainsi que le choix de l’emplacement du campement le soir venu. Solène conduit et gère l’intendance : le camion, le campement, les courses, les repas, les bobos de l’athlète. Et on s’aide mutuellement. Nous arrivons à la hauteur de Dam’s qui court aux côtés d’Edouard Potel, je lui hurle des encouragements par la fenêtre de Solène qui perd quelques degrés d’audition par la même occasion. Note pour plus tard : ok pour hurler des « Allez là ! » mais seulement quand Damien est de mon côté de la route.

Pendant ces premières heures de course, tout me semble un peu irréel et heureusement que Solène est là, lucide, rapide et efficace. J’ai la chance d’être la locale de l’équipe : ayant vécu 4 ans à Trento, je parle couramment Italien, je connais bien le coin et les pilotes de la région. C’est d’ailleurs un plaisir de revoir tous mes copains de vol, toutes ces personnes que j’ai côtoyées sur les décos, dans les navettes, au bar de l’atterro... Marco Brugnolli, Daniel, Eric Galas, Lorenzo Faes, Andrea Tartarotti, Luca Bortolotti, i gemelli Fabio Marino e Lorenzo Marino… C’est vraiment cool de se sentir a casa. Je suis contente d’avoir déjà une semaine d’Italie dans les pattes, mon Italien est plus fluide, c’est bien pratique pour faire la conversation et recueillir des informations. Pour ma spondy, j’ai joué la prudence : j’ai retardé la date de mon injection d’anti TNFα pour la faire juste avant le départ et je me suis mise d’office sous anti-inflammatoires. Après la crise faite la veille des vacances, j’en ai refaite une la semaine passée, je ne peux vraiment pas me permettre ce genre de déconvenues sur la DSF2020. Je fais de la pensée positive pour que mes os et mon tube digestif me laissent tranquille sur cette compétition. Inch’Buddah !

Durant cette première partie de la course, je flotte dans une espère de rêve éveillé sous amphétamines. Tout me parait irréel. C’est tellement étrange de se retrouver là, à préparer des sandwichs, à guetter mon athlète après des années et des années à suivre des courses de marche et vol via le site internet des différents événements c’est simple j’ai l’impression de me retrouver dans une vidéo des frères Petiot. Avec Solène, nous surveillons notre Damien en particulier grâce à l’application Relief Maps et on se poste au beau milieu de la vallée en ouvrant grand nos yeux pour l’apercevoir en temps réel dans le ciel italien. Les premiers ont décollé (mais que fait Dam’s ?) et ont transité au-dessus de nous pour passer sur les faces Est qui mènent au Stivo, la montagne qui domine Arco, la première balise de cette aventure. Damien finit par décoller et forme avec d’autres pilotes le groupe des poursuivants. Tant mieux ils vont pouvoir voler ensemble et s’entraider à trouver les thermiques. Là encore impression surréaliste quand on regarde le livetrack d’un œil et Damien dans le thermique de l’autre. Entre les voiles blanches qui se ressemblent de loin, le décalage de 8 minutes du PC course et les effets de parallaxe, on se fait quelques sueurs froides. Damien use de son talent de compétiteur pour lancer l’attaque et il nous faut bientôt nous mettre en route pour Arco. Je prends conscience du tempo que l’évolution du pilote nous impose, quand il stagne pour trouver le thermique on patiente avec lui mais quand il file, on doit filer également ! Et pas qu’un peu. Solène est une espèce de Fangio réincarné en fille sexy, c’est parfait, on fait quand même un petit demi-tour de temps en temps, histoire de. Ou un tour de rond-point supplémentaire. Pour être sûres. Ce sont nos premières heures ensemble mais elles vont construire au fil des jours un binôme de choc que même Damien je crois n’en a pas idée ^^

Première balise d’Arco, notre chouchou a un souci avec son instrument de vol qui lui indique une finesse à la balise erronée. Il doit brûler un gaz monstrueux pour venir signer le premier panneau. C’est déjà rageant de devoir poser en ville alors que ça vole encore mais si en plus, on arrive perché, c’est encore plus exaspérant. De mon côté c’est un peu la merdouille côté instrumentation, vu que la plupart des Apps que Dam’s m’avait suggérée ne fonctionne pas forcément toutes sous iOS, j’ai récupéré un vieux Samsung d’une amie dont j’ai remplacé la batterie et j’ai installé les applications dédiées à la course dessus mais ça ne fonctionne pas si bien que ça (obsolescence programmée de merde) et bientôt mon IPhone refuse de partager sa connexion. Il va me falloir un autre téléphone. En attendant on se débrouille avec Solène. On met ReliefMap sur son téléphone, on utilise Zello et Plans sur le mien. Le live-track je le regarde soit sur mon tel soit sur le PC. On va s’en sortir ! Damien a signé, mange un bout et maintenant que faire ? Je suis dévorée par le doute. Lors de nos études cartographiques, le plus logique semblait de remonter à pied sous le Stivo (décollage de la Chiesetta voire plus haut dans les alpages) pour voler sur les Faces Ouest poussé par la brise du lac de Garde en direction du Nord. Seulement voilà theory vs. reality le ciel est en train de se couvrir, il y a pétole de brise et d’après les radars météo, on va bientôt se prendre un orage. Réfléchir. Vite-vite-vite. Les Suisses ont attaqué la montée vers le Stivo, bientôt suivis d’Edouard Potel. Les Italiens sont partis à pied vers le Nord-Ouest. Je conseille à Damien de se mettre en route tandis que je fais conciliabule avec mes amis pilotes du club delle Ali Azzurre Trentine quand l’un d’eux me conseille de m’entretenir avec un membre émérite du club et pilote surfant régulièrement sur les hauteurs du classement WPRS (une pointure quoi !). Ce dernier nous encourage à prendre l’option du Stivo avec les Suisses. Moi je regarde le ciel qui s’assombrit de minute en minute et ça ne me parait franchement pas une bonne idée. « Dis donc » je lui dis en le toisant « tu ne serais pas en train de me dire tout ça parce que t’es Italien et moi je suis Française par hasard ? » Il rit mais ne nie pas le bougre. Grrrr. Je m’isole et me demande : « toi Mathilde, tu ferais quoi ? » Prise de décision sous stress maximal. Ecran blanc. Visualisation. Moi, je ferais quoi ? Eh bien moi, j’irai à pied direction plein Nord avant que le ciel ne nous tombe sur la tête. J’informe Damien en radio qui acquiesce. Bon ben si on est tous les deux d’accord c’est déjà ça. Cap au Nord et à pattes ! D’autres pilotes en font de même et ça me réconforte encore un peu plus.

