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Forum de parapente

20 Avril 2024 - 10:35:37 *
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Auteur Fil de discussion: Y'a pas eu que la X-Alps cet été !  (Lu 8214 fois)
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Gillesf
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« le: 28 Août 2013 - 13:17:00 »

       Cet été, alors que Chrigel s'évadait de Salzbourg en direction de Monaco à vitesse grand V poursuivi par une meute de chasseurs aux abois de toutes origines, d'autres se livraient eux aussi à une traversée complète de l'arc alpin en parapente. Mais contrairement aux vedettes du grand show produit et réalisé par Red Bull, pas question pour eux d'assistance au sol pour le ravitaillement, le choix des routes et les options météo. Et encore moins d'hélicoptères pour prendre des images et de live tracking pour que tous ce que le web compte de geek puisse les suivre en directe jour et nuit. 

   La performance n'en est que plus grande, et l'autonomie la plus complète que se sont ici imposés nos voyageurs des sommets et des airs, ne peux que susciter le plus total respect. Ils font ainsi passer les célèbre Maurer, Girard, Latour et autre Coconea pour un groupe de touristes grabataires du 3ème âge en voyage organisé. canap 

       Ceux-ci n'ont jamais eu besoin de transporter dans leurs sacs et en vol trois semaines de ravitaillement, leurs effets personnels, le matériel de couchage et de camping... Et lorsqu'en plus, à l'aventure sportive hors norme se conjugue un extraordinaire défi humain et une superbe histoire d'amour, alors, la X-Alps ne peut que faire bien pale figure en comparaison.  sautillant 

   L'histoire commence il y a presque 10 ans : Piotr, un jeune bucheron originaire de Sibérie orientale émigré au Kazakhstan, grand amateur d'haltérophilie et de danse classique, était tombé un jour, par pur hasard, sur une revue sportive Slovène abandonnée dans la salle d'attente de la gare d'Astana. Alors qu'il feuillette négligemment la publication, admirant les images couchées sur le papier glacé dont il ne comprend pas les légendes, il tombe sur la photographie d'une jeune lanceuse de marteau en plein effort lors d'une compétition internationale.

       Sur ce cliché pris au cœur de l'action, alors que la sportive totalement concentrée effectue sa dernière rotation à pleine vitesse, est totalement arcboutée pour résister à la force centrifuge qu'elle impulse au marteau, elle sourit.  Shocked Tandis que toutes les photos de la revue ne sont que visages en sueur grimaçants et martyrisés par la violence des efforts, cette jeune athlète qui porte le maillot de l'équipe nationale de Slovénie affiche un visage souriant et un regard à la fois doux et profond qui semble transpercer l'objectif du photographe pour venir se planter tout droit dans celui de Piotr.  quoi Cette compétitrice semble rayonner et Piotr est aussitôt illuminé : c'est la première fois de sa vie qu'il se sent empli de tant d'émotions, aussi fortes qu'inconnues et contradictoires à la vue d'une femme. De ce que notre bucheron parvient à comprendre de l'article qui accompagne l'image, et surtout selon les inscriptions brodées sur son maillot, il semble quelle s'appelle Adidas. hein ?

   Dès lors et sans autre piste que cette photo et sa légende, il n'aura de cesse que retrouver cette femme qui vient d'embraser son cœur, où qu'elle soit dans le monde afin de lui déclarer sa flamme. Pour ce faire, il commence par consulter en vain les marchands de journaux du quartier afin de savoir où il pourrait contacter l'auteur du texte. Il faudra plusieurs jours avant qu'on lui fasse remarquer que s'agissant d'une revue étrangère... l'auteur devrait sans doute être étranger, mais de quel pays ?... Même la calligraphie est différente du russe et du kazakh qu'il ne maîtrise déjà que modestement.

       Le salut lui vient d'un turc de passage qui lui certifie que le drapeau imprimé sur le maillot de l'athlète est bien celui de Slovénie, ce qu'un employé du consulat de Serbie lui confirme.

   Sans plus attendre, Piotr prit aussitôt la route pour retrouver la trace de sa belle en Slovénie.  vol rando ou cross Ce qui est un peu idiot de sa part, il faut bien en convenir, parce que s'il avait eu la patience d'attendre un peu, l'Occident Expresss quittait la gare d'Astana le soir même sur les coups de 20h30 pour atteindre Maribor et Ljubljana moins de quatre jours plus tard. Et tout cela dans le plus grand confort et sans la moindre correspondance ! Tandis que par la route et en UAZ d'occase, Samara, Volgograd, Kiev, c'est déjà pas moins de 3 semaines, 2 carburateurs et 1 joint de culasse. Ensuite il faut encore poursuivre en Lada stop vers Timisoara et Zagreb, et là, comptez pas moins de 3 à 4 attaques de Roms, 2 distributions à refaire sur le bord de la route, une demi douzaine de crevaison, 7 contrôles de police (dont 2 nuits au poste), 8 barrages militaires et 23 non définis plus tard... ce qui nous fait, si je ne me suis pas trompé dans mes comptes,...  en tout 8 bonnes semaines de galères complètes. la prise de t?te  Mais qu'importe les difficultés à surmonter, rien ni personne ne peuvent arrêter Piotr qui, porté par l'amour, n'a de cesse d'avancer.

   On est début avril lorsqu'il parvient enfin à Maribor, sans le moindre sous dans un pays dont il ne connait ni la langue, ni personne.

       Avisant à la devanture d'un marchand de journaux un exemplaire de la revue qui a publié le portrait de sa dulcinée, il s'en saisi pour demander au commerçant ou il peut en trouver l'auteur. Aussitôt le vendeur lui réclame, d'abord poliment, le prix du périodique, avant de s'énerver, face à Piotr qui ne comprend rien et ne veut pas lâcher le journal. L'échange entre le solide Bucheron et le modeste pourvoyeur en feuilles de choux dégénère, et bientôt la Police doit intervenir.

        Au poste les officiers sont bien embarrassés face à ce costaud qui s'exprime dans une langue inconnue et envoi voler tous les représentants de la force publique qui tentent de lui arracher des mains l'exemplaire froissé de La Gazette des Sports Slovène du 15/11/2002.  hein ? Un officier plus brillant que la moyenne, c'est à dire celui dont la plaque de métal sur le ceinturon est mieux lustrée et moins rouillées que les autres, tentant en vain de lui faire décliner son identité et adresse, remarque l'attachement de Piotr à la revue plus qu'à toute autre chose. Il n'a de cesse de montrer en page 2 le sommaire et les coordonnées de l'éditeur.

     Le fin limier - parce qu'en Slovénie même les policiers doivent exercer un second métier pour pouvoir nourrir leurs familles, alors du coup celui-ci est aussi limier à mi-temps dans une manufacture de limes - en déduit donc que cet étrange étranger doit certainement se nommer Playboy & SportMag Editions et habiter à Boite Postale 12156 Ljubljana - Slovenia.

   Par chance, un numéro de téléphone figure aussi sur la revue. Du coup, l'autorité policière, toujours pleine de judicieuse initiatives en pareil cas, appel et tombe sur le pigiste de permanence à la rédaction du journal. Celui-ci, fort de la description faites par les policiers du prisonnier, décrète qu'il doit s'agir de l'un des membres de l'équipe Russe d'athlétisme actuellement dans le pays à l'occasion des championnats d'Europe, et qu'il doit certainement demander l'asile politique.

      Dans la mesure ou il s'agirait là de la toute première demande d'asile d'un sportif de haut niveau dans le pays depuis celle de Merlene Ottey, les fonctionnaires changent radicalement de comportement pour devenir plus affables.  Quelques minutes plus tard le téléphone sonne, c'est à nouveau le pigiste. Il vient de contacter le journaliste qui a réalisé la photo parue le 15/11/2002. Il s'agissait d'un meeting international d'athlétisme tenu à Munich en préparation des actuels championnats d'Europe. Le week-end avait été pourrit : pas un seul record et un brouillard à couper au couteau, on y voyait pas à dix mètre. Le seul cliché exploitable avait été celui de cette inconnue. Elle avait due remplacé au pied levé une athlète de la sélection slovène qui, comme la presque totalité de ses camarades, venait d'être convaincue de dopage par les instances sportives. La fille avait été éliminée dès le premier tour. Mais, elle avait eu "la chance" d'être au centre de la seule et unique trouée dans le brouillard ayant permis le passage d'un bien pâle rayon de soleil durant quelques secondes à peine au moment de sa prestation. Le raison de son visage illuminé, et du coup, la seule et unique photo potable prise durant tout le week-end. Yeux qui roulent   

   En fouillant les archives du journal et celles plus secrètes de la Fédération Slovène d'Athlétisme et de la Recherche Biomédicale sur les Anabolisants Réunies que, le zélé pigiste a même réussi à retrouver son nom et son adresse : Anita Slovovics, et elle habite ici même, à Maribor. A tout hasard, on la fit aussitôt venir. Celle-ci à l'évidence ne connaissait pas l'étranger. En revanche, elle avait fait Russe en première langue de bois au collège politique du parti, et parvint donc à échanger quelques mots avec lui à la demande des policiers. A mesure que Piotr racontait son histoire tout en dévorant Anita des yeux, celle-ci, qui n'avait jamais imaginé auparavant qu'un homme puisse traverser plusieurs pays rien que pour elle, succombait, à son tour aux charmes de ce grand costaud. Quelques semaines plus tard, Anita et Piotr étaient mariés et installés dans les Alpes Juliennes. trinquer 

     Là, ils pourraient tous les deux exercer ensemble en pleine nature, et à plaisir, la noble et vigoureuse profession de bucheron.

    C'est par un bel après midi, alors qu'ils faisaient comme à l'accoutumé une petite sieste crapuleuse au milieu d'une clairière défrichée par leurs soins le matin même, rêvant aux enfants qu'elle n'aurait jamais, faute aux injections d'hormones et d'EPO lorsqu'elle faisait de la compétition, et à la mer qu'ils iraient voir ensemble un jour, lorsqu'ils seraient devenus assez riches pour se payer une auto, que leur attention fut attirée par les cris d'un aigle.

