3) Vole, vole, autant que possible !
Hé oui, comme dans tout sport, le volume est une partie cruciale de la progression. En étant direct, ne pensez pas accéder au cross en volant 15 jours ou 3 semaines dans l'année. C'est une illusion. A ce moment de la progression, il faut mettre les bouchées doubles... sans chercher à trop en faire.
Quand je parle de trop en faire, j'entends deux choses :
Aller trop vite dans des conditions fortes qui peuvent atteindre votre mental et votre sécurité
Vouloir partir en cross dès lors qu'on a réussi un plafond.
Je ne vais pas m'attarder sur la première mais sur la seconde.
Partir en cross est gratifiant, même si l'on pose au bout de la première transition. Mais la répétition des gammes de montée en thermique sera bien plus efficace à moyen terme. A titre d'exemple, le Pôle espoirs de Font-Romeu, qui a fait émerger certains des meilleurs pilotes du monde, a appliqué et applique toujours de mémoire la méthode suivante : monter au plafond, redescendre, et recommencer. Pour les nouveaux entré en septembre à la rentrée des classes, il fallait souvent attendre le mois de mars pour effectuer ses premiers kilomètres hors du bocal. Il faut savoir que durant cette période de 7 mois, les pilotes pouvaient totaliser jusqu'à 100 heures de vol. 100 heures de « je monte, je descends, je recommence ». L'expérience soustraite était énorme, les bénéfices multitples :
Enorme travail technique
Evolution progressive du mentale
raffinement du logiciel du pilote en ajoutant petit à petit des paramètres
et souvent négligée, l'endurance en vol, fine tension entre ressources physiques et tensions mentale
Bien sûr, on peut rendre ce jeu ludique par différents exercices ou ajouts de facteurs :
Jouer avec les copains au « roi du thermique »
Faire varier le point et l'altitude de raccrochage suite à la phase de descente
Utiliser la phase de descente pour certains exercices (manœuvres de descente, familiarisation avec l'accélérateur, détente pilote, etc.)
Tout ça pour faire passer le message suivant : manger du thermique, encore et encore ! Nous voyons trop de gens arriver en stage cross avec une montée en thermique catastrophique. A faire cela, vous perdez temps et argent. Après les quelques conseils que j'ai pu donner ici, il n'y aucune solution miracle : faites des heures, soyez exigeant avec vous-même et débriefez correctement chaque vol.
Après avoir détailler ces 3 points, qui me semblent être les fondamentaux, nous allons pousser plus loin dans la performance.
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II) Devenir le Gunner du thermos !
Les meilleurs pilotes du monde sont les meilleurs grimpeurs ! Je l'ai rapidement compris en débarquant en Coupe du Monde. En fait il y a deux choses qui sont particulièrement choquante entre un très bon pilote, et un très bon pilote en Coupe du Monde : la capacité à optimiser la montée, ainsi que la capacité à « flotter » (et donc de surcroit optimiser les régimes de vol).
Nous allons maintenant nous attarder sur la montée, le flottement étant un tout autre chapitre.
Entrons maintenant réellement dans le vif du sujet en ajoutant des champs d'analyse à notre logiciel.
1) La Sempiternelle question : Ovaliser au vent ou dériver ?!
Voilà LA question en vol en thermique. Souvent avec des réponses assez entendues et caricaturales. « Non mais là J-P, il fallait dériver, et non ovaliser. C'était une bulle ! ». Bien heureux celui qui peut avoir ce niveau d'analyse ! Personnellement, je raisonne différemment. L'idée générale étant de réussir à monter dans la zone propice, sans avoir à déduire si c'est un tétraèdre à cinq cornes ou une colonne bien disciplinée.
La première chose qui entre dans mes considérations c'est le flux (les flux qui sont d'ailleurs au fondement de beaucoup de mes mentalisations. J'y reviendrai notamment dans l'analyse des zones de déclenchement, un autre chapitre). Lorsque j'entre dans une zone ascendante, j'ai une énorme propension à redresser au vent le plus vite possible. Pour trois raisons :
J'élargis mon spectre de prospection en ouvrant mon potentiel de trajectoires efficaces pour retourner sous le vent de ma position si je me suis trompé dans mon analyse.
Parce qu'il est assez courant que le noyau le plus fort se trouve tout de même au vent.
En cas de proximité avec le relief (si j'évolue au vent), cela me donne de la place pour boucler mon virage
De là, je vais commencer mon travail de cartographie du thermique. Je vais placer un point mental à chaque augmentation de ma Vz (vitesse verticale) pour bien me repérer dans l'espace.
Et je vais être extrêmement attentif à un dernier facteur: le phénomène d'aspiration !
Pour moi il est la clef du vol en thermique, pour faire coïncider placement et ressenti du pilote.
Qu'est-ce que j'entends par là ?
C'est cette sensation que la voile « tire devant ». Tant que ma voile tire devant, ce qui est notamment tout à fait remarquable vent de face avec l'augmentation de la pénétration, j'avance sur axe ! Néanmoins pour que cet effet puisse être ressenti, il faut savoir faire une chose : laisser voler votre destrier. Laissez lui de la vitesse. Il m'est déjà arrivé de voir ma voile faire un 180° à cause de l'aspiration ! S'il n'y a pas d'obstacle, il faut la laisser faire ! Elle sait mieux que quinconce où est la zone favorable, telle une feuille morte dans la masse d'air.