L’orage éclate, Damien ne se départit pas de son sourire, on l’encourage tout ce qu’on peut. C’est que marcher sous une pluie battante, le long d’une nationale en fond de vallée il n’y a que lors d’une course de marche (et vol) que tu vois ça. C’est l’apocalypse ! Damien avance, inébranlable avec sa cape de pluie et son sourire qui va illuminer notre semaine. Pendant ce temps, les Suisses bloqués par l’orage se figent sur le live-track... Bien contente d’avoir pris ma décision toute seule comme une grande (ou presque !). Damien fait une pause changement de fringues – massage sous les vignes par Solène, ostéo dans la vraie vie (ouais sérieux, une course de marche et vol, c’est hors du temps, c’est hors vraie vie. Ça ne s’explique pas). Il nous faut réfléchir vite. Option A/ Continuer tout droit vers la ville de Sarche pour envisager un décollage le lendemain sur les faces Est du Monte Gazza. Option B/ « enjamber » le Monte Casale pour se positionner de manière stratégique vers Stenico là où mon ami biplaceur Piero m’a dit qu’ils y avaient aménagé un décollage. Damien en a marre de faire du plat et l’option B permet de rentrer plus « dans le massif » ce sera donc option B. Les Suisses sont toujours bloqués sous le Stivo, les Italiens avancent à pied de leurs côtés et les pilotes ayant pris le Nord comme nous poursuivent vers Sarche. Le suspense est à son comble !!

On roule vers Stenico, Damien avale du déniv et j’appelle mon Piero pour avoir plus d’info sur les atterros potentiels. Pinaise on n’arrête pas une minute ! La pluie s’est arrêtée et on a bon espoir que Damien puisse décoller. Le ciel est cinématographique. Et nous voilà dans l’attente, pétries d’angoisse, parce qu’après avoir galéré sur un sentier de plus en plus escarpé, Damien se retrouve ensuite de l’autre côté pour décoller, sur une espèce de plateforme trop plate avec taquet de vent dans le mauvais sens. En effet de notre promontoire, on observe des nuages venant lécher le sommet du Casale. Bonne nouvelle : ils sont au-dessus et Damien aura donc toute visibilité pour s’envoler. Mauvaise nouvelle : ils indiquent un put*** de vent de cul de ouf que tu te dis que t’es bien dans une course de marche et vol. Damien va devoir se sortir les doigts et nous faire un déco « X-Alps » s’il veut redescendre en volant. Il est 19:30. La course est suspendue à 20h tous les soirs. Et nous, on est suspendues à la radio, on invoque les dieux du ciel et de la terre, on guette le potentiel décollage de Dam’s. On en oublierait de respirer. La radio grésille. Il s’est mis en l’air, on fait la danse de la joie, on exulte, il va réussir à planer jusqu’à nous. On lui indique où poser, on a repéré un campement potentiel au bord de vignes avec vue sur la vallée. Hahaha on est folles de joie de le voir poser. On est passées de l’angoisse à l’hilarité en quelques minutes. Mon Dieu mais ce tourbillon d’émotions !!

Premier campement : pendant que Damien prend sa douche, Solène gère le repas et j’installe les tentes : une pour l’athlète l’autre pour les assistantes. Fin de la première journée. On est dans le top 5, devant les Suisses (qui ont fini par faire une fléchette en direction du Nord). Truc de dingue. Difficile de trouver le sommeil après une telle journée mais il faut dormir ! Ce n’est que le début ! 
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Flyin Matmute
Invité
« Répondre #1 le: 08 Février 2021 - 13:05:17 »

DOLOMITI SUPERFLY DAY 2. Le jour où on était devant Maurer

Réveil. Moi qui ai été une marmotte dans une vie antérieure, me voilà sur le pied de guerre aux aurores. Eh oui sur ma fiche de poste il est également précisé que je dois préparer le sac de l’athlète, veiller au bon chargement des instruments et surtout réveiller Damien… Quand j’avais découvert ce dernier point sur le doc préparé par Dam’s, ça m’avait quand même bien fait rigoler moi, Miss « five minutes more » capable de repousser son réveil un nombre inavouable de fois ! Réveiller l’athlète ?! J’avais alors bien sûr imaginé différente techniques de réveil, ma préférée était de chanter « c’est l’ooor c’est l’ooor de se réveiller si seignoooor! Il est l’oooor ». En réalité, il suffit que je m’active cinq minutes sur le campement et quand je m’approche de la tente de Damien, il est lui aussi déjà au taquet. On regarde ensemble le « programme » du jour avec l’espoir d’arriver dans le Val dei Rabbi (B2) d’ici ce soir. La journée n’est pas annoncée exceptionnelle mais ça devrait quand même thermiquer avant une dégradation en fin d’après-midi. Pour le moment, un voile d’altitude empêche toute convection et le ciel peine à se débarrasser de l’humidité de la veille. Damien va attaquer sa journée avec un peu de déniv’ histoire de trouver un bon déco, on espère que pendant ce temps le ciel s’ouvrira. On tire le portrait de Damien avant son départ (« cheese ! ») et on vaque à nos occupations. Je me sens un peu bizarre et une visite au petit coin me confirme ma pire crainte : j’ai une semaine d’avance. Merde ! Solène arrive à voir le positif dans cet imprévu : heureusement que j’ai une fille comme binôme qui peut me dépanner d’un tampon et non un gros barbu pour qui « chute de l’endomètre » ne signifie absolument rien. On devait faire des petites courses aujourd’hui, elles sont désormais indispensables.