     Le grand oiseau au plumage orange et blanc décrivait des cercles au dessus d'eux en descendant. A l'extrémité de ses longues et fines pattes, fermement maintenu entre ses serres, une proie encore vivante gesticulait. A mesure que l'immense rapace aux couleurs chatoyantes descendait, on entendait mieux les hurlements de sa proie. C'était un homme ! Il leur disait de fuir, qu'il allait se poser ! Et effectivement quelques secondes plus tard, à peine l'homme avait-il touché le sol qu'il se libéra prestement des griffes de l'animal et s'enfuit à toutes jambes se réfugier à l'abri du sous-bois. Au moment même l'homme était parvenu à commencer à se défaire de l'étreinte du rapace, l'aigle géant parut se dégonfler instantanément comme un ballon de baudruche, gisant maintenant tristement au sol comme le drapeau d'une armée vaincue sur un champs de bataille après la défaite.  Pas content

   Anita et Piotr, tout en finissant de se rhabiller, continuaient de fixer la dépouille du volatile exsangue tout juste traversée de quelques frissons, ne comprenant rien à ce qu'ils venaient de voir. Ce ne fut que quelques minutes plus tard, après que le fuyard soit revenu dans la clairière d'un pas lent et soulagé que tout allait s'éclairer.

      L'homme qui avait recouvré son calme scruta quelques instants le ciel, les bras largement ouverts face à la brise et à la vallée, puis se tournant vers les amoureux déclara que c'était trop fort et mal orienté pour repartir de suite. Il tira l'aigle de tissus par les pattes, en fit une boule et s'assied à coté dans l'herbe. Puis, s'adressant de nouveau à eux il commença à raconter :

     Il s'appelait Simon, Simon Copi et était en vol depuis plus de deux heures lorsque qu'un trouble digestif violent l'avait contraint à venir se poser ici en urgence pour se soulager. Il avait décollé en fin de matinée d'une montagne dans l'est, à environ 70 km d'ici et, si les conditions météo le permettaient, il comptait bien se poser ce soir du coté de Trieste. Pour Anita et Piotr cela demeurait toujours aussi incompréhensible, mais comme l'homme semblait maintenant avoir retrouver ses esprits, ils se hasardèrent à quelques questions sur l'aigle, et comment il l'avait enlevé. Simon expliqua alors qu'il ne s'agissait pas d'un rapace, mais bien d'une machine faite de tissus, dont il se servait pour voler par delà les montagnes et les plaines, porté par les vents et la brise chaude qui montait de la vallée. Il s'entrainait pour une épreuve à laquelle il espérait bien participer un jour. Elle devrait se dérouler pour la première fois l'été suivant. Il lui faudrait traverser l'Autriche, la Suisse et la France pour rejoindre la Méditerranée uniquement en volant et marchant. Comme les deux bucherons semblaient incrédules, hein ?  Simon leur fit toucher le parapente, la sellette dont il leur expliqua le fonctionnement en détail.

      L'après midi avançait tandis qu'Anita et Piotr questionnaient encore Simon, mais le vent ne semblait toujours pas vouloir baisser.

       Alors que le soleil baissait sur l'horizon, le couple enjoint le pilote à se joindre à eux pour passer la nuit à l'abri et partager une soupe d'orties dans leur modeste demeure. Jusque très tard Simon répondit à toutes les interrogations de ses hôtes.
   
       Le lendemain matin, sitôt de petit déjeuné avalé, tous trois montèrent sur la crête qui surplombait la maison. Simon fit quelques démonstrations de gonflage et pilotage au sol. Puis, lorsque le soleil eu enfin bien réchauffé l'alpage, il décollât, fit quelques tours au dessus d'Anita et Piotr pour les saluer en prenant de l'altitude, et disparu en quelques minutes, la bas, loin vers l'Ouest au dessus des montagnes. salut !  vol rando ou cross

      Ils restaient tous deux ici sur la crête, mais les yeux brillants de bonheur rivés vers le ciel et l'horizon. Ils savaient maintenant. C'est comme cela qu'il partiraient un jour tous les deux ensemble, sous un grand parapente multicolore. Ils iraient par delà les montagnes jusqu'à la mer.   




.... la suite bientôt... Clin d'oeil
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On va pas griller les étapes pour continuer à se faire plaisir longtemps
Moa
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Aile: gin bolero 4 S
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« Répondre #1 le: 28 Août 2013 - 14:10:25 »

.... la suite bientôt... Clin d'oeil

La suite, la suite, la suite ......
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Heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière.
carnet de vol en ligne : https://www.syride.com/fr/pilotes/Moa_Etctout
yeager
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just flying


« Répondre #2 le: 28 Août 2013 - 14:12:13 »

.... la suite bientôt... Clin d'oeil

La suite, la suite, la suite ......

 sautillant  sautillant  +1 au karma à gilles qui écrit aussi bien qu'il enroule  mort de rire
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Quand je vole, c'est comme dans un rêve sauf que ce n'est pas un rêve
cyril anakis
Invité
« Répondre #3 le: 28 Août 2013 - 14:40:48 »

j'en veux encore!!

-mais retourne bosser feignasse !!- désolé mon chef intervient de plus en plus sur mes post Grrrr
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Parapente Samoens
Invité
« Répondre #4 le: 28 Août 2013 - 19:50:40 »

Un peu peu moins de délire et un peu plus de poésie pour ce récit, j'aime beaucoup.   bravo
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Escape
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Sam


« Répondre #5 le: 28 Août 2013 - 20:14:01 »

La suiteeeee  Pleure
Vite !
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"Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait"
philou blanc
Invité
« Répondre #6 le: 28 Août 2013 - 21:28:34 »

 +1 au karma , toujours une imagination fabuleuse et une plume si habile. Laissez  lui du temps , que ses idées continuent de germer. Faudra editer tout cela aux editions du chant du vario. Je me regale trinquer
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Gillesf
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« Répondre #7 le: 29 Août 2013 - 11:16:12 »

...La suite...      

       Il leur a fallu prés de 10 ans de travail acharné, d'obstination et de ténacité pour trouver une école en Slovénie, réunir l'argent pour le stage, apprendre à voler, trouver et pouvoir acheter un parapente biplace et des sellettes d'occasion en mesure de les emporter (2 x 135 kg pièce tout nus et encore, à jeun !), et puis aussi se confectionner des sacs des couchage en duvet de canard, une tente en coton à leurs mesures, 3 semaines de provisions en conserves, etc....   

   Mais en ces tout derniers jours de juin 2013, c'était fait. Tout était enfin réuni pour leur grand départ.   trinquer   
   
   La clairière au dessus de la maison ou Simon et son parapente leur était apparu pour la première fois avait été considérablement agrandie, offrant maintenant des décollages possibles en toute sécurité depuis le sommet dans presque toutes les orientations. De nombreuses manches à air tricotées par Anita étaient disséminées un peu partout sur les crêtes et à la cime des arbres environnants. Elles indiquaient toutes un bon flux régulier de Sud-est ce matin. Piotr avait monté le biplace et les sellettes, Anita avait porté le matériel de bivouac et le ravitaillement, et ils attendaient là haut depuis le lever du jour que la brise et les premiers thermiques soient suffisants.

   Vers 10h30, les conditions favorables se mettaient enfin en place, Piotr étala donc les 47 m2 de voilure au sol. Les deux sellettes lourdement chargées furent rapidement enfilées, ainsi que des sacs à dos positionnés en équilibre sur les généreuses bedaines des amoureux. Une dizaine de minutes plus tard, le moment était venu. Piotr réalisa le plus parfait des gonflages de sa carrière, puis tout deux firent un superbe appuis ventrale tout en commençant une prise d'élan remarquable... jusqu'à ce que.... rien d'autre ne se passe. Malgré la brise de face, la vitesse, la pente naturelle du terrain et les 47 m2 de toile, rien ni faisait. Les 350 kg de l'équipage et leur matériel ne parvenaient toujours pas à quitter le sol.

   Bientôt les 150 mètres de la piste d'envol à leur disposition furent avalés, et même largement dépassés. Incapable de ralentir sa propre masse, l'équipage ainsi lancé à pleine vitesse poursuivit sa course encore longtemps à travers les buissons en direction de la falaise. Ce n'est que lorsqu'Anita finit par lâcher les piquets en fonte de la tente, allégeant ainsi l'aérodyne d'une bonne quinzaine de kilogrammes, qu'enfin leurs pieds quittèrent le sol définitivement. Ils glissèrent encore gracieusement quelques dizaines de mètres sur les cimes des fougères, puis ce fut la falaise et le long plané dans le vide. Piotr se contenta de dire "Pas grave, on fera des piquets en bois", avant de se concentrer sur les la négociation des premiers thermiques.

   Ainsi chargés, ils leur fallut pas moins de 2 heures d'effort ininterrompus et de patience pour remonter centimètre par centimètre jusqu'au niveau de la crête ou ils avaient commencé leur course.  Encore une autre paire d'heures fut nécessaire pour gagner l'altitude indispensable pour entreprendre la première transition vers le sommet voisin éloigné de...  à peine 800m.

   Par chance en arrivant sur celui-ci, un superbe Cumulo-nimbus avait eu le temps de se développer sur plusieurs milliers de mètres d'altitude, barrant ainsi tout l'horizon vers le nord. Toute l'énergie et la puissance de celui-ci ne fut pas de trop pour aspirer nos deux aventuriers dans du +2/2.5 intégré jusqu'aux alentours de 2500/3000m d'altitude, et les y maintenir pendant les 4 heures suivantes. Lorsqu'enfin épuisé par tant d'efforts, le nuage finit par jeter l'éponge et rejeter ce lourd équipage, les voyageurs étaient au dessus d'Obervellach en Autriche. Pour une première étape, c'était bien assez, il était temps de se poser. Ce qui fut rapidement exécuté dans du - 3 constant. 
   
   Le soir même au bivouac, ils échangèrent longtemps sur les leçons à tirer de ce premier jour. Le PTV un peu trop élevé devait être réajusté pour faciliter l'envol et le travail des ascendances dans les plus petites conditions. Mais dans l'ensemble, une fois en l'air, la maniabilité était bien là et au vu de cette première distance parcourue, les performances semblaient suffisantes.

