(...) encore un film où ils ne cassent pas de bagnoles et ne buttent pas de communistes, aucun intérêt!
On butte les patates, les poireaux, les endives, pour le reste je laisse aux lecteurs le soin de rigoler.
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Dans mon enseignement - en dehors des TP très chiadés et structurés, je ne manquais jamais de faire un historique de telle ou telle découverte, la replaçant dans son contexte et dans son époque, et je demandais aux jeunes de faire une petite recherche bibliographique pour en savoir davantage sur tel ou tel savant du passé. La carotte, c'était 1pt de plus sur leur total du trimestre.
Cela marchait très bien.
Au passage, je touchais à l'Histoire, à la géographie, aux langues, à la musique, à l'architecture, à la philosophie et bien entendu aux pesanteurs des civilisations obscurantistes scotchées dans des mythes archaïques.
Cela passait très bien, sauf parfois avec quelques élèves musulmans un peu primaires qui n'avaient encore rien compris à l'islam, entre autres. Leurs protestations étaient prévues et j'enchaînais sur le principe de laïcité de l'école de la République, principe intangible qui permet à tous de vivre ensemble avec leurs différences, ce qui constitue un atout quand elles s'accompagnent de tolérance.
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Je mettais parfois en scène des interprétations de phénomènes aussi difficiles à cerner que la température, la pression, l'agitation moléculaire, les jeunes étaient ravis de gigoter un peu, cela durait à tout casser 2 ou 3 minutes, je ne leur laissais pas le temps de se disperser inutilement. Je fis ça une fois devant un inspecteur, il en fut sur le cul et me félicita.
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Mes manips étaient chiadées, disais-je. Nous avions une cloche à vide pour montrer ce qu'est la pression et sous la cloche certains collègues mettaient un gant de ménage ou un ballon. Moi j'avais une autre idée pour frapper les mémoires :
- Ce gant est trop rigide, ce ballon encore pire, il faudrait un ballon en latex très fin.
- Une capote !
- Excellente idée mon garçon, vous en demanderez une à un frère ou une soeur, ou un copain, c'est un produit de consommation courante.
A la séance suivante, le jeune apportait la capote et je la lui faisais manipuler comme il faut, certains rigolaient. Une fois très légèrement gonflée, il la mettait sous la cloche et il pompait. L'effet était évidemment saisissant et c'était un bon moment de rigolade, puis j'exploitais les effets observés pour faire passer la notion de pression. Un cours ordinaire n'aurait pas laissé autant de traces qu'avec une manip aussi hors-normes.
J'étais comme ça.
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J'avais aussi mis au point une astuce pour couillonner les tricheurs, d'une part pour garder l'estime de mes élèves, d'autre part pour moraliser un peu des comportements délétères. Je leur disais que l'oeil baladeur et la pupille touristique sont des défauts très humains mais que cela se paye.
Jamais un élève n'a pu tricher sans se faire avoir, et la sanction était rude : avec deux copies identiques, chacun avait la moitié de la note. Avec 3 copies, chacun un tiers. Une fois, en 1983, une copie passa de mains en mains et ils furent 18 à se partager la moitié de la note, l'auteur du devoir (de la classe parallèle) ayant eu l'autre moitié. Je leur avais tracé le chemin de la copie d'origine, cela leur avait troué le cul à ces gamins, je m'étais fait 18 copains ce jour-là mais ils n'ont jamais recommencé... du moins avec moi. Quelque chose me dit que l'incident resta dans leurs mémoires.
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Une autre fois, je fus emmerdée par l'adjointe du chef d'établissement qui exigeait de me faire accepter dans ma classe "aménagée" d'élèves très faibles un gamin ingérable d'une autre classe d'un niveau inférieur. C'était illégal et je refusai. Elle insista lourdement avec autorité et je l'envoyai sur les roses :
- Je vous ai dit NON, c'est NON ; votre requête est illégale et jamais on ne me fera commettre une telle faute professionnelle.
- Mais vos collègues sont d'accord.
- Cela les regarde, moi j'ai dit non. Maintenant quittez les lieux, cessez de m'emmerder et laissez-nous travailler.
Cela se termina au rectorat et ma fermeté fut appréciée. Si j'avais cédé, étant depuis longtemps en conflit avec ma direction, j'aurais pu m'attendre à un coup de Jarnac.
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J'insiste donc : pour enseigner et former des jeunes, futurs citoyens avertis et responsables, il faut être rebelle et leur montrer l'exemple. Il y a bien assez de gens peu intéressants qui prêchent la soumission et qui en font des paillassons, que ce soit à l'école, à la télé ou dans leur environnement. Un prof rebelle sera toujours une référence.
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Louise Michel était institutrice.
Dans la Sierra Maestra, Che Guevara soignait les paysans et leur apprenait à lire et à écrire, gageons que son enseignement ne leur apprenait pas la soumission à l'autorité.
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Les jeunes doivent apprendre à réfléchir et à ne pas gober n'importe quoi.