Alors qu’on déplie le campement, un autre véhicule de la course s’approche, il s’agit de la « team Potel » ! C’est marrant de rencontrer d’autres assistants, on compare nos camions, notre équipement… « Ouah vous, vous avez une tablette dédiée pour le live-track, la classe ! » mais eux n’ont pas la chance de démarrer leur véhicule avec un tournevis à cause d’un Neman cassé, hein Solène ? Trêve de bavardage, il faut se remettre en route. On descend dans une toute petite vallée où Dam’s risque de poser si ça ne s’allume pas. Damien nous a prévenu : il n’est pas du genre à patienter au déco que les conditions s’installent, il faut pourtant l’en convaincre pour éviter la fléchette matinale. Il temporise et se détend un peu lorsqu’il reçoit un message de Stéphane Garin lui indiquant qu’il se trouve sur un déco emprunté par Benoît Outters lors de la X-Alps. On se parle régulièrement en radio et je l’encourage-le supplie ?- d’attendre. La voix de la sagesse ? Il finit par décoller peu avant 10h et… ça porte ! On peut donc sortir de notre micro-vallée et filer vers Pinzolo au pied du Doss del Sabion où Damien devrait passer (pit-stop thermique) pour ensuite enquiller sur les montagnes à l’Ouest de Madonna di Campiglio (MdC). A peine le temps de faire nos emplettes, voilà que Damien nous dit qu’il a merdé au niveau du Doss et qu’il va devoir poser à MdC.

Saperlipopette ! Il nous faut vite le rejoindre afin de pouvoir le ravitailler en eau et en nourriture avant qu’il ne grimpe sur un déco au-dessus de MdC. On est tellement pressées, qu’on passe devant les magnifiques Dolomites du Brenta sans même les admirer. Merdouille ! Problème de géolocalisation de Damien, on tourne et retourne dans la station de ski sans mettre la main sur notre athlète. Les minutes passent et il attaque la montée à pieds. On finit par le relocaliser et je me mets à courir pour lui apporter à boire et à manger. Je donne tout ce que je peux pour le rejoindre. Je finis par l’apercevoir, 200m au-dessus de moi, « last push final » me dis-je en me focalisant sur son sac blanc. Peine perdue. Damien est catégorique : ça ne sert à rien, on perdrait du temps il faut qu’il redécolle au plus vite. « J’ai les boules Roger j’ai les boules ! » Je redescends, j’ai du plomb dans le bas-ventre et un goût de fer dans la bouche. Je regarde désabusée mes sandwichs et ma bouteille d’eau... On a merdé ! Heureusement, les émotions se suivent et ne se ressemblent pas : Damien fait un super vol jusque Val dei Rabbi et maintient un excellent classement, devant les Suisses ! Le soir venu, il nous dira qu’il a eu « de la réussite » mais non, il est juste trop fort ! Quelle joie de le voir poser aux côtés du jeune Christoph (qui nous fait une galipette du plus bel effet). On est super fières de notre athlète : l’objectif de rejoindre B2 avant 20h a été atteint haut la main ! Solène s’occupe de Damien pendant que je lui plie sa voile. Il est content d’être là mais a souffert du froid, de la faim et de la soif. On le cajole tant qu’on peut puis on regarde la suite : monter, redécoller. Pendant ce temps-là, les Suisses arrivent. Arf ! Cela dit, ça veut dire qu’ils vont pouvoir tous monter et voler ensemble, la force du groupe sera au rendez-vous. Malheureusement, une fois décollé, Dam’s rate le wagon Maurer qui s’extrait sans difficulté et laisse en plan le reste de la troupe. Note pour Damien : travailler les petites conditions.

Posé au lac artificiel de Zoccolo, Damien remonte vers un déco potentiel dans le but de faire un dernier vol pour sortir de cette vallée secondaire et rejoindre la vallée principale de Merano. Obnubilés par le duo Patrick Van Kanel+Chrigel Maurer, on zappe l’option de Christoph pourtant tout aussi rentable voire mieux. Avec Solène, on commet notre deuxième erreur de la journée. En effet, Damien nous a donné rendez-vous au village de Riem, au début du sentier qu’il empruntera ensuite seul pour trouver son déco. Pensant avoir un peu de temps, on pose notre camion devant un bar restaurant et tandis que Solène passe un coup de fil, j’utilise leurs commodités et je tente de me poser un instant. J’ai un énorme coup de barre, il va pourtant falloir tenir, heureusement j’ai des médocs pour les maux de ventre. Lorsqu’on se met en route pour rejoindre Damien, on déchante super vite, non seulement sa position en temps réel bugue un max mais en plus « Plans » ne fait pas de distinguo entre les routes goudronnées et les pistes forestières et ce que l’on pensait être une formalité se transforme en calvaire. On est complètement perdues. On finit par s’arrêter devant un hôtel archi paumé et tandis que Solène essaye de localiser Damien avec le live-track, j’interroge les aubergistes qui m’ont l’air tout aussi perdus que nous. Put*** de Bordel de M***. Solène me crie de revenir à la voiture, c’est bon on va remettre la main sur notre chouchou. Mais le ciel se couvre de plus en plus… Quand on rejoint Damien, il n’est pas ravi et je ne peux que le comprendre. Alors qu’on réfléchit à la suite (tempête en approche), un local pas très aimable parlant à peine l’Italien (dans ce coin de l’Italie, les gens parlent majoritairement Allemand) ne tarde pas à se garer à nos côtés pour nous dire qu’on s’apprête à emprunter une route forestière privée. Ni le camion, ni Damien à pieds n’ont le droit d’être là… L’orage éclate et nous voilà fort déconfits. Pour nous sonne le glas de la journée alors qu’il n’est pas encore 20h.