   Le lendemain matin, et pour les deux jours suivants, pas de chance, le temps est à la pluie. Il n'y a qu'à attendre dans la tente en se faisant des mamours sous la couette en duvet, et en goûtant les savoureuses conserves préparées sur le camping-gaz  familiale par Anita. 2 kg de noix de jambon, 3 kg de ragout de bœuf, 5 kg goulasch, 4 tartes au flan et autant de charcuteries divers y passeront ainsi de vie à trépas... Tout comme la bouteille de Butagaz de 10 kg.

   Le quatrième jour se lève enfin sous de meilleurs auspices : il fait grand beau temps et la brise d'Est semble douce. Aux premières lueurs du soleil notre duo de choc allégé se remet en marche vers un alpage propice à leur envol. Sitôt dit, sitôt fait. Quelques heures plus tard, les voila au milieu d'un troupeau de laitières tyroliennes, facilement reconnaissables à leurs meuglements yodlés.

   Si c'est possible ! Je vous assure : Essayez à haute voix pour voir ce que ça donne. 

   Mieux que ça, ne soyez pas timide, personne n'écoute.

   Encore !

   Voila comme ça, c'est beaucoup mieux ainsi.  Recommencez !

   Voila qui est parfait. Et même si personne ne vous écoutait tout à l'heure, maintenant tout le monde autours de vous vous a entendu et vous regarde. salut !

       Observez bien leurs regards, très vite vous reconnaitrez ceux qui sont familiers des fameuses laitières tyroliennes. Ces vaches violettes comme en en voit seulement en Suisse, sur les pubs Milka et dans ce coin d'Autriche : La Carinthie.       

   C'est sous les applaudissements des marmottes présentes  bravo et encouragés par une méga "Hola" des ruminantes en résidence d'été dans les parages qu'Anita et Piotr décollent gracieusement de l'herbe grasse de l'alpage...quittent un moment le sol ... pour s'écraser quelques mètres plus bas dans un buisson de genépis rapidement recouvert par le parapente. La conclusion s'impose d'elle même : faut engager des mesures conservatoires d'urgence... et encore s'alléger. Anita et Piotr doivent donc, à regret, se débarrasser des conserves vides en verre qu'ils conservaient par devers eux...  Ils en font donc don de bon cœur à un jeune berger allemand. Pas le chiot, non : le petit pâtre germain immigré qui demeure non loin de là dans une HLM. Ce que sobrement, on nomme là bas "un pâtre en bâtiment".

   La seconde tentative sera la bonne. Un solide thermique les cueille à flanc de montagne et les hisse jusqu'au sommet. S'en suit un vigoureux vent météo soufflant du Sud-est qui prend le relais et se charge des les emporter vers le Zugspitze à plus de 70 km/h de moyenne. Ils survolent ainsi montagnes et vallées avec délectation sans presque jamais avoir besoin d'enrouler, se qui leur laisse le loisir de s'en rouler une de temps à autre. Ils se laissent ainsi porter par les venturis de col en col, prenant le temps d'admirer les sommets enneigés qu'ils tutoient sans jamais les toucher. Ils refont brièvement le plein d'altitude dans les vapeurs surchauffées de la centrale d'incinération des déchets de l'agglomération d'Innsbruck.

   Mais en arrivant près du point culminant de l'Allemagne, le temps se gâte avec la formation d'un mur de nuages et l'arrêt brutale du vent. Nos deux amoureux décident donc de se poser sagement au fond d'une accueillante la vallée toute proche couverte de mousse,... afin que la nuit soit plus douillette encore sous la couette.  Et la nuit fut chaude pour nos amoureux, croyez-moi !

   Surtout lorsque Piotr mis le feu par accident à la toile de tente en éteignant la cigarette qu'il avait coutume de fumer après chacune de leurs fougueuse étreintes, ainsi qu'à la nuisette d'Anita en tentant d'étouffer le début d'incendie avec ce morceau d'étoffe de prés de 6m2. Il dut donc, pour se faire pardonner, réchauffer sa douce et tendre du feu des ardeurs de son vaste corps toute la nuit durant, de sorte qu'elle ne prit pas froid au sien. Épuisés, ils finirent par s'endormir sur la mousse avec le lever du soleil, enveloppés par la douce tiédeur des premiers rayons de l'astre du jour.

   Lorsqu'ils se sont réveillés, sur les coups de midi, ils étaient entourés d'un groupe d'adolescents autrichiens en colonie de vacances, à qui le moniteur faisait un cours sur les méfaits d'une suralimentation mal équilibrée chez les ours slovènes. Ce à quoi, le plus dégourdi d'entre eux, répondait que : "sur son scooter, la suralimentation était assurée par une turbo réglé aux petits oignons et à la choucroute, puisqu'il prenait 85 à l'aise !... Mais que s'il avait eu le même pelage et la même carrure que ces deux là, avec la prise au vent, il aurait pas été certain de pouvoir dépasser les 45 réglementaires".   

   Une fois rhabillés dans les hautes herbes, pour ne pas effaroucher la jeunesse locale, et les affaires rassemblées, nos deux voyageurs décidèrent de réaliser l'ascension du Zugspitze tout proche à pied pour y faire quelques photos et y décoller. L'affaire ne fut pas aisée. Non pas que nos amoureux n'aient pas récupéré de leur nuit ou qu'il aient manqué d'entrainement aux grimpettes de toutes sortes : De part leurs activités professionnelles, ils montaient haches, scies et tronçonneuses à l'épaule deux fois par jour sur tous les sommets des environs, et en redescendaient tous les soirs lourdement chargés des grumes abattues durant la journée !  Non, le problème ici était différent : En terre germanophone autrichienne, il est formellement interdit de sortir des sentiers de randonnée balisés, clôturés avec du fil électrique et panquartés à cet effet en gothique dans la langue de Goethe. Et uniquement dans celle-ci, nationalisme oblige ! Or, ni Piotr ni Anita ne lisent le germain en gothique, et la question du slovène qui fait encore débat dans le sud de l'Autriche est ici sensible. Il ne fait pas partie des dialectes reconnus dans ce coin du pays, et donc que les autochtones ne s'autorisent pas à le comprendre et le parler. 
   
      Du coup nos deux voyageurs en terre étrangère vont passer le reste de la journée à chercher leur chemin avant de finalement réussir à parvenir à la plateforme du sommet frontalier de la Bavière sous les applaudissements d'une meute impressionnante de touristes déchainés. A la vue de leur sacs de parapente, ces derniers crient tous "Coconea" ! Ils doivent même signer des autographes !  Mais, tout s'arrête brusquement lorsque l'un d'entre eux fait remarquer à la foule qu'aucun des deux  pararandonneurs n'est estampillé aux couleurs de Red-Bull. Visiblement déçus, le troupeau se tourne à nouveau et en silence vers le sud, scrutant l'horizon de leurs centaines d'yeux grands ouverts. Shocked

   L'effet de surprise et l'incompréhension du moment passée, Piotr et Anita décident d'immortaliser leur passage en ces lieux par quelques photos souvenir romantiques au coucher du soleil. Afin de quitter la plateforme à touristes et d'atteindre le sommet ou le clicher doit être pris, il convient de passer par un tourniquet visant à limiter, pour leur sécurité, le passages des enfants non accompagnés, et accessoirement à compter les visiteurs.  Et c'est dans cette machine diabolique que Piotr et son harnachement restent prisonnier de sa corpulence et des multiples sangles de son barda, malgré de vigoureuses tentatives pour s'en extirper par ses propres moyens. Anita, tente alors de lui apporter un peu d'aide, tout d'abord en le poussant ici et là où il semble coincer... puis plus vigoureusement en tirant de toutes ses forces sur les armatures métalliques du piège rotatif.  Malheureusement, elle ne parvient qu'à tordre les tubes d'inox, bloquant définitivement tout mouvement du portillon... et resserrant un peu plus le piège sur son mari. 

   Ne pouvant se résoudre à laisser son époux en si délicate posture, Anita, en femme d'action qu'elle est, décide aussitôt d'employer les grands moyens. Elle relève sa jupe et passe sa jambe droite à travers les branches opposées du tourniquet pour prendre un solide appuis sur l'armature extérieure du portique. Sa cuisse gauche est plaquée contre l'axe du portillon, qui y disparait presque totalement, comme submerger par le demi-quintal de jambon sans couenne. Anita relève maintenant ses manches. Elle opère une clé du bras droite autours du cou de Piotr pour mieux l'extraire en force, tandis que de son gras gauche, elle enserre le rocher pour s'en servir de levier.
   
   Anita se concentre silencieusement, prend une profonde inspiration, et se lance à corps perdu dans le combat.  L'effort est énorme et la poussée considérable : le métal plie en hurlant de douleur mais ne rompt pas, le rocher craque et se fend, mais ne casse pas. Anita redouble de vigueur et, ....  son pied droite glisse sur le métal givré, son poignet gauche ripe, simultanément sa cuisse fait tourner le portillon de quelques degrés jusqu'au clic suivant et voila que notre championne slovène s'encastre de toute sa force, elle aussi, dans la machine. Un piège dont ils sont maintenant tous deux fermement prisonniers. Lui, dans une posture légèrement vrillée, mais proche de la verticale, elle, largement tordue et presque horizontale.
               
   Les services techniques et secours des deux pays aussitôt mandés et rapidement sur place n'en reviennent pas.  ( Je me permets de vous traduire ici pour plus de clarté leurs premières constatations, car vous n'y entraveriez que dalle : Le haut bavarois, même pour les plus distingués germanophiles, c'est du Turc ancien tellement l'accent est à couper à l'Opinel N°2)

   "Holalalalala... Jamais vu un truc pareil ! Même après l'avalanche du 15 mai 65 !.. On sait même plus qui du tourniquet ou des charcuteries slovène est imbriqué dans ou autours de l'autre. Tiens r'gardes là, même les goujons de 32 et le morceau de rail de chemin fer sont tordus, jamais vu ça... On a pas les outils sur place : faut faire venir des chalumeaux et des disqueuses de Munich. J'vois qu'ça."