La laisser voler a un deuxième bénéfice : éviter d'engendrer des mouvements parasites. Engendrer des mouvements parasites, c'est ajouter des mouvements qui vont venir perturber le tangage et le roulis. Avec pour conséquences de fausser vos sensations et vos infos vario, et donc de vous faire prendre les mauvaises décisions de placement.
En résumé, tant que votre voile tire plus avant, ovalisez. Si elle s'assoit, c'est que vous venez probablement de dépasser la zone favorable. Rejoignez au plus vite le dernier point mental favorable que vous avez marqué !
2) La Sempiternelle question bis : Noyauter ou moyenner ?
Et voilà la deuxième. Un peu comme le « tu tires ou tu pointes?! » de la pétanque, « tu noyautes ou tu moyennes ?! ».
Encore une fois pas de recette miracle, tout est dans l'adaptation.
Comme dis plus tôt, la structure des ascendances est extrêmement protéiformes. Il est même assez rare de tomber sur le parfait petit thermique des livres à un seul noyau. La plupart du temps, nous sommes confrontés à plusieurs noyaux. La question devenant alors la suivante : l'un d'eux est il plus puissant que les autres et assez large pour que je me concentre sur lui ? Ou dois-je naviguer entre les différentes zones que j'ai cartographié ?
Les deux mon capitaine ! Pas de méthode universelle, cela dépend aussi de votre profil de pilote.
Mais on peut tout de même en dire deux mots. Souvent cette question arrive lorsque la zone est difficile à monter, que vos sensations sont faussées par de nombreuses attaques sur le roulis ou le tangage de l'aile car la zone est hétérogène. Votre vario hurlant et buzzant à qui mieux mieux.
Dans ces cas, il ne faut plus travailler aux sensations ou aux indications vario, mais par rapport à l'altitude gagnée. C'est à dire que je vais me mettre à regarder le champs « altitude » de mon vario plutôt que la « vz moyenne ». Si après chaque tour, j'ai gagné de l'altitude, je peux rester sur ma stratégie. A l'inverse, il va falloir penser à s'adapter.
Néanmoins, plus les situations sont cisaillantes (souvent trouvées dans des conditions de fortes pressions et faible humidité, plutôt stables) plus noyauter vous donnera du confort avec l'inclinaison et l'augmentation de la vitesse de rotation (facteur de charge, plus grande solidité du profil) et en évitant les bordures. A l'inverse, dans des masses d'air plus homogène, la technique devient moins prépondérante la plupart du temps.
Réponse de normand donc. Mais quand on voit comment monte Honorin Hamard, on se dit que le normand a une longue vie thermique devant lui.
3) Influence du relief
Le relief peut influer tel un flux sur notre thermique et ses mouvements. Il y a une corrélation direct entre la topographie de la zone de déclenchement et sa forme. C'est du moins ce que je constate de manière empirique. Un exemple très simple :
Une thermique déclenchant au pied d'un plateau. Tant que le thermique monte le long du bord du plateau, il va rester plus ou moins vertical et puissant. Arrivé à zone plate, votre thermique va probablement subir, s'il n'est pas assez fort ou n'a pas pris source en avant des pentes, la dérive due à la soudaine horizontalité des filets d'air et de l'effet de compression : il va se mettre à dériver. Avant de peut-etre se redresser si d'autres sources sur le plateau viennent abonder la zone.
En tout cas cela vous amène souvent à un choix : remonter au vent trouver une zone meilleure, dériver.
Je tranche souvent la question au cas par cas mais certains facteurs demeurent :
- Rester en bordure du plateau, au vent, me permet dêtre plus sécurisé quant au fait qu'il y aura de nouveau déplacement. Si j'ai un doute, je reste au vent. D'autant plus si le plateau derrière est descendant et lisse. car si c'est le cas, il est peu fréquent que de nouvelles sources viennent abonder mon thermique, la composition descendante légèrement descendante et la capillarité naturelle de l'air s'ajoutant pour rendre difficile voire impossible la libération de nouvelles sources.
- Si le plateau n'est pas descendant sous le vent, qu'il est hétérogène en topographie, ou qu'une face verticale est au bout du tunnel, j'aurai tendance à me laisser dériver.
En tout cas ne soyez pas étonnés que le relief influence l'inclinaison d'un thermique, même en quasi absence de flux. Car une bulle d'air chaud encore accrochée au sol ne va jamais descendre les pentes, et créera sa propre dérive avec sa tendance naturelle à les remonter. De ce que j'en ressens.
4) Le thermique, émagramme de la masse d'air !
Le mot est laché, le vilain mot ! Mais ne t'en fais pas, pas question de se lancer dans une analyse compliqué de l'émagramme ici. Ce que j'entends par là, c'est que le thermique est le moment privilégié pour collecter des infos. C'est maintenant qu'on étoffe réellement notre logiciel qui va nous rendre performant dans la montée, dans le déplacement. A partir de ce moment, il devient tout de même quasi incontournable de voler avec un vario.