Une fois le campement installé avec une grande tente de vie nous mettant à l’abri de la pluie, on fait le point sur ce qui a marché / ce qui a moins bien marché. On apprend clairement sur le tas et en réfléchissant ainsi aux erreurs du jour, on met tout en œuvre pour que cela ne se reproduise plus. Au moment de se glisser sous la tente, je jette un dernier regard vers le ciel. Encadrée par une rangée de conifères dont la hauteur donne le vertige, la voûte céleste offre un nombre d’étoiles visibles spectaculaire. C’est ça aussi le marche-et-vol : dégoter des endroits improbables pour y passer la nuit et prendre enfin le temps d’admirer la Nature dans toute sa splendeur. Demain, les prévisions annoncent une journée fumante, avec néanmoins un vent météo Sud/Sud-Ouest. Je tâche de m’endormir avec la satisfaction d’avoir vu poser the Eagle après Damien et ça, ça n’a pas de prix. 
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Flyin Matmute
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« Répondre #2 le: 08 Février 2021 - 13:06:30 »

DOLOMITI SUPERFLY DAY 3. Le jour où Damien a survolé les Dolos

Les prévisions météo nous annonçaient une journée fumante et les premières barbulles aperçues dès 8h du matin nous mettent du baume au cœur. Dans l’équipe l’ambiance est bonne. Damien s’est rendu à l’évidence : Solène et moi sommes complétement dingues et on s’entend bien, pas de souci. Faut dire que les loooonnnngues heures de bagnole permettent aussi de parler de tout et de rien et donc de se trouver des atomes crochus, c’est même plutôt drôle de se lancer dans une discussion sur, par exemple, le féminisme et de s’interrompre d’un coup d’un seul quand Dam’s nous parle à la radio. Je fais d’ailleurs bien rigoler Solène parce qu’à chaque fois que Damien dit quelque chose, je le réécoute une nouvelle fois pour être sûre. Au bout d’un moment Zello double d’office le message tellement je suis accroc à son accent du Sud-Ouest😂

Avec les journées qui s’enchaînent, il faut bien l’avouer c’est devenu notre héros absolu et on ferait tout pour lui ou presque. Sa force de caractère et sa capacité à enchaîner les dénivelés sont impressionnantes. Mais parfois son manque de confiance en lui en est d’autant plus criant. Le nombre de fois où Solène lui rappelle à la radio « t'es un pilote de coupe du monde ! » ou quand on lui hurle en cœur « Allez Damien t’es une machine ! », bonjour le fan-club ^^ Le voilà qui monte vers un premier déco pour nous faire un très beau glide en direction de Merano. Avec ma super coéquipière, on est mieux rodées et on a désormais la ferme intention de ne plus jamais rater un rendez-vous avec notre athlète. Alors quand Solène me supplie de s’arrêter acheter quelques produits frais au marché de Merano, j’accepte en lui indiquant qu’elle a 12 minutes et pas une de plus. Elle sera de retour au camion en huit minutes avec des pêches juteuses et du gorgonzola qui égayera les sandwichs de Damien (qui tournaient pas mal autour du combo jambon-comté-tomates). Trop forte ! De son côté, Damien plane vachement bien et nous fait un poser digne d’une X-Alps dans un minuscule pré en contre-pente à Castel Tirolo (au-dessus de Merano).  Le soleil brille et on est content. Le voilà qui réattaque une montée vers le décollage de Muthöfe (repéré au préalable en étudiant Xcontest) puis encore plus haut. Quand il décolle les conditions sont bel et bien installées et son objectif est d’arriver en vol jusque B3 : Vipiteno (avec Edouard Potel à ses trousses !).

Nous sommes dans le Tyrol et ça se voit : le style des chalets, les pentes herbeuses, les noms systématiquement écrits en deux langues (Allemand et Italien). Solène et moi sommes arrivées bien en avance, histoire de repérer l’emplacement exact du panneau à signer en plein centre-ville et l’atterro le plus proche. Solène part en exploration pendant que je surveille sans relâche le live-track des Suisses pour comprendre de quelle montagne ils vont redécoller après avoir fait la balise. Ce retour en ville nous rappelle l’existence de la réalité du monde extérieur à savoir le Covid19. Ici le port du masque est obligatoire et on se rend compte comme, durant cette Dolomiti, on oublie tout le reste. Je réalise à quel point les sueurs froides qu’on a en suivant une course de marche-et-vol depuis son PC à la maison, c’est du pipi de chat comparé aux émotions que l’on ressent en vrai. Ici on voit le ciel, les conditions météos, quand on aperçoit notre athlète, on crie. On passe de la joie à l’angoisse en quelques minutes. C’est ultra palpitant et en même temps, la Terre continue de tourner mais rien de l’extérieur ne te touche. Tu ne te soucies que de ton athlète !