   Nos deux amoureux sont donc contraints de rester toute la nuit dans cette position, alimentés et hydratés en continue par une escadron de bénévoles de la Croix Rouge afin de lutter contre le froid. Au petit matin, peu avant l'arrivée de Munich de l'hélicoptère des secours chargé du matériel de sauvetage, ils ont vu un bien étrange cyclotoursite monter pas la face sud. Un grand suisse tout maigre, avec un cuissard, un maillot , une gourde dans le dos et un casque de cycliste, le tout décoré, comme pour les coureurs du Tour de France, par de nombreuses publicités : Ozone, GoPro, X-Alps, Red-Bull...  Piotr à pensé que cela devait être un cycliste connu parce que pas mal de touristes lui ont demandés des autographes. Mais le gars est pas resté bien longtemps. Anita a de suite confirmé qu'il devait avoir laissé son vélo un peu plus bas et avoir peur de se le faire faucher, vu qu'il a rapidement sorti de son sac à dos un minuscule parapente blanc en forme de haricot, vite étalé, aussitôt décollé.

   Pendant ce temps là touristes l'applaudissaient et criant "Krigel ! Krigel" en Gothique.... Un dialecte local issu du haut-bavarois, dont on ne sait pas exactement ce que ça veut dire. Sans doute une coutume locale ?...

   Les secours sont intervenus dans la foulée : les chalumeaux ont tant chalumé, les disqueuses tant disqué sans répits durant des heures, que rapidement leur fumée a formé un épais nuage qui a recouvert tout le massif et les vallées environnantes pour le reste de la journée ! D'autres cyclotouristes français, anglais, italiens et allemand sont eux aussi montés à pied, mais bien plus tard. Et puis, eux au moins, ils ne devaient ne devaient avoir oublié de verrouiller solidement les antivols de leurs vélos, parce qu'ils sont restés plus longtemps au sommet à maudire le nuage avant de prendre le temps de  redescendre à pied.

   Ce n'est qu'en toute fin de journée qu'Anita et Piotr ont pu être enfin désincarcérés. Trop tard pour repartir en volant, mais juste assez tôt pour pouvoir faire la photo au sommet du Zugspitze dans le soleil couchant. Par mesure de prudence, ils furent ensuite "raccompagnés" par les secouristes du côté autrichien de la montagne jusque sous un surplomb rocheux ou ils purent bivouaquer à l'abri du froid,... et surtout loin de toute infrastructure publique potentiellement endommageable. 




... C'est pas encore fini...
       
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Moa
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« Répondre #8 le: 29 Août 2013 - 12:01:10 »

Excellent  bravo  bravo  bravo (j'adore ton humour et ta prose) mais, comme un peu au dessus :

La suite, la suite, la suite ......
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Heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière.
carnet de vol en ligne : https://www.syride.com/fr/pilotes/Moa_Etctout
cyril anakis
Invité
« Répondre #9 le: 29 Août 2013 - 12:18:07 »

merci Gilles pour ces rires que tu me procurent seul devant mon écran au boulot, mes collègues me prennent maintenant pour un fou (enfin ils ont surtout une confirmation que je le suis)
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Gillesf
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« Répondre #10 le: 30 Août 2013 - 11:51:56 »

... On continue...


                     
   Le lendemain, en début d’après-midi, une fois que le linge sale fut lavé et séché, il purent reprendre leur vol. Le vent les porta ce coup-ci vers le Sud-ouest... Tout comme quelques autres parapentistes qui gravitaient eux aussi dans ce ciel pur et clément. Malheureusement pour deux d'entre eux, ils furent plaqués au sol en croisant le puissant sillage du gros-porteur d'Anita et Piotr. Ce qui les contraint à de longues heures de marche pour pouvoir remonter vers un site de décollage acceptable et reprendre leur course. 

   Quand à nos tendres époux, ils firent un vol superbe, tant par la douceur de l'aérologie qui semblait ne jamais être assez puissante pour perturber leur équipage, que par la beauté des paysages traversés.  Leur vol du jour devait s'achever au coucher du soleil dans une large prairie prés de Davos, en Suisse confédérale, neutre, fière,  indépendante et helvétique... mais toujours pas membre de l'Union Européenne ! Ce qui en clair signifie qu'à peine les pieds au sol,  nos deux slovènes furent aussitôt mis aux arrêts par les forces douanières Suisse pour  :  prof

- Violation de l'espace aérien confédéral par un pilote non muni de sa carte IPP5.
- Survol non autorisé d'une installation stratégique relevant du secret défense (Lindt & Sprüngli AG).
- Entrée illégale de ressortissants étrangers sur le territoire helvète.
- Non présentation de pièces d'identité dument reconnues par les autorités ou d'une valise d'espèces à l'un des postes frontières du canton.
- Et surtout : Non acquittement des droits de péages pour l'accès aux autoroutes fédérales et cantonales suisses dument attesté par l'apposition sur le pare-brise du véhicule de LA VIGNETTE verte réglementaire !  effray

LA TUILE : en tôle...  hein ?  Ce qui pour un pays aussi à cheval sur l'ordre, les convenance, le respect des traditions et de la règlementation est un comble, et accessoirement la preuve irréfutable d'un manque certain de goût et de discernement. Toute tuile digne de ce nom se doit d'être en terre cuite, en marbre, éventuellement en béton ou en bois, voir en bronze, mais jamais en tôle ! Compte tenu des critères et spécificités architecturales liées à l'environnement montagnard et au cadre propre (Propre étant bien le mot juste ici) à la région des Grisons, une mise aux fers sous un toit de lauzes eut été un minimum ! 

   Après enquête, analyse d'ADN et avis contradictoire d'experts de la faune et flore alpestre helvétique assermentés, nos deux slovènes velus furent relâchés au bout de 48h de garde à vue. Les autorités suisses étant parvenu à s'assurer qu'ils ne s'agissaient pas là de deux des plantigrades originaires de Slovénie réintroduits récemment dans la région du Trentin en Italie, qui "Posent problèmes" et sont sources de tensions cet été entre les autorités des deux pays. La suisse refusant tout net le retour sur son territoire des grands prédateurs tels que les ours, les loups et les inspecteurs des impôts étrangers.  A bon entendeur... Clin d'oeil

    De nouveau libres, Anita et Piotr doivent se contenter de marcher vers le sud, tant un vent de suspicion souffle sur leur passage dés qu'ils tentent de poser les sacs à dos quelques instants. Ici, hors des routes parfaitement matérialisées d'une bordure de peinture blanche toute propre et fraiche, où le moindre brin d'herbe semble savamment coupé et peigné par un maître coiffeur invisible, toutes les parcelles de terrain où ils pourraient s'allonger pour un petit somme ou passer la nuit sont estampillées "propriété privée" et l'accès tout aussi  proprement interdit. Les champs, les bois et les collines qu'ils aiment tant parcourir librement, ont tous l'air de paysages de cartes postales mis sous clés derrière des vitrines. Les habitants, à qui rien ne semble manquer si ce n'est le sourire, ne paraissent même pas s'en apercevoir. hein ? 

    Ne pouvant marcher droit devant eux ou bon leur semble, Anita et Piotr se perdent pour de bon dans toutes ses vallées qui se ressemblent. Une espèce de camion militaire réformé fini par s'arrêter à leur hauteur. A la place passager était assis un petit gars bronzé avec des petits yeux bridés, un peu comme ces étrangers que croisait parfois Piotr en Sibérie ou au Kazakhstan. Il avait l'air aussi perdu qu'eux, mais souriait tout de même. 

   Il s'appelait Babu, il avait remarqué leurs sacs à dos de parapentistes, et comme lui aussi tournait en rond dans cette vallée sans en trouver la sortie, il leur proposait de les emmener avec lui dans le camion. "A plusieurs on est plus fort" avait-il dit. Piotr et Anita ayant décidés de faire le voyage à pied et en volant uniquement, ils déclinèrent l'invitation, mais acceptèrent tout de même de passer la nuit à l'abri avec lui à l'arrière du véhicule et de partager une soupe et quelques fruits secs.
   
   Tout en avalant le modeste repas, Babu leur raconta qu'une fois il avait voler en biplace depuis l'Everest jusqu'à la mer. Qu'il était arrivé tout droit du Népal en Europe pour la première fois il y a quelques jours à peine afin de participer à une épreuve de parapente. Il était censé traverser de hautes chaines de montagnes, contourner des sommets vertigineux et finir dans une ville lumière au bord de la mer. On lui avait confié une carte et des instruments sophistiqués dont il ne savait que faire. La carte mentionnait de gigantesques montagnes couvertes de neige et des glaciers... mais autours de lui il n'avait trouvé que de modestes collines et de rares névés. Et, comme d'habitude c'étaient ses passagers qui s'occupaient de la navigation, alors ici et tout seul, il s'était perdu et avait été éliminé. Mais il ne regrettait pas pour autant d'être venu de si loin car il avait rencontré tellement de gens sympathiques !... D'ailleurs, s'il finissait par retrouver son chemin et sortir de cette vallée, il irait les retrouver dans la cité des lumières au bord de la mer. trinquer
 
   Ils avaient tous les trois la même lueur qui brillait au fond de leurs yeux fatigués ce soir là. Au petit matin, il s'embrassèrent très fort, se promettant de se retrouver un jour quelque part au bord de la mer ou en vol biplace au dessus d'une montagne. 

   Anita et Piotr avaient à nouveau le moral au beau fixe : la rencontre avec Babu leur avait rappeler ce qu'ils faisaient ici et pourquoi ils avançaient, et avanceraient encore et toujours. Sans dire un mot, ils marchaient à bonne allure vers le sud, leurs regards complices se croisant régulièrement. Ils étaient simplement, mais profondément heureux.

   Le soir venu, sur le bord du chemin qui avait grimpé si fort tout au bout de la vallée, une borne de pierre marquait le début d'un replat ou ils pouvaient enfin s'allonger dans les sacs de couchage gagnés par le sommeil. Personne ici ne semblait vouloir les en dissuader. Ce n'est qu'au petit matin en se réveillant qu'ils ont lu, gravé sur l'autre face de la borne, "Italia - Province de Sondrio".

