Question pour PiRK : toi qui disait quelques pages plus haut qu'il y a encore 5 ans, tu étais socialiste, J'aimerais bien savoir le cheminement intellectuel qui t'a amené à l'anarcho-capitalisme ?
En très très résumé, avant j'étais employé, sans volonté de changer cet état de fait, j'habitais en ville, et j'avais l'illusion que pour réparer le monde il suffisait de convaincre tout le monde de voter pour le candidat qui me semblait le plus évident (les Verts).
Puis à un moment je suis passé par une phase pessimiste "on est foutu, personne n'a envie de rien changer, même si ça nous fait aller dans le mur".
Puis,
en partie grâce à , j'ai découvert la permaculture. Je me suis notamment laissé convaincre du fait que ça permet d'avoir la même production agricole par agriculteur sur 10 fois moins de surface, sans intrant minéraux ni chimiques, avec beaucoup moins de mécanisation. Soudainement, je suis passé de l'idée que le peak-oil allait forcément causer une famine à l'idée qu'on pouvait produire de la bouffe en augmentant le nombre d'arbres, en arrêtant l'érosion des sols, en réduisant l'impact des sécheresses et des inondations en remettant du carbone dans le sol... Bref, du gagnant-gagnant.
Comme à l'époque je voyageais beaucoup, et que je prenais souvent les transports en commun (dont l'avion
), j'ai téléchargé plein de podcasts sur la permaculture, et je me suis imprégné des interviews de gars qui faisaient fonctionner tout ça en pratique sur des larges surfaces. Je me suis progressivement rendu compte que ceux qui changeaient réellement le monde étaient tous plus ou moins libertariens, voir anarchistes, avec une bonne dose de subversion et de rébellion.
Pour ne citer que le fondateur du mouvement, Bill Mollisson :
“The greatest change we need to make is from consumption to production, even if on a small scale, in our own gardens. If only 10% of us do this, there is enough for everyone. Hence the futility of revolutionaries who have no gardens, who depend on the very system they attack, and who produce words and bullets, not food and shelter.” Je peux citer aussi Joel Salatin (auteur de
Everything I do is illegal), Mark Shepard, Jack Spirko, Sepp Holzer...
En s'intéressant de près à leur parcours, on voit que toutes les solutions capables de passer à l'échelle (i.e. commercialement rentable) pour produire de la nourriture et de l'énergie de manière éthique, et en régénérant l'environnement, se sont heurtées à un mur de réglementation, de lois débiles, de lobbying, de traditionalisme...
Bref, aujourd'hui je veux être dans l'action plutôt que la théorie, réparer plutôt que de dire aux autres comment réparer. Avoir un effet net positif sur l'environnement (régénération plutôt que limitation des dégâts). Et je constate comme tous les gens que je viens de citer que toutes les solutions simples et efficaces se heurtent à des barrières réglementaires. Je constate que ces barrières bénéficient directement à carrefour, aux gros poissons à la tête de la FNSEA, à Bayer, à Massey Fergusson... etc Je constate que toute tentative de gagner sa vie en appliquant des principes d'agriculture de régénération sont voués à l'échec à cause des subventions agricoles. Au lieu de laisser les pratiques les plus efficaces fonctionner, on fausse la balance en faveur des gens qui consomment 10 calories de pétrole pour en produire une (situation débile et clairement pas rentable).
Je constate le fossé entre les promoteurs de solutions politiques qui bégayent les mêmes rengaines depuis Karl Marx et Keynes, et les solutions pratiques.
J'ai toujours espoir qu'on puisse redresser la barre et éviter le mur, mais ça ne se fera pas en élisant un clown qui nous promet plus de redistribution en faveur de ceux qui sont le moteur du système désastreux actuel, les consommateurs non-acteurs.
Je me dis que la seule manière de convaincre c'est de démontrer soi-même qu'on peut franchement améliorer son confort de vie (pas seulement une question d'argent, mais aussi de cadre de vie, de liberté, de contrôle de son propre destin) tout en réparant l'environnement, et de documenter la démarche au passage.
Mais bon, c'est un cheminement mental long de plusieurs années, je n'espère pas convaincre qui que ce soit avec ces quelques paragraphes. Tout ce que je souhaiterais c'est qu'on laisse les gens qui ont ma démarche expérimenter leur solution, pour ensuite vous convaincre avec des chiffres : augmentation du confort de vie, taux de carbone dans le sol en augmentation constante, toujours plus de biodiversité sur les terrains qu'on gère, redistribution des surplus aux voisins et famille, redynamisation économique de territoires entiers...
Aujourd'hui, il faut une sacré endurance pour simplement arriver à avoir un statut qui te permet d'acheter un bout de terre agricole. Il n'y a pas grand monde qui peut faire cette démarche.