Et le voilà qui s’approche en vol et nous donne ses instructions : il va lui falloir manger, boire mais également s’habiller plus chaudement pour attaquer le gros vol de cet après-midi. Après m’avoir préparé toute la bouffe sur la petite table du camion, Solène me laisse gérer le sac de rechange et va se positionner pour attendre Damien à l’atterro pour ensuite le guider jusqu’au panneau. Coup d’œil sur le live-tracking : les Suisses montent au Sommo, une montagne à laquelle on n’avait pas pensé lors de nos études carto. Intéressant ! Il faut que je parvienne à voir d’où ils vont décoller, tout en préparant le sac d’affaires. Damien m’a demandé un T-shirt à manches longues que je ne trouve pas, je déplie un par un ses vêtements, le temps presse, je finis par trouver un haut effectivement à manches longues mais bien plus épais qu’un simple T-shirt. Je ne sais pas quelles chaussures il va vouloir mettre donc j’en prends plusieurs paires. Coup d’œil au live-track les Suisses n’ont pas encore décollé. Je remplis mon sac à dos avec toutes les affaires et me dirige vers le panneau. Punaise heureusement que Solène va y amener Damien parce qu’on le voit à peine au milieu de toute cette foule de touristes qui viennent flâner. On est à deux pas d’un marché, il y a un monde de dingue. Arrivée à la balise, j’installe la chaise pliante de l’athlète, ses chaussures, ses fringues, je sors la bouffe, les boissons. Coup d’œil au live-track : les Suisses n’ont pas encore décollé et poursuivent leur montée. Je suis alors prise d’assaut par les organisateurs qui me demandent comment va Damien, comment se passe la course pour nous, etc. Comme je parle Italien, ils décident alors de m’interviewer et de me filmer et me font répéter les mêmes choses. C’est sympathique de discuter avec eux mais moi j’ai hâte de retrouver mon athlète. Et voilà que Damien arrive accompagné de Solène. Je m’affaire autour de lui quand je réalise que j’ai oublié de prendre les fruits préparés soigneusement par Solène. Je suis restée focalisée sur les sandwichs. Première boulette. Quand Damien voit le haut à manches longues que je lui ai apporté, il me dit que ce n’est pas ça qu’il voulait et que oui, il est sûr d’en avoir emmené un de T-shirt à manches longues. Deuxième boulette. Alors lorsqu’il me demande d’où les Suisses ont décollé, je regarde le live-tracking et constate avec horreur que Patrick et Christian sont dans les airs et j’ai raté leur déco. Troisième boulette… Heureusement, ils sont tout un groupe à décoller de là et vu le premier thermique enroulé, on parvient à deviner d’où ils sont partis. Je me sens la pire des assistantes quand Damien repart à l’attaque de ce Sommo.

Tandis que je m’explique avec Solène, je décide de retourner la caisse de fringues de Damien et prend ma coéquipière à témoin : il n’y a pas de T-shirt à manches longues ! Donc en résumé, oui c’est vrai Damien n’aura pas eu de fruits lors de ce ravito mais il aura eu des sandwichs au gorgonzola et au pesto rosso. Et oui, quand on s’affaire à autre chose, on ne peut pas TOUJOURS être collé au live-track. Ce soir, je demanderai à Damien de me montrer son T-shirt à manches longues pour la peine  ^^ S’en suit une journée de vol incroyable pour Dam’s qui fait cavalier seul sur un terrain totalement inconnu, tandis que le groupe de tête s’entraide clairement pour trouver son chemin à travers ces Dolomites qui ont donné leur nom à la course. Pris en tenaille entre les premiers et le groupe de poursuivants, Damien avance solide dans la solitude et il se débrouille comme un chef ! Je suis tellement fière de lui, je l’aide tant que je peux en lui indiquant parfois par où passer mais clairement c’est lui qui est en l’air, qui prend ses décisions… C’est un champion ! Je finis quand même par ne pas oser lâcher ni le live-tracking ni la radio en allant faire une pause technique et me retrouve à expliquer un truc à Damien dans cette situation. Si ça c’est pas du dévouement d’assistante ! Et je ne vous parlerai pas de tous ses T-shirts trempés de sueur et autres chaussettes sales récupérés quasi-amoureusement à chaque changement de vêtements. Du dévouement je vous dis !!

Damien fait le vol de sa vie ou presque ^^ et pendant ce temps-là, Solène et moi-même en prenons plein les mirettes mais… vu du sol. Solène multiplie les pauses pour prendre des photos, c’est la première fois qu’elle découvre les Dolos et son enthousiasme fait plaisir à voir. Moi je suis convaincue depuis que je les connais que ce sont les plus belles montagnes du monde et je savoure la beauté des paysages qui font remonter pas mal de souvenirs de grimpe et de vol autour de ces parois mythiques… Et voilà que notre Damien arrive dans le Val Di Fassa, il est heu-reux ! Nous par contre, on se retrouve dans les embouteillages de Canazei, nettement moins poétiques ! Et on râle ! Mais c’est quoi ce job ingrat ? Pourquoi on est tout le temps stressées comme ça ? Pourquoi on essore ses chaussettes dégueulasses sans broncher ? Et pourquoi on traverse les Dolos sans même en profiter ? Alors qu’on est à deux doigts de fonder le SAC, le Syndicat des Assistantes en Colère, Damien nous parle à la radio et toutes nos revendications tombent à l’eau. On entend sa voix et on fond. Eh oui, nous sommes à fond derrière lui, qu’on le veuille ou non ^^ « Allez Damien t’es une machine ! » on se remobilise ni une ni deux pour notre champion. 