   Leurs réserves de nourriture étaient maintenant épuisées, et leur petit déjeuné en fut réduit à quelques gorgées d'eau fraiches bues à même le torrent et une poignée de mures fraichement cueillies. Alors qu'ils cherchaient le point de décollage le mieux orienté possible, ils virent monter vers eux un autre parapentiste qui les rejoint bientôt. Il s'appelait Maurizio, il avait la soixantaine bien sonnée svelte et alerte, était originaire de Varèse, mais habitait sur les bords du lac de Come et parlait presque sans interruption avec les mains. Comme tous les italiens. Mais il le faisait si fort, et avec tant de grandiloquence et de ferveur, surtout lorsqu'il s'agissait football ou de la corruption en politique, qu'il réussissait parfois, même sans parapente, à décoller du sol ! 


   Il partagea bien volontiers son casse-croute avec le jeune couple, et, comme la journée s'annonçait belle et qu'il aimait bien avoir de la compagnie pour voler, ça permet de discuter et de faire connaissance, il leur proposa de faire route ensemble par la voie des airs jusque chez lui en longeant le lac de Come, si le ciel et dieux le voulaient bien.

   Et il faut croire qu'ils le voulaient bien,... Et surtout que Maurizio était copain avec tous les thermiques du coin. Il leur montrait avec force gestes le chemin qu'ils n'avaient plus qu'à suivre, les encourageant de la voix durant les transitions. En fin d'après midi, ils se posaient sur les bords du lac, prés de l'embouchure d'un torrent, dans le jardin d'un petit restaurant dont le toit de la terrasse était orné d'une perche en bois ou flottait un bon mètre de rubalise blanche et rouge.

   Maurizio mit sa voile en boule, et sortit de l'une des poches de sa sellette un petit matériel de pêche sommaire qu'il tendit aussitôt à Piotr en lui disant le sourire en coin : Vas-y toi dans le torrent, avec moi ça marche jamais. Je parle trop et ça fait fuir les poissons. Avec Anita on va ranger les voiles et préparer la pasta !

   Maurizio entraina Anita dans la cuisine du restaurant pour lui présenter sa fille, son gendre et son petit fils. Il leur avait laissé les commandes de l'établissement il y a sept ans, après le décès de sa femme. C'est à cette époque qu'il avait commencé le parapente, sans doute le besoin de s'élever pour se rapprocher du paradis et de celle qu'il avait toujours aimé. Il déplorait que, ni sa fille, ni son gendre, ne veuillent l'accompagner lorsqu'il partait randonner et voler en montagne. Le vertige qu'ils disaient, et puis qui s'occuperait du restaurant pendant ce temps là ? Pfff... Heureusement tout n'était pas perdu, il y avait son petit fils qui jouait souvent au cerf-volant au bord du lac et que sa mère ne pourrait bientôt plus empêcher de suivre son grand père.

   Maurizio entrainait maintenant Anita dans le jardin afin de choisir quelques tomates pour accommoder avec la pasta et dresser une table à l'écart de la terrasse du restaurant. Les deux pieds dans l'eau fraiche du cours d'eau, Piotr semblait être en veine : il y aurait aussi du poisson au menu ce soir en plus des pâtes.  Bien plus tard, lorsque le restaurant fut déserté par ses clients, Maurizio et sa fille poussèrent les tables autours du four à pizza pour faire de la place de sorte à ce qu'Anita et Piotr puissent s'y blottir au chaud pour dormir.

   Le lendemain matin Maurizio, consultait la météo sur différents sites internet spécialisés, bien aidé en cela par son petit fils, parce que lui et les ordinateurs !... Même s'il reconnaissait que c'était tout de même bien pratique, c'était trop compliqué pour lui. Il passa en plus une paire de coups de téléphone à des amis pour confirmer les prévisions avant de demander à Piotr : "Et le vol de plaine, tu connais ?"

   Piotr n'imaginait même pas que ce soit possible. D'ou allait-on décoller ? Sur quel relief le vent allait-il s'appuyer pour maintenir les parapentes en l'air ?  Il n'y aurait plus de versants à l'ombre et d'autres surchauffés par le soleil... Maurizio répondit par un sourire. On frappait à la porte au même moment : Fabrizio, un voisin et ami à qui Maurizio avait téléphoné quelques minutes plus tôt pour avoir confirmation de la météo. C'était lui qui l'avait initié au parapente lorsqu'il l'avait senti perdre pied à la disparition de sa femme. Fabrizio tenait un magasin de location de matériel de ski en station durant la saison, et volait pour son plaisir le reste de l'année. Il avait été champion régional  de delta puis de parapente avant qu'un accident ne lui laisse à jamais une jambe raide.

   A la demande de Maurizio, Fabrizio expliqua succinctement les grandes lignes du vol de plaine : le treuil, les contrastes de couleurs des champs, la végétation haute ou basse, les rues de nuages, etc... Avant de conclure simplement par "Le mieux c'est d'y aller. Aujourd'hui les plafonds vont être très hauts et le ciel est déjà superbe. Chivasso ? Torino ? On verra sur place. Maurizio, prends des pizza et du Chianti ! "

   Aussi surpris qu'excités Anita et Piotr suivirent leurs deux guides sur le chemin qui montait à flan de colline derrière le restaurant. Quelques centaines de mètres plus haut un petit espace avait été dégagé entre les vignes pour servir de décollage. Si derrière eux d'imposantes montagnes semblaient favorables au vol, devant, en revanche, le bout du lac et sa masse sombre d'un coté, la plaine à perte de vue de l'autre étaient bien moins engageants. Il restèrent là près de deux heures, Fabrizio montrait les nuages et leurs alignements, les champs de blé fraichement moissonnés abrités du vent par des arbres. Tout cela semblait bien compliqué.

   C'était maintenant l'heure. Les trois voiles rapidement gonflées ont quitté le sol presque ensemble. Elles ont longtemps tourné devant le décollage avant qu'enfin un premier thermique ne les élève à hauteur de la première crête.  Fabrizio les a ensuite guidé jusqu'au dessus d'une combe dont ils ont exploité l'ascendance tant qu'ils ont pu. Et puis, le grand moment est venu, Fabrizio s'est lancé droit dans le grand vide de la plaine, visant le bord d'un premier nuage.

   Piotr et Anita ont hésité un instant : s'ils avaient déjà volé aussi haut, jamais le sol ne leur était apparu si lointain.  quoi L'espèce de néant que représentait la plaine à perte de vue en comparaison des montagnes auxquelles ils s'étaient toujours adossés leur donnait le vertige. Maurizio leur faisait signe qu'il fallait y aller, maintenant, et il fonçât aussi sous ce premier nuage aussitôt suivit par le biplace.

   Il jouaient à présent une partie de saute mouton inversée géante. Alignant aussi soigneusement que possible la base des petits cumulus. Lorsque certains leurs paraissaient trop éloignés, Fabrizio partait en avant dans le bleu à la recherche du thermique qu'ils enrouleraient bientôt tous ensemble. Difficile pour eux de comprendre exactement comment les deux italiens parvenaient à les guider avec tant de sureté d'ascendance en ascendance si loin de la montagne au dessus de cette mosaïque dépourvue de tout relief notable. Mais de tout  évidence, cela marchait !  Et même plutôt bien : il leur arrivait parfois de voler durant plus de trente minutes sans jamais avoir besoin d'enrouler !  Et lorsqu'ils enroulaient, c'était pour monter si haut qu'il leur devenait difficile de reconnaitre le paysage qui paraissait immobile sous leurs pieds.

   Même si la soif et la faim commençaient à tirailler Piotr et Anita, ils préféraient n'en rien dire à leurs guides pour prolonger ce vol hors du commun tant que cela était possible. Ce n'est que lorsque le soleil commença à vraiment baisser sur l'horizon, que tout aussi progressivement leur altitude diminua jusqu'à devoir chercher un terrain d'atterrissage au milieu des cultures. A défaut de terres non cultivées, une petite route déserte fit très bien l'affaire. Les quatre voyageurs du ciel riaient de bon cœur en se serrant dans les bras les uns des autres.  sautillant Tous débordaient de joie d'être là, et ensemble. Fabrizio fut le premier à prononcer une vraie phrase : "Ma Maurizio, les pizza et le Chianti, tu les gardes pour la fête nationale ou quoi ? Un vol comme ça, ça se fête non ?"

   Les voiles furent rapidement repliées, quelques fruits glanés dans les champs des environs, et le repas qui suivit leur parut à tous le plus doux des festins. Pour la première fois depuis qu'ils s'étaient rencontrés, Maurizio ne parlait plus. Il rêvait les yeux perdus dans les étoiles et personne n'osait l'interrompre. Après de longues minutes, son regard vint se poser sur le jeune couple et il leur dit : "Je vous envie, moi aussi j'aurais aimé pouvoir venir jusqu'ici à travers le ciel avec ma femme." Tous semblaient gênés par cet aveu de douleur. Mais c'est encore Maurizio brisa bien vite la glace : "Et d'abord, c'est où ici ? Non, parce que toi Fabrizio, tu voles, tu voles, tu nous emmène par ici, par là... Mais comment on va rentrer si on sait pas ou on est ? Hein ? D'habitude c'est facile, tu fais du stop, tu prends le train ou pire, tu m'appels et moi je prends la Fiat Punto et je viens te chercher. Mais là, je suis, avec toi. Et la Fiat Punto, elle est là maison.... Et les clés de la Fiat Punto, c'est moi qui les aient, ici ! Et ici, on sait toujours pas où c'est, alors ?!...". Et tous remirent à rire de plus bel de ce superbe résumé de la situation. Quelques lumières qui brillaient dans la nuit indiquaient certainement la direction d'une ville pas trop loin. Ils verraient bien demain. Il n'y avait pas d'urgence.



... C'est pas encore fini...
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« Répondre #11 le: 02 Septembre 2013 - 11:20:15 »

... On l'on voit le bout....



   Le lendemain matin, il ne leur a pas fallut marcher bien longtemps pour arriver jusqu'à une route principale, puis dans la banlieue d'Asti. Maintenant qu'ils savaient ou ils étaient, la véritable question était devenue de savoir comment en repartir. Les deux italiens devaient faire route vers le nord. D'habitude le train est une bonne solution en l'absence de Fiat Punto. Mais aujourd'hui cela s'avère plus compliqué en raison des habituelles grèves des employés de la société des chemins de fer italiens. Pour les deux Slovène, la situation était encore plus délicate : Si leur objectif, la mer est bien au Sud à vol d'oiseau, et qu'ils savent maintenant qu'il est possible de voler par dessus la plaine, il leur faut tout de même une belle butte pour décoller... et les plus proches sont vers l'Ouest. Enfin, leurs provisions sont maintenant aussi réduites que le tour de taille d'un top modèle vietnamien, mais ils ne voulaient pas embarrasser leurs amis avec cela.