Que vais-je noter lorsque je monte au plafond de mon premier thermique de la journée ? Voilà une petite liste que j'espère exhaustive. Il ne convient pas dans votre prochain vol de vouloir tout analyser, mais de prendre un ou deux champs parmi ceux que je vais proposer ci-dessous et évaluer si vous êtes capable d'en mémoriser les données. Si oui, alors vous pourrez ajouter des champs.
Vz moyenne : La Vz moyenne, c'est la force de votre thermique sur un temps donné. Je considère que 20 secondes est un bon temps de référence. Entre 15 et 30, cela donne une bonne idée. En dessous, l'info est inutile. Au-dessus, le faiblissement de l'ascendance peut-être multifactoriel.
Avoir conscience de la Vz moy, si l'on reste uniquement dans le cadre de l'exploitation du thermique (et non le déplacement en cross), cela va notamment vous permettre de repérer deux choses :
* De potentielles inversions
* Des changements de flux et de dérive
Si mon thermique faiblit, je vais donc pouvoir me questionner sur ma tactique.
Altitude de faiblissement ou augmentation de ma Vz moy : je dois toujours avoir en tête cette (ou ces) altitude de changement de comportement de mon ascendance. Tout ça pour ne pas être surpris lorsque cela réapparait
Altitude des changements de dérive, force et direction : pareil que le facteur cité au-dessus. Ceci est un phénomène très courant, notamment à la limite entre brise de vallée/pente et vent météo, qui va créer une perturbation pour votre thermique. Vous devrez vous attendre à jongler avec les stratégies que nous avons vu au chapitres précédent.
Plus généralement, que ce soit dans ou hors du thermique, vous devez être capable de donner tous les changements de flux observés. C'est réellement primordial pour pouvoir ensuite se déplacer et produire les bonnes analyses.
Plafond du jour. Ce qui m'aidera plus tard à analyser mes altitudes de navigations.
Mes thermiques sont ils plutôt sur le relief ou en amont du relief ? Cela va influencer ma tactique de positionnement
Plus tard dans la progression peut-être, de quel côté du cumulus cela semble monter ? Là aussi, cela permet de trancher une question : vais-je au vent ou au soleil du cumulus ? Ma réponse : souvent sur une tranche horaire donnée, les cumulus se comportent de manières assez similaires. Je vais donc très souvent reproduire le même raisonnement pour trouver la source. Jusqu'à ce que je tombe sur une anomalie et que je remette à jours mon logiciel avec de nouvelles données. Encore une fois, il n'y a pas de réponse miracle, mais un ensemble de facteurs qui font que sur ce laps de temps, c'est un fonctionnement qui va être efficace plutôt qu'un autre.
Si l'on résume tout cela, si vous êtes capables de donner :
La Vz moy des thermiques du jour dans des tranches données
Si vous pouvez me donner direction et force des flux à chaque changement ressenti dans la totalité de la couche convective
Et tout ça sans trop penser à votre pilotage, parce que vous vous êtes bien entrainés en amont.
On est déjà très très bien pour envisager la suite ! Mais vous verrez que ce n'est pas si facile !
En revanche, n'oubliez jamais que votre masse d'air est vivante, mouvante et évolutive. Il convient donc souvent de remettre en question votre plan du jour pour rester à la pointe:)
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III) Quelques conseils lancés au vol !
Pour refermer cette première réflexion sur le simple mais complexe vol en thermique, quelques conseils au vol, ou idées désorganisées que j'ai pu oublier !:
Varier, varier et varier vos sites de vol! Ne restez pas terrés sur votre « spot » ! C'est l'expérience et les situations nouvelles qui vous feront faire des associations de moments vécus et vous permettront de rendre la bonne solution le jour J !
Pour les débutants en vol, privilégiés les sites peu fréquentés, permettant de vous exprimer loin du relief notamment. Les sites de plaines avec un peu de dénivelé sont idéaux : Mont-Poupet par exemple. Pour les alpins du nord : Semnoz, Aiguebellette, Ebaudiaz, etc.
On a jamais vu un St Hilairien bien monter en thermique (mais il est bon en cheminement
)
Varier, varier et varier les conditions! Sortir son parapente seulement quand c'est bon, c'est le début de la fin des haricots... Volez absolument dans les petites conditions !
Lisez les récits de vol des top pilotes (j'ai été extrêmement influencé par Luc Armant ou Max Jeanpierre quand j'étais plus jeune) pour construire petit à petit vos schémas mentaux ! Profitez de leurs expériences pour réfléchir à ce qu'est une masse d'air.
Ne forcez pas vos limites en début de progression. Cette étape viendra plus tard, lorsque l'on est mieux armé pour répondre à un grand panel de situations !
Même au sol, regardez le ciel. Et apprenez à comprendre pourquoi les flux se comportent de cette façon ici et à cet instant T.
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Nous reviendrons plus tard sur le thermique, comme haut lieu et temps fort de la décision en cross. Mais pour le moment, je vous laisse déjà digérer ça !