Il faut en effet penser à la suite : au Sud de la Marmolada la couverture nuageuse se fait de plus en plus épaisse et l’activité thermique faiblit. Les prévis météo annoncent une autre bonne journée de vol pour le lendemain et j’aiguille Damien pour rejoindre une crête orientée Sud-Est. Demain, cette dernière devrait se révéler une véritable autoroute du ciel vers Feltre, la balise suivante, tandis que les deux Italiens que l’on talonne (Tobias et Giovanni) choisissent une trajectoire plus à l’Ouest avec un posé dans une vallée orientée Nord-Sud qui leur permettra de progresser à pieds de manière plus directe. Du côté de Damien, les choses se sont compliquées avec l’extinction des thermiques et le voilà qui manque un passage de col pour 30 mètres. C’est rageant mais l’ampleur et la beauté du vol du jour l’emporte. Il pose à Agordo où l’attendent ses assistantes surexcitées. Une épopée de ouf dans des montagnes de ouf !
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Flyin Matmute
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« Répondre #3 le: 08 Février 2021 - 13:07:16 »

DOLOMITI SUPERFLY DAY 4. Le jour où on n’est pas arrivés à Levico…

Il est 4h40, je me suis réveillée sans alarme. Hier j’ai de nouveau eu un énorme coup de barre vers 15h mais alors par contre le matin, je suis une pile. Eveillée mais ne voulant pas déranger Solène, je fixe le plafond de la tente « 2 secondes » et révise nos options. Le campement est idéalement placé pour que Damien passe ce fichu col à pieds puis soit en mesure de glider, pour ensuite bien se positionner et rejoindre B4 en volant. Feltre est largement prenable aujourd’hui et Levico (le goal) nous semble faisable aussi. Tiraillée par ma vessie, je finis par me lever. En fait il est vraiment super tôt, je vais me doucher puis m’affairer sur le campement comme ça je ne re-rentre pas dans la tente pour laisser tranquille ma coéquipière (qui m'avouera qu'elle a attendu mon retour en vain ^^). La douche est rafraîchissante (sic) mais je suis inquiète : la texture duveteuse grisouille du ciel ne me plaît guère. Dans ces premières lueurs du jour, mes interrogations existentielles sur la prévisibilité des prévisions thermiques me rongent. Hier était-elle bonne cette prévisibilité ? Parce les prévis annonçaient une journée ensoleillée, thermique avec beaucoup d’Ouest… En réalité, on ne le sait pas encore mais on s’apprête à vivre une journée grisouille, complètement bâchée et sans vent. J’installe le petit déjeuner. Damien aussi s’est réveillé sans difficulté et une fois à table, nous re-regardons la météo. Aïe ! C’est vachement moins bien que ce qui était prévu. Je pense à nos deux concurrents directs, les Italiens Tobias et Gallizia qui hier ont choisi la large vallée d’à côté… Merdouille ! Notre position précédemment considérée comme idéale va devenir un poids énorme : point de survol de crêtes en ligne droite vers Feltre, mais un difficile enchaînement de déniv-fléchettes pour progresser sur le parcours…

Mais pour l’heure, l’ambiance est à la bonne humeur, Solène met de la musique (Makeba ! de Jain) et Damien est plus détendu avec nous, il nous parle plus, c’est cool. On grandit vraiment en tant qu’équipe, c’est une belle aventure humaine aussi ce système d’athlète/assistants. Quand on démonte le camp, je me demande vraiment si c’est la dernière fois ou non. Je profite du dégonflage des matelas pour faire mes étirements. La spondy est endormie, je suis bénie.

Après une bonne bambée matinale, Dam’s effectue, non sans avoir hésité à attendre une impossible disparition de la couverture nuageuse, une première fléchette pour avancer vers le Sud-Ouest depuis le Monte Agner. Il enchaîne avec une deuxième montée au cours de laquelle il nous envoie une vidéo bien sympathique où il annone : « Vous êtes fatigués ? On n’est pas fatigués ! ». Nous on continue de l’encourager à la radio. Je parle clairement trop. On l’a d’ailleurs noté dans les points à améliorer. Je ne le savais pas (je ne parle pas trop en cross il me semble) mais là clairement, par moment, je parle trop. En plus ça a tendance à s’accentuer avec le stress et la fatigue, un comble ! Point positif : Solène m’a dit que j’avais une voix radiophonique, qui passerait bien pour une émission de radio justement. Mais est-ce vraiment utile dans le rôle d’assistante ? Pas sûre ^^ Cela dit, vaut mieux avoir une voix agréable et intelligible parce qu’on en a des choses à lui dire à notre athlète ! Entre l’évolution de la météo, la position des autres pilotes et la prochaine montagne qu’il doit viser. Damien ressent dans ma voix comme elle change quand je suis tendue (faut dire que mon cerveau fait des exercices de représentation en 3D épuisants : « alors atta atta’ faut que je visualise comment t’es positionné, que je me rappelle de ma droite et de ma gauche, c’est laquelle la main avec laquelle j’écris déjà ? Et vu que le Nord c’est là, alors cette face est orientée sud-est… ou bien sud-ouest ? » et tout ça depuis le siège du camion…) Mais je pense que Damien perçoit aussi comme ma voix se fait chaleureuse et vibrante quand je suis fière de lui et que je veux qu’il se dépasse, je crois d’ailleurs qu’hier on a battu le record absolu de "Damien t’es une machine"!

Le voilà en position sur le Piz di Sagron pour faire un long glide vers Feltre la dernière balise avant le goal ! Solène et moi-même l’y attendons de pieds fermes. De nouveau mon binôme de choc se positionne de manière à pouvoir accueillir Damien à l’atterro (un ancien lit de rivière en plein centre-ville !) et le guider jusqu’au panneau où je les attends avec le ravito (sans rien oublier cette fois !). A chaque fois que Damien s’assoit sur la chaise pliante que je lui ai apportée, je pense à Roland Garros et ça me fait marrer. La journée semble se dégager un poil et on garde l’espoir que le troisième vol de la journée soit un vol thermique nous permettant d’avancer le plus possible vers Levico. On prend alors la décision de négliger le décollage officiel se trouvant sur le Monte Avena pour monter bien plus haut derrière et maximiser nos chances de trouver une masse d’air active pour progresser vers l’Ouest.