   Il décidèrent donc de continuer à pied vers l'Ouest, officiellement pour y retrouver des montagnes, mais aussi parce qu'ils y voyaient plus de champs avec des cultures vivrières à glaner. De leur coté Fabrizio et Maurizio venaient de trouver un conducteur de camion qui acceptait de les prendre en stop jusqu'à Milan, mais il fallait partir dès maintenant. Les adieux furent donc rapides.

   Anita et Piotr n'ont pas réussi à marcher bien longtemps sous le soleil qui cognait fort. Vite, ils ont du s'arrêter à l'ombre d'une grange, comme chez ZZ top. Allongés dans le foin, avec le soleil pour témoin, comme le chantait si bien Mireille, ils se sont remémoré avec plaisir leur rencontre, le mariage dans les locaux du club d'Athlétisme, la découverte et l'apprentissage du parapente, ce voyage et ses péripéties, le rêve de leur vie devenu réalité, et puis ces rencontres qu'ils n'auraient jamais imaginé...  Lorsqu'un homme, un petit teigneux les cheveux en bataille, la moustache agressive et les poils de barbes hirsutes, arriva en braillant tout seul.  Grrrr De toute évidence il était de sale humeur... tout comme son pantalon et sa chemise, dont certains carreaux étaient cassés. 

   Voyant le couple installé dans SA grange, il stoppa net et leur demanda de qu'ils faisaient là ? Sans même attendre la réponse il demanda aussitôt ou était leur voiture ?  Il fallait qu'ils le conduisent de suite au village parce qu'en passant avec son tracteur chargé sur le petit pont pour sortir de son champ, le bois de l'ouvrage avait cédé sous le poids, et la remorque était en train de verser, et la récolte de se perdre dans le fossé. Ils devaient l'emmener tout de suite dans leur voiture pour aller chercher de l'aide au village !

   Piotr dit qu'ils n'avaient jamais eu de voiture, et s'excusaient de s'être installé dans SA grange sans SA permission. Pour se faire pardonner, ils étaient prêt à l'aider à se sortir du mauvais pas dans lequel étaient SON tracteur et SA remorque s'il acceptait des les y mener. Le paysan haussa les épaules. Que pourrait-ils faire de plus à eux deux, sans un autre tracteur, sans tire-fort, sans grue ?... Mais il les conduisit tout de même sur les lieux de l'accident afin qu'ils puissent constater par eux même de la gravité de la situation. Et là, contre toute attente, au lieu de voir les deux étrangers compatir à sa peine, le paysan les vit se sourire mutuellement. "Ce n'était pas possible !  Ils se foutaient maintenant ouvertement de lui ou quoi ?!... " Au moment ou il allait laisser à nouveau éclater sa colère, Piotr tomba le maillot et se saisit sans attendre des poutres qui avaient cédé pour étayer la remorque qu'Anita en soutien-gorge   quoi  immobilisait d'un bras, faisant de même de l'autre bras avec le tracteur qui n'en menait pas large... vu que c'était un modèle conçu pour passer entre les vignes, et qu'Anita en imposait sacrément dans cette posture. Shocked  Puis il déchargèrent prestement la récolte pour la mettre en sécurité. Cela fait, ils retournèrent chercher une scie et une hache dans la grange. Et, deux heures et quelques arbres abattus plus tard, le tracteur et sa remorque étaient sur leurs roues, rechargés, et le petit pont refait à neuf.

   Le paysan qui n'en revenait pas leur demanda comment il pouvait les remercier. Piotr et Anita le sollicitèrent alors pour quelques fruits. L'homme rit de bon cœur et leur offrit de bonne grâce un cageot plein de pêches, d'abricots et de tomates, ainsi que l'autorisation demeurer sous la grange tant qu'ils le souhaiteraient. Ce qu'ils acceptèrent bien volontiers, tout en précisant qu'ils repartiraient dés le lendemain matin, avant qu'il ne fasse trop chaud pour marcher, et que s'il  était d'accord, ils en profiteraient pour consolider quelques peu SA grange à la fraîche en se servant d'un vieil arbre qui menaçait de tomber sur celle-ci.

   Aux premières heures du jour, alors qu'ils allaient à reprendre la route, le paysan était de retour avec un panier à leur attention contenant du fromage, du saucisson, un jambon, des pâtes et deux bouteilles de vin. Avisant les réparations effectuées sur SA grange, il leva le pouce et s'essaya à les serrer entre ses bras... mais ceux-ci réunis ne lui permettaient même pas de se pendre au cou massif du plus chétif des deux Slovènes. Il du se résoudre à leur serrer sobrement les mains avant de leur souhaiter bonne route. 

   Aujourd'hui, c'était le vent d'Ouest qui soufflait, apportant son lot de gros nuages sombres. Il ne plut pas,  mais de justesse. Au moins faisait-il plus frais pour marcher d'un bon pas dans la plaine.  C'était d'autant plus facile que Piotr avait récupéré une poussette abandonnée devant une décharge, mais encore presque en état de marche. Ils y avaient chargé tout leur bazar en un savant équilibre, et en avant ! Roulez jeunesse !

   Ce fut l'occasion d'une sacré séance de fous rires lorsqu'Anita déclara à son mari : "Tu te rends compte tout même, qui aurait cru que ça nous arriverait un jour ? On est là, comme dans les road-movies américains, à traverser la moitié du continent les cheveux aux vent au guidon d'une machine de chrome et d'acier rutilante... Alors qu'on a même pas le permis de conduire ! " Piotr avait alors pris la posture du parfait biker-outlaw au guidon de sa Harley, imitant le grondement irrégulier d'un twin de Milwaukee vrombissant. Quelques minutes plus tard, ils se prenaient pour des pilotes de course au volant de bolides négociant au mieux de périlleuses trajectoires, puis ensuite ils étaient le Prince William et Kate Middleton promenant leur princier bébé dans les allées de Buckingham Palace,... 

   Au passage, je n'ose imaginer la tête de Queen Babeth Two, si elle avait effectivement croisé ses deux là avec leur poussette rouillée et grinçante, leurs godillots de montagne défraichis,  promenant leurs énormes sacs informes mal ficelés et leur jambon de la sorte dans les jardins de sa Très Gracieuse Majesté. Pas certains qu'une boutanche entière de Brandy eut été suffisante pour la réanimer, c'est qu'elle est devenue émotionnable Babeth Two depuis que sont grand nigaud de fils a décider de se mettre à la colle avec une vieille jument...  Embarassé 
   
Les kilomètres défilaient ainsi tranquillement, régulièrement ponctués d'éclats de rire. Le soir venu les contreforts du Piémont étaient visibles dans le couchant. Le préau d'une cours d'école désertée des ses élèves en ce mois de juillet leur servirait d'abri pour la nuit, car le ciel était encore chargé. 
 
   Au lever du jour, plus moindre nuage. Le soleil commençait tout juste à hisser sur la plaine un léger halo de brume qui ne devrait pas tarder à disparaitre. De son coté, la poussette avait succombé durant la nuit sous le poids du parapentes et des sellettes. Ce n'était pas grave, comme  ils allaient maintenant reprendre des chemins moins carrossables.

   Un bonne partie de la matinée fut nécessaire pour trouver et atteindre un site de décollage à la mesure de cet équipage de gros porteurs et de son Jumbo biplace dans les collines environnantes. Comme la brise commençait à peine à rentrer, ils en profitèrent pour avaler le restant de fromage et quelques fruits. Enfin, ce fut le moment de reprendre la voie des airs comme Éole et le dieu Soleil les y invitaient. La colline n'était pas bien haute, mais l'orientation impeccable et si les enseignements de Fabrizio et Maurizio avaient bien été assimilés, avec un peu de chance, ils pourraient rejoindre les Alpes qui barraient l'horizon à l'Ouest.

   Quelques minutes après avoir quitté le sol et noyauté au dessus d'une carrière,  ils avait déjà suffisamment de gaz sous les pieds pour une première transition vers un champs de blé coupé de la veille qui les monta encore un peu plus haut. Ensuite la route fut balisée par un premier nuage, et un second dont ils réussirent à caresser les barbules, puis de nombreux autres jusqu'au dessus des premières montagnes. N'ayant pas de carte, ils avançaient maintenant à vue entre les sommets, tentant de faire route vers le soleil, franchissant les cols qui leur paraissaient les plus accessibles. Ils s'avaient la mer toute proche, mais ne la voyaient pas encore derrière ce dédale crêtes escarpées et de vallées encaissées. 

    prof Pour les incultes, une vallée encaissée, n'est pas une vallée dont les propriétaires ont effectués le payement intégrale en liquide auprès du vendeur, mais une vallée totalement recouverte de bois, comme emballée dans une caisse du même métal... et donc, on ne peut pas la voir sans faire sauter le bois, le bois de caisse.
 
   Ce qui explique qu'à mesure qu'ils s'enfonçaient dans le massif, le pilotage devenait plus complexe et les vaches possibles de plus en plus éloignées les unes des autres. Il ne ferait pas bon devoir poser au fond de ces gorges noyées de foret de bois d'arbres. Donc encaissées !  Piotr s'appliquait à optimiser la moindre ascendance ainsi que la glisse lors des transitions, mieux encore que s'il avait été sponsorisé par un producteur de vaseline. Il était totalement concentré sur son pilotage. Tandis qu'Anita assumait avec brio son rôle de navigatrice routeuse : elle identifiait de loin les passages possibles, l'évolution des nuages, les signes permettant d'estimer le vent au sol ou en altitude, les oiseaux en vol, les endroits ou il  leur serait possible de se refaire, les meilleures transitions et enchainements... Ils formaient  une équipe parfaitement complémentaire où chacun faisait totalement confiance à l'autre.

   Ils n'auraient pas su dire depuis combien de temps ils volaient comme cela, certainement longtemps en tous cas parce que pour la première fois ils se sentaient nerveusement épuisés. Ils arrivaient enfin à un col dont les alpages dégagés semblaient plus accueillants. A la vue des nombreux forts militaires qui garnissaient la ligne de crête, cet endroit avait du être l'objet de multiples conflits, et il était probable que de nombreux soldats y avaient perdu la vie.  Ils y trouvèrent   pas mal de randonneurs de tous poils, y compris quelques motards et 4x4 que l'on voyait circuler sur les pistes reliant les forts. D'un commun accord ils décidèrent de s'y poser pour la nuit. Piotr avait fait le gain maximal avant d'atterrir de sorte à avoir une plus large vision des environs et donc des turbulences possibles au moment d'approcher le sol.  Lorsqu'ils furent au point le haut, ce fut Anita qui aperçue la première la mer vers le sud entre deux montagne. Ils touchaient au but, mais préféraient se le garder pour le lendemain, histoire de faire durer le plaisir. 

   A peine étaient-ils posé qu'un couple de motards chevauchant une antique Yamaha lourdement chargée s'approcha d'eux.

- Salut, ça va ? On vous à vue arriver de loin depuis le col de l'autre coté de la vallée.
- Salut, ça va bien. Nous aussi on vous a vu arriver de loin sur la piste des crêtes.
- C'est bien un parapente N'est-ce pas ? Vous pouvez monter jusqu'à combien avec ça ?
- Oui c'est ça. En fait ça dépend du temps. Des fois on peut aller jusqu'aux nuages.
- Impressionnant, et tout ça sans moteur, y'a même pas de poignée de gaz ? Mais ça doit être super la vue d'en haut !
- Et ça c'est quoi comme moto ? Vous pouvez aller dans les chemins avec ça ?
- C'est une Ténéré. Avec des bons pneu, elle peut aller partout, enfin presque, si le conducteur sait y faire. 
- Partout ? A deux dessus ? C'est pourtant pas bien gros comme engin.  Et vous venez d'où ?
- On vient du Portugal. Et vous ?
- Portugal, ah tout de même !... Nous on vient de Slovénie !
- Eh, c'est que c'est pas à coté non plus, alors je crois que c'était le bon endroit pour se rencontrer...

   En fait, aucun des couples n'aurait été capable de situer exactement le pays d'origine de l'autre sur une carte, et encore moins d'en reconnaitre le drapeau. Ce qui pour le commun des voyageurs de tous bords, ne fait qu'augmenter le respect mutuel qu'ils se doivent. Cool 

   La discussion à quatre s'est poursuivi ainsi encore une bonne heure assis dans l'herbe au milieu des marmottes qui commençaient à les entourer. Puis, dans la restit du début de soirée, Piotr les invita les motards à faire faire un petit vol en parapente au dessus du col et quelques allers-retours entre les forts. Comme le dernier vol s'était achevé quelques centaines de mètres plus bas prés de l'entrée du Tunnel, Antonio à fait plusieurs navettes au guidon de sa Ténéré pour remonter pilote, passager, parapente et sellette, à la grande joie de Piotr et Anita qui grimpaient pour la première fois de leur vie sur un deux roues motorisé. La pauvre machine ! Les sacoches semblaient disparaitre totalement sous la masse imposante des volumineuses cuisses de ses passagers et de leurs équipements. Mais la machine parvenait tout de même par finir de les hisser au sommet.

   Comme il leur semblait avoir tant à découvrir et à apprendre les uns des autres, ils décidèrent de bivouaquer ensemble dans les ruines de l'un des forts désaffectés tout proche de là. Il partagèrent jusque tard dans la nuit, le pain, le vin, les charcuteries, un peu de morue sous différentes formes, mais toutes issues de la mer (de vulgarité ici, c'est pas parce qu'ils vont passer la nuit à quatre qu'il faudrait se laisser aller à croire des choses), du fromage et beaucoup d'expériences et de rencontres.   



... l'épilogue au prochain numéro....

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« Répondre #12 le: 03 Septembre 2013 - 12:13:53 »

... Ce coup ci, c'est bien la fin.



   Un nouveau jour se lève sur les ruines du petit fort qui abrite nos amis. Des mamies marmottes et leurs amies censées siffler souffrent sans souffler un son si simple soit-il à causes de leurs bec si fin fut-il, qu'il ne su siffler un son inutile, tandis que de sombres choucas se chicorent assis chichement sur un cyprès sylvestre, aussitôt se sont-ils saisi d'un si petit vermiceau vermoulu vers midi que nul n'eu voulut l'avaler. Cette scène si bucolique soit-elle ne fait pas vraiment avancer l'histoire, de bon matin, ça délie la langue. Donc, n'hésitez pas à la relire trois fois à haute et intelligible voix.

   Antonio et Amalia sont les premiers à se lever pour aller relever la Ténéré qui s'est couchée durant la nuit. C'est en opérant cette manœuvre, alors que chacun était persuadé que l'autre retiendrait la machine les freins bloqués, que les deux ont simultanément lâché l'engin qui s'est immédiatement mise à dévaler toute seule la pente qui lui faisait face...  ce qui tend à démontrer combien cette motocyclette est dotée de la propre dose d'humanité, puisque d'elle même, elle se couche la nuit et roule toute seule le jour ! Décidément, il ne lui manque que la parole... Ce qui est,  sans aucune contestation possible, confirmé par le fait quelques dizaines de mètres plus loin, elle verse dans le bas coté du chemin sans piper mot. Émettant, au mieux et fort brièvement, un sinistre "Vrabadaboumcrâââk", ce qui en langage motocycliste, n'est en généralement pas d'un excellent présage. 

   Par chance, les sacoches en cuir et quelques accessoires aussi futilement optionnels qu'exposés, tels les clignotants et rétroviseurs, ont certes rendus l'âme, mais largement contribué à amortir le choc pour le reste du véhicule. Réveillés par le bruit, Anita et Piotr bondissent pour aider les malheureux portugais à remettre leur engin sur le droit chemin. Quoi que... ce dernier n'ait de cesse de décrire de nombreuses circonvolutions. Piotr s'empare de la roue avant de la moto, Anita des deux portugais effondrés, et en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire, hissent le tout à bout de bras en lieu sur.

   Après un examen détaillé des dégâts, Antonio est rassuré, rien de trop grave en dehors d'une grosse bosse sur le réservoir. C'est qu'il comptait bien participer début septembre à la Hard Alpi Tour avec cette même machine sur ces mêmes pistes, et qu'il n'aurait pas disposé des moyens nécessaires si de couteuses réparations avaient été nécessaires. Ouf....

   Anita fit chauffer le café pour refroidir les esprits et réchauffer les cœurs. Ils n'étaient pas pressés ce matin, et déjà idéalement positionnés pour quand les conditions de vol se mettraient en place.  De plus, le but de leur périple était maintenant tout proche, comme elle l'expliquait à Amalia et Antonio. Celui-ci ce tournant vers Piotr, lui demanda alors :

- C'est la ligne d'arrivée pour toi. Le clou du voyage. En arrivant au dessus de la mer, tu vas faire un truc de folie, tu vas te lâcher, tu vas envoyer du gros ?
- Et bien c'est à dire.... je n'ai pas l'intention de me séparer de ma femme. Elle est certes un peu forte, mais je l'aime comme ça .
- J'ai pas dit ça. Moi aussi je préfère les femmes généreuses et rayonnantes - dit-Antonio en lançant une œillade à Amalia - Mais quand tu vas arriver là bas, tu vas pas réaliser quelques acrobaties ou faire du rase motte avec ton parapente pour fêter votre arrivée ?
- Ah oui.... Pardon Anita, un instant j'avais cru comprendre...  En fait je ne sais pas. On a pas encore pensé...
- Parce que moi, tu sais, avec la moto à chaque fois, je passe une ligne d'arrivée, c'est sur la roue arrière !
- Ah bon ?... Et l'autre... Vous en faites quoi alors ? Elle ne sert plus à rien ?

        La question laissa les portugais sans voix. Il était temps pour chacun d'eux de reprendre leurs routes respectives.     

   Piotr et Anita enfilent les sellettes, chargent les derniers sacs et étalent les 45 m2 de toile du parapente, faisant fuir au passage une marmotte qui s'y était réfugiée. Une brise légère monte de la vallée qui leur fait face. Piotr fixe les élévateurs, vérifie une dernière fois les boucles de sellettes et les écarteurs. Ils sont fin prêts. Un dernier signe de tête à Antonio et Amalia, puis ils effectuent une légère traction sur les élévateurs, la voile monte en douceur. Piotr donne le feu vert à Anita pour une  prise d'élan progressive. La voile semble un peu paresser, alors ils accélèrent de plus en plus le pas jusqu'à arriver à pleine vitesse. La voile accélère alors franchement, c'est le moment de la prise en charge accompagnée par une petite temporisation... et c'est aussi le moment que choisissent les deux poignées de frein pour rester dans les mains du pilote hébété. Les suspentes ont cédé nettes un bon mètre plus haut. De son coté, la marmotte qui à fuit un peu plus tôt a encore du Dynamea et de son gainage rouge qui la gênent entre les incisive ! 

   Le parapente arrache les deux Slovène du sol et les emporte droit devant dans une longue glissade rectiligne tandis la brise montante leur fait prendre de l'altitude La surprise passée, les deux passagers du vol reprennent la situation, non pas en mains, puisqu'il n'y a plus de poignées, mais en fesses, grâce à de puissants appuis sellettes. Et c'est dans ces moment là que nos deux parapentistes sont particulièrement fiers de leurs énormes jambonneaux personnels. Avec des telles masses en mouvement, les appuis sellettes, une fois coordonnés, sont d'une redoutable efficacité.

   Au loin, les motards portugais restés au sol s'éloignent en faisant des appels de phare, tandis que le duo slovène commence à enrouler gentiment, en prenant garde de ne pas trop coller au relief. Ils se laissent volontiers pousser sur la droite, de sorte à avoir de meilleurs appuis sur les faces orientées Sud-sud-est. La mer, il l'aperçoivent maintenant de plus en plus souvent par dessus certaines crêtes, son bleu se fond avec celui du ciel. Et puis, alors qu'ils s'élèvent au dessus d'une montagne couverte d'un épais maquis, tout à coup, le bleu marine barre tout l'horizon vers l'Est et le Sud. Cette mer brille juste pour eux de mille reflets. C'est magique. Plusieurs vallées semblent s'y jeter. Par prudence Anita  dirige Piotr dans la plus vaste tout en gardant à main droite un confortable appuis les plus hauts reliefs. Leur imposant vaisseau n'est pas aussi manœuvrant qu'ils le souhaiteraient, mais ils sont convaincu qu'en arrivant près de l'eau,  ils trouveront une plage suffisamment vaste pour qu'ils puissent se poser en toute sécurité.