Il va falloir que Damien soit fort, parce que ça commence à faire sacrément de dénivelé dans la même journée. Avec Solène, on se relaie pour marcher/courir à ses côtés. L’une conduit le camion et klaxonne régulièrement en hurlant des encouragements, pendant que l’autre fait soutien psychologique et rythme la montée de Damien. On fonctionne comme cela jusqu’à un col où la route, et donc le camion, s’arrête. Damien finira son ascension seul. On le salue comme deux mères à la rentrée du petit dernier, c’est qu’on s’est attachée à lui le bougre ! Dam’s décolle donc de la Croce d’Aune pour un 3ème vol qu’on aurait souhaité thermique mais il faut se rendre à l’évidence, ça ne porte pas. Il nous le dit en radio, je l’encourage à ne rien négliger et lui délivre la formule d’Honorin : « à 20 m/sol, t’es encore en vol ! » - « oui je sais bien Mathilde mais là je tombe du ciel… » Je suis déconfite. Pour la première fois depuis le début de cette compète, je sens une espèce de rage intérieure, j’ai envie de hurler. Je hais la météo. Je maudis les Italiens, les Suisses et l’Europe toute entière. J’enrage : « put*** de bor*** de me*** de sa mère la p*** ». Je préviens Solène : je vais répéter ça plusieurs fois d’affilée et ensuite je serai calmée. C’est ce que je fais. Méthodiquement. Froidement. En fixant le tableau de bord « put*** de bor*** de me*** de sa mère la p*** ». Allez je me calme. C’est tout bon. C'est passé. On retrouve Damien non loin de Lamon. J’ai ravalé ma déconfiture et on se montre ultra encourageantes et positives (on ne doit surtout pas donner l’impression à notre athlète que c’est une journée de merde même si c’en est une !) mais il est juste épatant. Il commence à légèrement souffrir des gambettes mais ne se départit pas de son sourire pour attaquer une ultime montée. C’est une machine !!! Ce mec est incroyable. Quatrième fléchette depuis le monte Coppolo, posé à Pieve Tesino. Yiha!

Notre chouchou a enquillé plus de 4300 mètres de dénivelé sur cette seule journée. Levico n’est plus très loin mais on l’atteindra seulement demain. On s’installe confortablement pour notre dernier campement. Comme tous les soirs, Solène nous régale de ses bons petits plats improvisés. « Quando gli affari vanno male, il corpo non deve soffrire »* !

* Quand les affaires vont mal, le corps ne doit pas souffrir, un proverbe trentin pour justifier de se consoler dans la nourriture (ou dans l’alcool !)
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Flyin Matmute
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« Répondre #4 le: 08 Février 2021 - 13:08:39 »

DOLOMITI SUPERFLY DAY 5. Le jour où on a pu hurler GOAAAAAL

Réveil sur ce qui sera notre dernière journée de course. Hier est arrivé au goal le trio Suisse (Van Kanel, Maurer et Inniger) suivi du super sympathique Michal le Polonais. Les deux Italiens qui nous précèdent sont parvenus à garder leur avance sur nous et termineront donc ce matin à la cinquième place ex-aequo. A moins d’un ultime retournement de situation rocambolesque, nous finirons en septième position et nous sommes heureux ainsi.

Pendant un temps, j’ai cru qu’on pourrait reprendre les Italiens. Mais la météo en a décidé autrement et c’est aussi bien comme ça. Les principaux objectifs de Damien sur cette course étaient : de se tester sur une durée aussi longue, de boucler et de ne pas se faire mal. Objectifs atteints. Être dans le Top5 aurait été un bonus fort apprécié mais un bonus quand même. Aujourd'hui les prévis nous annoncent une journée thermique avec peu de vent mais ça ne sera pas utile pour nous puisqu’en un glide on devrait arriver pas loin de Levico et finir à pied.

Ce matin-là, tout a une saveur particulière. Dernier jour, dernière fois que je prépare le sac de l’athlète, que je démonte les tentes 2secondes, etc. Quand Damien se met en route et nous fais un signe de la main, mon cœur se serre un peu. Ca y est c’est la fin. On lève le camp et on attend dans la vallée de la Valsugana pour voir notre top-pilote nous passer au-dessus de la tête. Damien est monté à pieds au-dessus de la petite butte sous laquelle il avait posé hier (Monte Silana) et décolle de la cima Ravetta. La journée est bonne et il flotte super bien, il nous invite à l’attendre à Levico. Il parviendra à passer le cylindre d’arrivée en vol. Bingo ! Il arrive ensuite à l’ultime panneau, sonne la cloche qui annonce la fin de cette épopée. On est tous les trois fatigués mais tellement heureux. Le temps de changer de T-shirt ("tu crois qu’il préfèrera le bleu ou le gris ?"), il nous embrasse. Assistantes de choc pour athlète ad hoc.

—————

Epilogue
c’était trop d’la boulette ! On a mangé des pizzas pour fêter ça et puis après on est allés au lac de Levico, et c’était bon de juste se baigner et de s’endormir sur sa serviette. Mais j’étais profondément en décalage avec la réalité. Ça a été un gros dur quand la course s’est arrêtée. Toute cette intensité, ce rush non-stop, ces moments de stress et d’hilarité. C’est un peu l’encéphalogramme plat après tout ça ^^
Avec Solène on était pratiquement H24 collées l’une à l’autre tandis que Damien était très souvent tout seul, même par rapport aux autres concurrents, il a vraiment fait sa course en solitaire à part peut-être deux heures de vol avec Christoph ^^ je me demande bien ce qu’il se disait là-haut dans ses montées dré-dans l’pentu et ses vols all alone. On vibre avec lui mais on ne vit pas pour autant ce qu’il vit. On ne le vit pas non plus par procuration. On est bien trop occupées à gérer des tas de choses, en commençant par nos propres émotions ! On est à ses côtés par la pensée mais pas dans sa tête ni dans ses baskets. On n’aura vu aucun de ses décos par exemple. C’est très étrange cette proximité et en même temps ce non-accès à ce que lui seul aura vu, vécu, attendu… Ça donne quand même un peu envie de tester soi-même pour voir. À suivre ! 
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Petit Toro
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« Répondre #5 le: 08 Février 2021 - 19:07:30 »

J'ai fait un copier/coller de tout ça et je vais le lire au calme sur du papier.
Merci .

 trinquer
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Lassalle
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« Répondre #6 le: 08 Février 2021 - 19:20:55 »

J'ai fait un copier/coller de tout ça et je vais le lire au calme sur du papier.

Tu vas découvrir les talents de rédactrice de Mathilde !  très heureux

Et elle va être l’une des assistantes de Damien pour la prochaine X-Alps.
On espère des retours de sa part.

Marc
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Petit Toro
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« Répondre #7 le: 09 Février 2021 - 07:42:26 »

Après lecture, l'expérience vécue ne peut que servir de rodage pour la X-Alps.

Bonne chance et bonne perfo pour celle-ci.
Même si Maurer est presque inaccesible.
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« Répondre #8 le: 09 Février 2021 - 08:53:42 »

 pouce Merci pour ce top partage!
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« Répondre #9 le: 09 Février 2021 - 13:30:01 »

Vraiment prenant, merci d'avoir pris le temps d'écrire ces lignes !
J'ai hâte d'avoir ton retour sur la xalps du coup.
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« Répondre #10 le: 09 Février 2021 - 13:55:31 »

Toujours aussi sympa tes récits Mathilde

Et c'est rare qu'on ait un récit tourné vers l'assistant (c'est la première fois que je vois ça), ça permet de voir un peu la face cachée de ces courses ! Ca ne doit pas être toujours évident de suivre le gars en l'air depuis la route, à votre place je me serai paumé BEAUCOUP plus souvent je pense très heureux

Il me semblent que sur la Xalps les assistants peuvent voler devant leur athlète pour tester la masse d'air non ? Ce n'est pas le cas sur la Dolomiti Superfly ?
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« Répondre #11 le: 09 Février 2021 - 14:50:35 »

Toujours aussi sympa tes récits Mathilde

Et c'est rare qu'on ait un récit tourné vers l'assistant (c'est la première fois que je vois ça), ça permet de voir un peu la face cachée de ces courses ! Ca ne doit pas être toujours évident de suivre le gars en l'air depuis la route, à votre place je me serai paumé BEAUCOUP plus souvent je pense très heureux

Il me semblent que sur la Xalps les assistants peuvent voler devant leur athlète pour tester la masse d'air non ? Ce n'est pas le cas sur la Dolomiti Superfly ?

Je croyais que justement ils pouvaient voler, mais pas devant.
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« Répondre #12 le: 09 Février 2021 - 14:51:02 »

Comme d'habitude Mathilde excellent récit!!
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Flyin Matmute
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« Répondre #13 le: 09 Février 2021 - 22:20:33 »

Merci pour vos retours : )

oui pendant très longtemps, l'assistant volait avec le pilote, pouvait décoller avant pour tâter la masse d'air, faire le fusible etc. Ce n'est plus possible depuis la X-Alps 2019. C'était du coup la même chose pour cette Dolomiti Superfly, pas de vol ensemble possible. Pour la X-Alps, nous serons trois assistants pour Damien : comme pour la DSF Solène (conduite, bouffe, bobos), moi-même (stratégie, matos, support). Et en plus, on aura Stéphane Garin qui, lui, accompagnera Damien dans les montées (portera le matos supplémentaire), il pourra décoller à sa suite, mais ils ne doivent jamais se retrouver dans le même thermique. Antoine Girard et son assistant avaient été dénoncés par Kinga en 2019 donc ça ne rigolera pas.
Stéphane a fait beaucoup de compétitions de marche et vol et il a été assistant de Benoit Outters sur les X-Alps 2017 et 2019. Son expérience va être un super atout pour nous.

Allez je fais un peu de pub : )
n'hésitez pas à nous suivre sur FB: https://www.facebook.com/damienlacazeparapente
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« Répondre #14 le: 09 Février 2021 - 23:27:11 »

Et en plus, on aura Stéphane Garin qui, lui, accompagnera Damien dans les montées (portera le matos supplémentaire), il pourra décoller à sa suite, mais ils ne doivent jamais se retrouver dans le même thermique.

Tu vas certainement te régaler à vivre cette épreuve fantastique de l'intérieur !  pouce

Que veut dire "le matos supplémentaire" ?
A part le matériel situé dans le fourgon d'assistance, qui ne doit pas bouger bien sûr quand le concurrent s'y trouve, je croyais que celui-ci devait toujours tout porter sur lui, sans assistance extérieure pour le portage alors...  hein ?

Marc
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« Répondre #15 le: 10 Février 2021 - 08:31:01 »

Et en plus, on aura Stéphane Garin qui, lui, accompagnera Damien dans les montées (portera le matos supplémentaire), il pourra décoller à sa suite, mais ils ne doivent jamais se retrouver dans le même thermique.

Tu vas certainement te régaler à vivre cette épreuve fantastique de l'intérieur !  pouce

Que veut dire "le matos supplémentaire" ?
A part le matériel situé dans le fourgon d'assistance, qui ne doit pas bouger bien sûr quand le concurrent s'y trouve, je croyais que celui-ci devait toujours tout porter sur lui, sans assistance extérieure pour le portage alors...  hein ?

Marc

La flotte, la bouffe, les vêtements de rechange,...

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Flyin Matmute
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« Répondre #16 le: 10 Février 2021 - 09:18:14 »

oui l'athlète doit porter un certain nombre de choses obligatoires :
casque sellette voile secours fumigène tracker...
mais le reste : l'eau, les fringues, la bouffe... il n'est pas "obligé" de les porter, c'est là qu'on a besoin d'un solide gaillard qui a la caisse pour le suivre partout Clin d'oeil
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