   Quelques dizaines de minutes plus tard, la déception est grande. Cette côte est toute bétonnées, et pas un centimètre carré de plat n'est disponible pour atterrir. A leur grande stupeur, ils doivent même  constater de leurs propres yeux que les pilotes locaux en sont réduit à décoller sur un petit sommet bondé de gens qui manifestent en agitant des banderoles avec comme slogan "Red-Bull", juste à coté de la vilaine boule d'un radar militaire - ils en concluent donc qu'en français "Red Bull" signifie "Boule Radar". Et on peut comprendre que les gens qui s'entassent à devoir vivre ici, les uns sur les autres, ne soient pas contents d'être constamment sous la surveillance d'un radar...  A moins que, craindrait-on en ces lieux l'attaque imminente des dangereux intégristes qui habitent le château en dessous ? En tous cas, les rares parapentistes du coin vus en action en sont réduits à aller finir, après un petit vol ridicule par dessus l'autoroute, les lignes haute tension et les immeubles, sur un vulgaire matelas de plage abandonné à la dérive au milieu de la baie.  Voila qui fait pitié... et pas vraiment les affaires de Piotr et Anita qui ne savent pas nager.

      A regret, ils doivent se résoudre à essayer de se poser au décollage local, faute de plus de place ailleurs. Mais, tandis qu'ils préparent leur approche en PT8SLU, ce qui est vachement plus complexe que les prises de terrain habituelles, surtout sans frein, un gars au sol qui doit être un des délégués syndicaux de la manifestation, le meneur sans doute, leur fait des grands signes pour leur interdire l'atterrissage. Il faut admettre que le gars est rudement gonflé. Parce qu'oser se mettre en travers de la piste d'atterrissage avec pour seule protection une casquette et une chemisette bleue et grise à motifs rouge, et cela lorsque se présente, lancé à pleine vitesse, un aéronef gros porteur en perdition composé de plus de 300  kg de viande, d'os et de tissus.... C'est rudement gonflé ! Du coup, nos slovènes ratent de peu une première tentative. Le gars qui braillait des trucs incompréhensibles, du genre  "Ixalp Ohne Lee !!!", les a déconcentrés. Piotr re-tente un second passage, mais au sol les manifestants deviennent vraiment agressifs. De toute évidence, la région est sous bien plus haute tension sociale que leur Slovénie adorée. Ici les crises économique et politique font rage !

   Il vaut mieux aller voir plus loin.  La brise de mer est maintenant plein Sud à cette heure de la journée, ils décident donc de se laisser pousser le long de la côte vers le Nord-est. Un première cap tout aussi inhospitalier s'avance dans la mer, il est rapidement dépassé. Par chance, une paire de kilomètres plus loin, une plage digne de ce nom semble enfin s'offrir à eux. Ils sont sauvé, car l'altitude commençait à manquer.
 
   Piotr entame la branche vent arrière de la PTU au dessus de la plage, tandis qu'Anita hurle aux baigneurs et touristes présents sur le front de mer de bien vouloir dégager la piste fissa, tout en larguant les bagages et provisions inutiles. Ceci, afin de ne pas entraver leurs mouvements au délicat moment du kiss-landing sans frein qui va immanquablement survenir. Le dernier virage à 180° est exécuté à la perfection. Ils "crabent" maintenant vent de travers dans l'alignement de la plage. Personne n'a bougé malgré les judicieux conseils d'Anita. Seraient-ils tous sourds ou inconscients du danger imminent ? Quelque soit l'angle sous lequel Piotr considère son approche à grand vitesse, la piste est résolument encombrée, il va y avoir du strike dans l'air, et il a le flaire pour ça !

   C'est une dame, presqu'aussi corpulente qu'Anita et qui était échouée sur un transat en bout plage fut la toute première au contact de nos voyageurs : elle a pris les chaussures de rando taille 44 de la slovène en pleine face, envoyant voler le dentier de l'octogénaire jusque sur un banc de méduses de passage. Ces dernières ne s'étaient jamais senti aussi sauvagement agressées depuis leur arrivée en Ligure en début saison. Ensuite, ce fut un vieux, resté immobile les pieds plantés dans le sable bouché bé en équilibre instable sur son  déambulateur, qui eut le plaisir de se retrouver emporté entre les cuisses béantes de l'ancienne championne de lancé du marteau de passage en basse altitude. Puis, Anita et son parasite pubien nonagénaire, ont roulé ensemble sur deux ou trois autres septuagénaires aussi roussis que fripés qui étaient en train de se faire rôtir sur leurs serviettes.

   Les écarteurs ayant cédés sous le choc, Piotr, grâce à quelques longues et vigoureuses enjambées dont il avait le secret, était parvenu à se maintenir en équilibre aussi instable que précaire quelques mètres de plus, avant que sa trajectoire ne croise celle du seul actif au milieu de tous ces retraités : le plagiste en charge d'apporter la ration de médicaments de midi à ses clients. L'ultime tentative d'évitement de Piotr ne fut pas fructueuse pour le malheureux travailleur qui venait d'avaler d'un coup les 87 petites boites de pilules multicolores qu'il portait jusque là sur son plateau. Piotr de son coté poursuivait son chemin à vive allure à travers parasols, chaises pliantes, ventres rebondis et poitrines flasques, à la poursuite... ou entrainé,.... -  difficile à dire - par son gigantesque parapente.

    Ces derniers, Piotr et le parapente,  vrac  achevèrent leur course folle en recouvrant un duo de duchesses  britanniques millésimées de l'avant guerre, et toutes aussi cuites par le soleil qu'il soit possible de l'être avant de virer au fluo. Lorsque Piotr rouvrit les yeux, ceux-ci étaient fichés dans ce qui avait du être, il y a bien longtemps, le décolleté de l'une des duchesses, et ressemblait maintenant bien plus à une image satellite en 3D du désert du Rub al Khali dans toute l'expression de son aridité. La seconde duchesse, visiblement jalouse, réclamait à grands cris, qu'elle aussi, fut l'objet d'une visite guidée de la part du vaillant slovène. De toute évidence, ces vestiges de l'ex-empire britannique n'avaient plus été explorés depuis la disparition de Thomas Edward Lawrence - plus connu sous sobriquet de Lawrence d'Arabie - en mai  1935 lors d'un tragique accident de motocyclette.

   Lorsque Piotr parvint enfin, à grand peine, à extraire sa tête de sous les vastes pièces de tissus du parapente et des  corsages de ses dames réunis, le visage tout sourire d'un grand black vendeur à la sauvette de colifichets lui faisait face.  Mr. Green "Bonjour Pâââtrooon. Bienvenu à Menton. Tu veux des lunettes de soleil ou des bijoux pour tes femmes ? ".

   Le soir même, après la diffusion de l'épisode quotidien de Plus Belle La Vie, et à l'initiative de la toujours verte et désœuvrée population locale, tout ce que la riante cité balnéaire comptait de valides s'était donné rendez-vous sur le front de mer pour une grande Tisane-Party donnée en l'honneur de nos deux jeunes voyageurs, et de leur arrivée tonitruante à Menton. Selon l'édition spéciale de Nice-Matin qui en fit sa couverture, la ville n'avait pas connue pareille animation passé 21 heures depuis la Libération en 1944 !   trinquer  forum de parapente

    prof  prof Le compte rendu de la X-Alps ainsi qu'une photo regroupant Maurer, Latour et Girard, ne feront l'objet que d'un entrefilet en avant dernières page du quotidien régional, et encore, dans l'édition du mardi, celle ou le journal manque presque toujours d'actualité fraiche à  se mettre sous la dent. 



 salut ! 
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« Répondre #13 le: 03 Septembre 2013 - 15:15:31 »

Chapeau bas l'artiste et  +1 au karma comme d'habitude.

Ps : il faut clairement que tu te trouves un éditeur ou au moins que tu fasses un recueil de tes histoires
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Heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière.
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« Répondre #14 le: 03 Septembre 2013 - 19:55:30 »

Piotr ne connait pas le pilotage aux arrières en cas de rupture des commandes de freins ?  Comme quoi on peut être un pilote d'exception et omettre des connaissances de base.

J'adore ces personnages haut en couleurs !  bravo
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« Répondre #15 le: 03 Septembre 2013 - 20:00:31 »

 +1 au karma
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« Répondre #16 le: 04 Septembre 2013 - 08:48:35 »

Pour ceux qui ont été passionnés par les aventures de nos deux voyageurs, je me permet de leur donner quelques informations de dernière minute :       


 Aux dernière nouvelles Anita et Piotr seraient toujours à Menton où ils ont été adoptés comme leurs propres enfants par la population locale,  littéralement tombée sous le charme de ce jeune couple simple et dynamique.


      Il est fortement question qu'ils s'installent : A la demande particulièrement insistante d'un grand nombre de résidents (cf les manifestations et défilés du 12, 23 et 31 août dernier), la municipalité de Menton, le syndicat d'initiative et les résidences Hesperides se sont regroupés pour leurs proposer des postes d'animateurs. Ils ont plein de projets : Anita devrait donner des cours d'aquagym et survie en foret, Piotr va aménager un décollage et son chemin accessibles aux déambulateurs sur les hauteurs de la commune pour faire des biplaces. Il a déjà des réservations pour les 6 prochains mois. Et ensemble, ils souhaitent aménager un acro-branche pour séniors dans le jardin botanique.   
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« Répondre #17 le: 04 Septembre 2013 - 08:52:58 »

Piotr ne connait pas le pilotage aux arrières en cas de rupture des commandes de freins ?  Comme quoi on peut être un pilote d'exception et omettre des connaissances de base.

Finalement pas si exceptionnel que ça ! C'est un piotr pilote !  canap
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